Surveillance des plages et sécurité publique : un été olympique pas comme les autres sur le littoral

Devant la mobilisation des forces de sécurité de l'État sur les sites olympiques cet été, les collectivités du littoral se sont organisées pour assurer la surveillance des baignades et la sécurité à terre, quitte à renoncer à certains évènements. Mais elles craignent surtout que les effectifs passés ne reviennent plus à leur niveau antérieur.

En octobre 2022, l'annonce par le ministre de l'Intérieur de l'absence des CRS-MNS (maîtres-nageurs-sauveteurs) dans la surveillance des plages durant l'été 2024 en raison de leur mobilisation pour assurer la sécurité des Jeux olympiques avait suscité l'émoi des élus locaux. À quelques jours du début de la saison estivale, les collectivités sont pourtant prêtes à répondre à l'arrivée des vacanciers, même si des questions demeurent, notamment sur le problème plus large de la sécurité des stations littorales à plus long terme.

Les CRS étaient l'an passé un peu moins de trois cents à assurer la surveillance de la baignade dans cinquante-cinq communes littorales. Ce nombre n'est pas négligeable mais il est loin de refléter le besoin de personnel pour l'ensemble des plages françaises. Si dans une station comme Lacanau, en Gironde, ils peuvent représenter 10% des effectifs de surveillance, dans certains secteurs, comme les Côtes-d'Armor, ils sont quasiment absents.

Aux premières loges pour observer l'action des stations balnéaires, Alain Blanchard, délégué général de l'Association nationale des élus du littoral (Anel), confirme que "les collectivités ont été informées depuis plusieurs mois qu'il y aurait une problématique de présence de CRS sur les plages cet été, et qu'elles se sont débrouillées chacune à sa manière". Une partie des collectivités concernées a eu recours à des embauches de MNS en direct. D'autres ont passé des conventions avec des entités spécialisées dans le secours en mer, et en premier lieu, la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) qui, selon Alain Blanchard, "a dû répondre à plus de sollicitations que d'habitude". 

Sauvés par la SNSM

Pour faire face à ces nouvelles demandes, la SNSM – qui surveille chaque été environ un tiers des plages françaises et mobilise 1.500 sauveteurs sur les plages – a augmenté le nombre de ses sauveteurs formés pour répondre aux besoins des communes. "De 550 nouveaux sauveteurs formés chaque année, nous sommes passés à 700 cette année", indique l'association.

Si la mobilisation des collectivités et des sociétés de sauvetage en mer a permis de pallier l'absence de CRS sur les plages, ces derniers vont également manquer cet été dans un autre domaine : la sécurité publique. "Ce n'est pas tant sur les plages que le problème était majoritairement prégnant dans l'esprit des maires que sur les renforts de sécurité à terre", avance Alain Blanchard, pour qui, "pendant la période touristique, le littoral a une population beaucoup plus importante et doit faire face à des problématiques de sécurité beaucoup fortes qu'hors saison".

Car traditionnellement, c'est aussi dans les rues des stations que la présence des CRS est appréciée par les élus locaux. Durant l'été 2022, onze unités étaient ainsi en mission de sécurisation, complétées par 230 policiers des services territoriaux de la direction centrale de la sécurité publique (DNSP).

Moins d'évènements faute de forces de sécurité

Pour faire face à la mobilisation des forces de l'ordre pour les Jeux olympiques, les  collectivités se sont, là encore, adaptées. Certaines ont embauché plus de personnels de police municipale. D'autres ont pallié le manque de présence humaine par des solutions technologiques, comme des bornes d'appel d'urgence permettant de solliciter l'aide de la police nationale ou municipale en cas de besoin. Certaines, enfin, ont tout simplement restreint le nombre de manifestations nécessitant des forces de sécurité. 

"Des collectivités ont diminué le nombre d'évènements qu'elles organisaient d'habitude elles-mêmes, d'autres n'ont pas donné d'autorisation, y compris, parfois, pour des évènements qui ont lieu chaque année, en expliquant aux organisateurs qu'elles ne pourraient pas assurer la sécurité comme par le passé, explique Alain Blanchard. Elles ont aussi pu demander des renforts de sécurité à des organisateurs." Mais étant donné que les entreprises privées de sécurité sont également sous tension du fait de la tenue des Jeux olympiques, cette dernière solution a parfois été synonyme de renoncement pour l'organisateur.

À Trébeurden, dans les Côtes-d'Armor, c'est bien cet aspect de sécurité en ville qui préoccupe Laurent Boyer, adjoint au maire chargé de l'environnement : "Nous ne sommes pas vraiment impactés par l'absence de personnel d'État pour la surveillance des baignades puisque nous n'avons jamais eu de CRS sur nos plages. Mais nous avons un poste de gendarmerie saisonnier sur la commune dont le temps de présence va être très réduit cette année. Les gendarmes qui viennent sur ce poste ont en effet été affectés ailleurs, notamment sur des sites olympiques."

La peur du vide après 2024

En cet été 2024 exceptionnel, les élus locaux subissent donc des situations nouvelles et s'y adaptent. "Les collectivités comprennent que c'est une année particulière et que l'accueil des Jeux olympiques est une chance qui a son revers. Elles sont prêtes à assumer quelques désagréments de manière transitoire et exceptionnelle", assure Alain Blanchard. Mais une crainte est apparue ces derniers mois : et si ce désengagement ponctuel de l'État venait à durer.

Le sujet n'est pas inconnu de l'État. Dans une réponse du 13 juillet 2023 à une question parlementaire, le ministère de l'Intérieur affirmait, concernant la surveillance des plages, que même s'"il ne s'agit pas d'une mission propre des CRS ni d'une obligation légale de l'État, [celui-ci] continuera à mobiliser des nageurs-sauveteurs des CRS pour concourir, aux côtés des communes, à la mission de secours en mer et de surveillance des plages et baignades". Quant à la sécurisation des communes littorales, il assurait que "l'État assume pleinement ses missions régaliennes de sécurité des biens et des personnes". Et, en tout état de cause, le ministère se voulait rassurant en concluant que "les dispositifs habituels seront de nouveau déployés pour la saison estivale 2025".

Malgré cette assurance, Laurent Boyer affiche son pessimisme : "Les moyens de l'État sont en diminution déjà depuis un petit moment. L'année dernière, on nous a déjà laissé entendre que, tôt ou tard, notre poste de sécurité estival serait amené à disparaître ou relocalisé pour le mutualiser avec différentes communes." De son côté, Alain Blanchard reste dubitatif : "Chat échaudé craint l'eau froide. Il y a quelques exemples passés où l'État ayant diminué sa présence dans un domaine, y compris en matière de renfort de sécurité, c'est ensuite devenu la règle car personne n'avait trop réagi sur le terrain. Trois ou quatre ans plus tard, on avait vu arriver des problèmes quand des personnes mal intentionnées ont compris qu'il y avait un manque sur tel ou tel territoire." Pour les élus du littoral, l'héritage des Jeux se mesurera donc en grande partie par le maintien des forces de l'ordre de l'État à leurs côtés chaque été.