Suppression des crédits du Plan vélo et marche : les élus repartent au combat en unissant leurs forces
Le nouveau Réseau vélo et marche, né de la fusion entre le Club des villes et territoires cyclables et marchables et l'association Vélo et Territoires, appelle l'Etat à un rétablissement des crédits du Plan vélo et marche. Selon lui la "pluriannualité" des financements est indispensable aux collectivités pour planifier et réaliser leurs projets de mobilités actives sur le long terme.
Pour sa naissance officielle, le nouveau réseau Vélo et marche va devoir livrer un rude combat, après la suppression des crédits du Plan du même nom qui avait été actée dans le projet de budget 2025 présenté par le gouvernement Barnier. Issue de la fusion du Club des villes et territoires cyclables et du réseau Villes & Territoires, la nouvelle association qui a tenu sa première conférence de presse ce 7 janvier dans les locaux du Sénat, après une présentation lors du dernier Salon des maires (lire notre article) fait donc du rétablissement du plan Vélo et marche la mère des batailles pour 2025, en partant du principe que l'union fait la force.
"Vrai impact sur la vie quotidienne des Français"
"On était extrêmement satisfaits du plan car pour la première fois, on entrait dans la pluriannualité", pour financer "une des politiques pour lesquelles le rapport coût/bénéfice est le plus important", a rappelé Françoise Rossignol, co-présidente du nouveau Réseau. "Les investissements n'appellent pas de budgets colossaux, comme pour le ferroviaire, et ont pourtant un vrai impact sur la vie quotidienne des Français", a-t-elle souligné, tout en insistant sur le fait qu'en la matière, "les collectivités ont besoin de temps et de visibilité" pour planifier et réaliser les projets sur le long terme. Chrystelle Beurrier, également co-présidente du Réseau, qui se veut désormais le porte-voix unique de toutes les collectivités investies dans le vélo et la marche, de la région aux petites communes, a vu dans ce plan, qui prévoyait 2 milliards d'euros d'investissements sur la période 2023-2027, "la reconnaissance que les modes actifs avaient trouvé une place concrète". Elle a notamment mis en avant son caractère "incitatif", notamment pour les petites intercommunalités, plus enclines à se mobiliser en faveur de ces politiques en élaborant des schémas structurants si elles savent qu’elles sont soutenues.
Risque d'abandon de projets et de pertes d'expertises
"L’arrêt brusque" de ce plan, annoncé en octobre dernier par François Durovray, alors ministre délégué chargé des Transports, lors d’une rencontre avec les associations après la mort du cycliste Paul Varry à Paris "casse cette confiance en l’État", et en son "engagement", et ce "au moment où les collectivités se projettent dans le prochain mandat", soulignent les co-présidentes. Cela "donne un signal politique désastreux", estiment-elles. "Aujourd’hui, des projets sont abandonnés ou retardés" dans les collectivités, alertent-elles. Outre l’absence de soutien financier de l’État, ces dernières doivent composer avec des ressources qui s’amenuisent, réduisant de fait les cofinancements de certains projets par d’autres collectivités telles que les départements et les régions.
"Tout retard casse la dynamique, c’est catastrophique", déplore Françoise Rossignol. "La réalité des collectivités, c’est qu’à la fin de l’exercice 2024, des investissements prévus n’ont pas été réalisés, et des recettes attendues n’ont pas été reçues, relève Chrystelle Beurrier. En 2025, il est évident que si elles n’ont pas de visibilité, les crédits vont diminuer, voire disparaître", alors que 2026 sera une année électorale, et donc peu propice aux investissements. "Supprimer une politique, c’est extrêmement violent, souligne Françoise Rossignol. On risque de perdre des expertises dans les collectivités pour réaliser les infrastructures, notamment."
L'appui des parlementaires
Pour Jacques Fernique, sénateur écologiste du Bas-Rhin et coprésident du Club des élus nationaux pour le vélo et la marche, présent à la conférence de presse ce mardi, "ce qui est en jeu, c’est la liquidation ou non d’une politique nécessaire, en développement et prometteuse". Alors que "des centaines de projets" sont en attente dans les collectivités, il veut croire que ces dernières "n’ont pas encore baissé les bras".
Les échanges entre leurs associations et le gouvernement ont été rendus particulièrement compliqués par la valse des ministres au cours de ces derniers mois et l'absence de comité interministériel dédié, qui aurait dû se tenir tous les six mois comme le prévoyait le Plan Vélo et marche. A chaque nouveau gouvernement, "les interlocuteurs changent, il faut tout réexpliquer depuis le départ", déplore Chrystelle Beurrier.
Le Réseau fonde aujourd'hui beaucoup d'espoirs sur les élus nationaux, qui votent le budget. "Il s’agit pour nous, parlementaires attachés aux mobilités actives, de convaincre nos collègues et le gouvernement qu’il serait désastreux de couper cet élan cyclable", affirme Jacques Fernique. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2025, interrompu par la censure du gouvernement, les amendements budgétaires transmis par les associations et repris par les sénateurs ont en tout cas été supprimés "dès le passage en commission", de même que ceux concernant "des avantages fiscaux pour les entreprises, qui facilitaient les mobilités actives", selon Laurence Muller-Bronn, sénatrice (LR) et vice-présidente du conseil départemental du Bas-Rhin. Mais elle nourrit une lueur d'espoir. Philippe Tabarot, nouveau ministre chargé des Transports, était "un collègue" de son groupe au Sénat, qui a siégé "en commission avec Jacques Fernique". "J’ai eu une discussion avec lui, il est sensible à la problématique [vélo], et nous recevra au plus vite", a-t-elle annoncé aux présidentes du Réseau vélo et marche. "C’est lui qui a proposé, et c’est un pied dans la porte", il "faut aller très vite".
Les co-présidentes du Réseau assurent "bien comprendre les contraintes budgétaires" et "ne pas contester" que le secteur des mobilités actives "participe à un effort global national". Mais "ce sur quoi on n’est pas prêts à faire des efforts, ce sont les infrastructures", qui permettent une pratique sécurisée, affirme Chrystelle Beurrier. "C'est ce que l'on doit à l'usager."