Sécurisation des JO : attention à ne pas déshabiller le reste du territoire
La sécurisation des JO donne lieu à une "mobilisation exceptionnelle", souligne la mission d'information sénatoriale de suivi de la loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux. A part quelques couacs, l'anticipation est au rendez-vous, estiment les deux rapporteures. Mais elles craignent que cette mobilisation ne se traduise par des manques d'effectifs dans le reste du territoire et que les policiers municipaux ne servent de "supplétifs". C'est particulièrement le cas sur les plages où les élus dénoncent l'absence de CRS. La région Occitanie s'en est ouverte au ministre de l'Intérieur.
Plus que cent jours avant la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) qui se dérouleront du 26 juillet au 8 septembre. Mais qui démarreront dès le 8 mai avec l'arrivée sur le sol français de la flamme olympique qui va traverser 400 villes. Un événement "hors norme, inédit", avec plus de 13,5 millions de spectateurs attendus, souligne la mission sénatoriale de suivi de la loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux, dite loi "JOP," dont le rapport a été adopté à l'unanimité mercredi 10 avril. Au terme de six mois de travaux, la sénatrice Agnès Canayer (LR, Seine-Maritime), corapporteure de la mission, s'est réjouie, mercredi, lors d'une conférence de presse, d'une "mobilisation exceptionnelle". "Nous pouvons concourir sérieusement pour la médaille d'or de la sécurisation", a abondé sur le ton de la plaisanterie, l'autre corapporteure, Marie-Pierre de La Gontrie (Ser, Paris).
Bonne coordination
La mission se félicite de la bonne coordination entre le Comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris (Cojop) et les pouvoirs publics au sein de "contrats de ville-hôte". Le Cojop a la responsabilité de la sécurité au sein des sites de la compétition, du village des athlètes, du village des médias et de leurs abords immédiats. L'Etat a la charge de la sécurité des espaces publics et des voies. Quant aux collectivités, elles sont responsables des "clubs 24" (les "fans zones") et des cérémonies et manifestations annexes. "Une répartition tripartite qui, au début, nous a beaucoup inquiétées mais, au fur et à mesure de nos investigations, nous avons pu percevoir qu'il y avait une réelle coordination entre l'ensemble de ses membres", a indiqué Agnès Canayer. Elle s'est aussi montrée rassurée par "l'unité de commandement au sein du comité de coordination sécurité" qui "permettra d'avoir un seul canal de gestion, notamment en cas de crise". Malgré les moyens déployés, il n'y a "pas de risque zéro", mais "nous sommes sur la bonne voie", a-t-elle assuré.
Le décret "grands événements" en attente
Le "continuum de sécurité" se traduira par la mobilisation de 35.000 forces de sécurité engagées chaque jour, secondées par 18.000 agents de sécurité privés et 18.000 militaires. Une "vraie anticipation" a été réalisée, la plupart des décrets d'application ayant été pris. Toutefois, certains textes importants restent en attente. C'est tout particulièrement le cas des décrets "grands événements" liés à la sécurisation de la cérémonie d’ouverture des JO et aux "clubs 2024".
Agnès Canayer a par ailleurs regretté la mise en place tardive de "la vidéoprotection augmentée". Ces caméras seront "encore très expérimentales et pas très efficaces contrairement à ce que nous avions espéré". Les rapporteures regrettent que les scanners à ondes millimétriques ne puissent pas être utilisés, faute de tests probants. Elles soulignent aussi qu'à ce jour 3% des appels d’offres liés à la sécurité privée sont restés infructueux et que cela pourrait entraîner un "risque de défaillance". Ce qui les conduit à demander à "se préparer à l’engagement des armées en arbitrant rapidement le recours aux armées pour pallier le déficit éventuel d’agents de sécurité privée".
Faciliter le recours aux polices municipales
Les sénatrices demandent de "faciliter" le recours aux polices municipales pour la sécurisation des JO. Mais à certaines conditions. Toute mise à disposition devra recevoir "l'accord du maire" et passer par la signature (ou l’actualisation) des conventions de coordination des interventions de la police municipale et des forces de sécurité de l'État "pour prendre en compte les besoins locaux spécifiques résultant de l’organisation des JOP". Les sénatrices demandent parallèlement de faire évoluer, "avant la fin de l’année" le régime indemnitaire des policiers municipaux "afin d’offrir aux maires la possibilité de leur octroyer une prime exceptionnelle en cas de participation à la sécurisation de "grands événements'".
Mais les deux sénatrices soulèvent aussi le risque de déshabiller les autres territoires. Ainsi, les policiers municipaux et gardes champêtres ne doivent pas être utilisés comme "supplétifs" des forces de sécurité intérieure envoyées sur les sites olympiques. Plusieurs préconisations du rapport vont dans ce sens. Les rapporteures demandent que le préfet informe le maire "des prévisions de déplacement des forces de sécurité intérieure affectées dans le département" et de toute évolution "en temps réel". En contrepartie, les maires sont invités à se rapprocher du préfet pour l'informer de leur propre organisation. Enfin, elles encouragent la mutualisation "temporaire" et "volontaire" des gardes champêtres et policiers municipaux "en cas de besoin pour assurer les missions de sécurisation incendie ou de sécurisation des plages au cours de l’été 2024".
Pas de CRS sur les plages d'Occitanie
A cet égard, la région Occitanie a adressé un courrier à Gérald Darmanin le 5 avril pour l'alerter sur l'absence de CRS sur les plages de la région du fait des JO. "Nous avons déjà connu une situation similaire en 2017, au lendemain de l’Euro de football, avec une perte de plus de 200 postes de CRS sauveteurs sur l’ensemble de nos côtes. Cela ne peut et ne doit pas se reproduire", s'offusque la présidente de la région Carole Delga, dans un communiqué du 11 avril. Elle relaie également auprès du ministre "les demandes des maires concernant la compensation financière du recrutement et de la formation de nouveaux sauveteurs destinés à pallier l’absence de CRS". "Ces communes font le choix, à leurs frais, de maintenir un niveau de surveillance optimal pour la sécurité de nos habitants et de celle des touristes présents en nombre sur la période estivale. Il en va de la responsabilité de l’État d’être présent à leurs côtés", argue Carole Delga. Le littoral aquitain n'est pas mieux loti.