Habitat - Superficie des logements : les gagnants ne sont pas ceux que l'on croit
L'Observatoire des inégalités - organisme indépendant d'information et d'analyse, soutenu notamment par de grandes associations caritatives et par les régions Centre et Ile-de-France - publie une étude sur les différences de superficie moyenne du logement selon les catégories socioprofessionnelles et sur leur évolution entre 1984 et 2006. Cette étude, portant uniquement sur la France métropolitaine, s'appuie sur l'exploitation des enquêtes logement de l'Insee et se cantonne aux seules résidences principales.
En 2006, la surface moyenne par personne variait de 30 m2 par personne pour les ouvriers à 46 m2 pour les agriculteurs exploitants, soit un écart de plus de 50%. Entre ces deux catégories figurent les professions intermédiaires et les employés (34 m2), les cadres supérieurs (38 m2) et les artisans, commerçants, chefs d'entreprise et professions libérales (43 m2). Le facteur discriminant est donc moins le niveau de revenu - les exploitants agricoles figurent parmi les derniers en la matière - que le type d'habitation (une maison pour la quasi-totalité des agriculteurs) et la localisation géographique (le coût du mètre carré de logement étant bien sûr nettement moins élevé dans les zones rurales que dans les grandes villes, où vivent la majorité des cadres supérieurs). Même en excluant le cas particulier des exploitants agricoles, il apparaît que les cadres supérieurs disposent d'une surface moyenne inférieure à celle des commerçants, artisans et autres indépendants. Or les revenus des artisans et commerçants sont pourtant souvent inférieurs à ceux des cadres supérieurs, beaucoup plus homogènes.
L'Observatoire des inégalités s'est penché également sur l'évolution de la surface moyenne par personne entre 1984 et 2006. Point positif : en une vingtaine d'années, celle-ci a sensiblement augmenté pour toutes les catégories socioprofessionnelles. Cette évolution est d'ailleurs en phase avec l'amélioration générale des conditions de logement au cours de cette période, dont témoignent de nombreuses études de l'Insee. Elle recouvre cependant des écarts très importants entre les différentes catégories étudiées. Les grands gagnants sont à nouveau les agriculteurs exploitants : en vingt ans, la surface moyenne par personne est passée de 31 à 46 m2, soit une progression de 48%. Viennent ensuite les indépendants (artisans, commerçants, chefs d'entreprise et professions libérales) avec +43%, et les ouvriers (+30%). Les professions intermédiaires et employés (+17%) et les cadres supérieurs (+15%) ferment la marche.
Il n'est toutefois pas sûr que les exploitant agricoles - et plus généralement les habitants des zones rurales - aient des raisons de se réjouir d'une situation qui semble pourtant leur donner un avantage sur les urbains. La forte progression de la surface moyenne par personne dont ils bénéficient est en effet le reflet du vieillissement des agriculteurs et de la diminution de la population agricole. L'élévation de l'âge moyen des agriculteurs se traduit par une moindre présence d'enfants au foyer et, par conséquent, par une baisse du dénominateur. De même, la décohabitation et le départ d'une partie des enfants vers les villes et vers l'emploi salarié contribuent à accroître mécaniquement la surface disponible pour ceux qui restent. Enfin, contrairement au cas des autres catégories socioprofessionnelles, les agriculteurs ne peuvent pas changer de logement lorsque la taille de la cellule familiale diminue, car celui-ci est partie intégrante de l'exploitation agricole.
Jean-Noël Escudié / PCA