Fonction publique territoriale - Supplantée par l'entretien professionnel, la notation des agents vit ses derniers moments
Le projet de loi sur la fonction publique qui doit être présenté en juillet prochain en Conseil des ministres prolongera de deux ans, soit en 2013 et 2014, l'expérimentation de l'entretien visant à évaluer la valeur professionnelle de l'agent, expérimentation qui s'est déroulée dans la fonction publique territoriale entre 2010 et 2012. Le même texte devrait prévoir qu'en 2015, l'entretien sera généralisé à toutes les collectivités et qu'il se substituera "de manière définitive" à la notation.
C'est ce qu'annonce le gouvernement dans un bilan que ses services ont effectué sur l'expérimentation de l'entretien professionnel et dont le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) a récemment été destinataire.
L'entretien professionnel "est ressenti" par les collectivités qui l'ont institué à la place de la notation "comme un réel progrès en matière de management et de gestion des ressources humaines", affirme le gouvernement, qui s'appuie sur les résultats d'une enquête menée en 2012 par des associations d'élus locaux*. Il est en particulier relevé que la démarche "entraine un renforcement du dialogue tout en confortant le supérieur hiérarchique direct dans son rôle de manager". Les collectivités, essentiellement les plus grandes, n'ont pas eu de grosses difficultés à mettre en place l'entretien professionnel. Pour une raison toute simple : beaucoup d'entre elles disposaient déjà d'un tel outil, en complément de la notation. Mais un certain nombre de collectivités ont critiqué les délais de la procédure : pour mener à bien les entretiens, rédiger les fiches et les présenter à l'autorité territoriale, il faudrait bien plus qu'un trimestre. Certaines collectivités ont aussi critiqué le rythme annuel et l'obligation de signature par l'autorité territoriale, dans la mesure où de telles contraintes "alourdissent" la procédure.
Pas de vide juridique
Le gouvernement en conclut qu'il faudra "adapter les procédures pour tenir compte des spécificités des collectivités locales, et notamment leur taille, en les assouplissant et les allégeant". Le décret du 29 juin 2010 qui a précisé l'article 15 de la loi relative à la mobilité et aux parcours professionnels du 3 août 2009 - celui qui a lancé l'expérimentation - sera donc révisé, en concertation avec le CSFPT.
La prolongation de l'expérimentation qui s'est achevée fin 2012 n'interviendra pas a priori avant la fin 2013, l'examen du projet de loi nécessitant plusieurs mois. Cela ne signifie pas, pour autant, que l'expérimentation est remise en cause en 2013. Dans une circulaire aux préfets du 4 mars dernier, le directeur général des collectivités locales assure que les collectivités ayant mis en place l'entretien professionnel à la place de la notation peuvent "valablement" s'appuyer sur les entretiens réalisés début 2013 pour tirer un bilan de 2012. Pour 2014, il n'y a absolument pas d'inquiétude non plus à avoir : la disposition législative annoncée "permettra de valider" les entretiens professionnels réalisés début 2014 – qui porteront sur l'année 2013.
Une démarche trop "subjective"
Bien qu'étant positif, le bilan du gouvernement devrait susciter un vif débat chez les représentants syndicaux membres du CSFPT. Ceux-ci doivent évoquer le dossier lors de la réunion du bureau et de la séance plénière qui a lieu ce 27 mars. Le bilan de cinq pages communiqué par le gouvernement "n'est pas assez complet pour que nous nous prononcions", critique Didier Pirot, président de la formation spécialisée du conseil supérieur consacrée aux questions relatives à la gestion des agents. Certains syndicats regrettent que des collectivités aient décidé le passage à l'entretien professionnel sans consulter le comité technique. D'autres insistent sur la nécessité de former les cadres aux techniques de l'entretien, ce que, certainement, les petites collectivités feront peu. D'ailleurs, ces mêmes collectivités vont être nombreuses à attendre l'obligation de 2015 pour adopter l'entretien professionnel et donc, ne l'auront pas testé. A ces critiques, certains responsables ajoutent des remarques de fond : l'entretien étant réalisé par le supérieur hiérarchique direct de l'agent, il est certainement plus subjectif que la notation qui repose au moins sur un minimum de critères, font-ils valoir. Avec, donc, de gros doutes sur l'utilité d'une suppression de la notation.
Dans les collectivités qui l'ont adopté, l'entretien professionnel serait devenu un document majeur de la politique de management et de ressources humaines. Le compte rendu de l'entretien est en particulier devenu l'un des outils de l'établissement des listes d'aptitude permettant aux agents de prétendre à une promotion interne et à un avancement d'échelon à l'ancienneté minimale. L'évaluation de la valeur professionnelle peut aussi être utilisée pour apprécier les résultats des agents soumis à un régime de prime prenant en compte les résultats, ou encore pour recueillir leurs souhaits en matière de formation.
*Sur les 126 communes et intercommunalités ayant répondu l'année dernière à l'enquête de l'Association des maires de France, un peu plus du tiers testaient l'entretien professionnel. La pratique semble encore plus répandue dans les départements, puisqu'un peu moins de la moitié des 49 conseils généraux interrogés par l'Assemblée des départements de France l'ont mise en place.