Prévention des risques - Sûreté nucléaire : l'ASN dresse un état des lieux "positif mais nuancé"
L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a rendu public ce 15 avril son rapport annuel sur l’état de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France. "La situation actuelle est globalement assez satisfaisante", estime l'ASN, qui relève que l'année 2013 "se situe globalement dans la continuité des années précédentes". En termes de contrôle, 2.191 inspections ont été réalisées - 2.030 sont d'ores et déjà programmées pour 2014 - dans les installations nucléaires de base (INB), les activités liées aux équipements sous pression, les activités de transport de substances radioactives ou celles mettant en oeuvre des rayonnements ionisants. Le nombre des incidents déclarés "est resté stable", relève l'ASN. En 2013, 1.123 événements significatifs concernant la sûreté nucléaire, la radioprotection et l’environnement dans les INB ont été déclarés à l’ASN, dont 103 événements classés de niveau 1 sur l’échelle Inès (qui en comporte 8, de 0 à 7) et 2 événements de niveau 2, note également le rapport.
Enjeux de sûreté nucléaire
Ce constat ne doit toutefois "pas masquer l’importance des prochaines échéances pour la sûreté nucléaire et la radioprotection", souligne l'ASN. L'éventuelle poursuite du fonctionnement des réacteurs actuels au-delà du quatrième réexamen décennal de sûreté n’est en particulier "nullement acquise". Le rapport insiste ainsi sur les "enjeux de sûreté sans précédent" auxquels devra faire face l'ASN dans les dix prochaines années. Des décisions lourdes devront être prises "sur la poursuite du fonctionnement des réacteurs électronucléaires, la gestion d’un accident nucléaire en Europe, le projet de stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde, la maîtrise des expositions médicales aux rayonnements ionisants ou l’exposition au radon". Devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), le président de l'ASN, Pierre-Franck Chevet, a par ailleurs relevé des situations "clairement insatisfaisantes", rapporte l'AFP. C'est le cas des déchets anciens à La Hague, "clairement mal conditionnés à l'époque". Mais également de l'usine de fabrication de combustibles FBFC à Romans (Isère), qui a montré "des manques de rigueur dans la tenue des engagements pris notamment dans la mise en oeuvre des améliorations de sûreté". La persistance d’incidents significatifs appelle par ailleurs "à maintenir la vigilance vis-à-vis du risque d’un accident grave toujours possible", relève l'ASN. Pierre-Franck Chevet a enfin déploré devant les parlementaires le défaut de "sanctions intermédiaires" à la disposition de l'ASN, "notamment pour des cas où les écarts ne sont pas graves au point de justifier un arrêt immédiat, mais perdurent dans le temps". Constat sans appel pour Denis Baupin, vice-président de l’Assemblée nationale et membre de l'OPECST : la sûreté nucléaire est "toujours aussi défaillante", estime-t-il, confirmant "l’urgence que l’Etat se saisisse enfin de la transition énergétique".
Renforcer l'information du public
Un chapitre entier du rapport est consacré au sujet crucial de l'information du public. L'ASN y fait notamment valoir les actions entreprises pour renforcer la consultation du public et des parties prenantes et la transparence des informations. Afin de développer ses relations avec les élus locaux, l'ASN a participé pour la première fois au Salon des maires en novembre dernier. Parmi les sujets d’intérêt des élus figurent en effet les dispositifs d’urgence applicables à proximité des centrales nucléaires, la gestion post-accidentelle d’un accident nucléaire et la présence de radon dans les bâtiments dans certaines régions françaises. Ce gaz cancérigène pour le poumon suscite de nombreuses questions relatives à sa détection et aux actions de protection des populations. Des mesures ont été prises en ce sens dans les établissements recevant du public des 31 départements français prioritaires du fait de leur niveau en émanation de radon. Une nouvelle cartographie du potentiel d’exhalation du radon au niveau communal établi par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) permet désormais de mieux cerner les zones à risque. De nouvelles orientations réglementaires devraient également être arrêtées pour prendre en compte la nouvelle directive 2013/59/Euratom sur les normes de base en radioprotection, qui demande en particulier l’établissement d’un plan d’action national pour faire face aux risques à long terme dus à l’exposition au radon dans les bâtiments, y compris les logements.
L'ASN soutient par ailleurs l’action en faveur de la transparence des commissions locales d’information (CLI) chargées sur le terrain de suivre l'activité des sites nucléaires (au nombre de 35 au titre de la loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire de 2006, dite TSN). A l’exception de l’installation Ionisos à Dagneux, dans l’Ain, tous les sites d'INB en sont maintenant dotés. Financées par les collectivités territoriales et par l’ASN, les CLI et leur fédération (ANCCLI) ont bénéficié en 2012 d'un accroissement de deux tiers du soutien financier de l'ASN, qui y consacre environ un million d’euros, rappelle le rapport. Ce soutien a été maintenu en 2013.
En complément de l’appréciation globale portée par grands secteurs d’activités et par grands exploitants, le rapport de l'ASN dresse enfin un panorama régional de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Le contrôle réalisé par les onze divisions territoriales permet de porter une appréciation sur les enjeux locaux et d'identifier certaines actions particulièrement représentatives de l’action de l’ASN en région.