Stratégie nationale bas-carbone, programmation pluriannuelle de l'énergie : la concertation publique ouverte jusqu’à mi-décembre

Dernière ligne droite pour la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) révisées que le ministère de la Transition écologique vient d’ouvrir simultanément à la concertation publique, sur une plateforme dédiée, jusqu’au 16 décembre. Ces deux piliers de la stratégie française énergie-climat (SFEC) s’ajouteront à un troisième grand texte fondateur, le plan national d’adaptation au changement climatique (Pnac), dont la consultation est également en cours. 

"C'est un grand plaisir d’être avec vous aujourd’hui pour le lancement de la concertation préalable sur deux documents fondamentaux de ma feuille de route (…). Avec ces textes, nous renforçons la planification écologique. Nous fixons le bon cap, les bons objectifs, les bons indicateurs pour poursuivre ces efforts." C'est dans ces termes que la ministre de la Transition écologique, de l'Énergie, du Climat et de la Prévention des risques a officialisé, ce 4 novembre, aux côtés des ministres des Transports et de l’Énergie, la consultation publique sur les troisièmes éditions de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) établie pour la période 2025-2035. Au regard du contexte budgétaire contraint et des événements extrêmes répétés, marqués par les inondations meurtrières en Espagne, la ministre a rapidement pris un ton plus grave, rappelant "qu’il est plus qu’urgent d’accélérer sur la baisse de nos émissions de gaz à effet de serre".

La concertation mutualisée SNBC-PPE, qui va se tenir sous la supervision de la Commission nationale du débat public (CNDP) durant six semaines, avait été annoncée par communiqué mi-octobre. Attendus depuis des mois, ces documents de programmation, dont la révision intervient normalement tous les cinq ans, auraient dû entamer leur phase de concertation en juillet. Après le renoncement à légiférer sur les objectifs énergétiques, c’est la dissolution de la précédente Assemblée nationale qui est venue bousculer un peu plus le calendrier. Les travaux de révision ont été engagés dès 2021, et plusieurs phases de consultations, associant les citoyens et les élus, ont déjà été organisées en 2022, notamment ponctuées d’un "tour de France des régions" et d’un "forum des jeunesses", pour déboucher en novembre 2023 sur la publication d’un projet de stratégie française énergie-climat (SFEC). L’Autorité environnementale (Ae) a par ailleurs rendu public un avis de cadrage préalable le 14 septembre dernier. 

Pas de décret avant la fin du premier trimestre 2025

Les deux documents sont désormais inclus dans un plan national intégré énergie-climat (Pniec) que la France a envoyé - presque dans les temps - en juillet à la Commission européenne, comprenant en outre un plan national d’adaptation au changement climatique (Pnac), également en cours d’élaboration, et dont la concertation s’est ouverte une semaine auparavant, le 25 octobre (voir notre article). Les grandes lignes de la feuille de route de la France pour conduire sa transition climatique et énergétique sont donc d’ores et déjà connues.

Cette nouvelle phase de consultation du public - qualifiée de "légale" par le cabinet de la ministre - sera suivie de la consultation du Conseil national de la transition écologique (CNTE) et du Haut Conseil pour le climat (HCC). L’adoption définitive par décrets ne devrait donc intervenir que "d’ici la fin du premier trimestre 2025" pour la PPE, et avec un ceratin décalage plutôt "à la fin du deuxième trimestre", voire du second semestre s’agissant de la SNBC, les travaux de modélisation devant se poursuivre.

Ces textes pourraient, le cas échant, être adossés à la proposition de loi Gremillet - qui propose de fixer la programmation énergétique nationale - adoptée au Sénat en première lecture le 16 octobre (voir notre article). Une issue positive pour ce texte n’est nullement assurée, d’autant que le gouvernement ne prévoit pas de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. 

Peu de changements structurels depuis la précédente version

La SNBC définit la feuille de route en matière d’atténuation du changement climatique pour l’ensemble des secteurs (transports, agriculture, industrie, etc.), production et transformation d’énergie compris, et la PPE traduit de manière plus opérationnelle, pour les dix années à venir, les orientations de la politique énergétique. Ce travail de longue haleine se poursuit "dans la continuité" avec les précédentes consultations. Dans l’ensemble, ce sont ainsi "les mêmes objectifs" à horizon 2030 et 2035 que ceux présentés dans le projet de SFEC de novembre 2023, avec "quelques ajustements à la marge", relève le cabinet du ministère.

L’ambition portée par la PPE 3 est de réussir à créer la bascule et passer d’une énergie qui est environ 60% carbonée en 2022 à une énergie qui serait à environ 60% décarbonée en 2030 et encore davantage en 2035. Cette stratégie repose sur deux piliers : la réduction de notre consommation d’énergie, grâce à la sobriété et à l’efficacité énergétique, et l’accélération de la production d’énergie décarbonée. Avec sans surprise le choix assumé de "s’appuyer sur deux jambes": la relance du nucléaire et le développement des énergies renouvelables.

Est entre autres confirmé le lancement d’un programme de construction d’EPR 2 et de redressement de la disponibilité du parc existant afin d’atteindre un niveau de production d’a minima 360 TWh/an et si possible de 400 TWh/an. Sur les énergies renouvelables, il est prévu de multiplier jusqu’à six fois la puissance installée en 2022 du photovoltaïque, accélérer le développement de l’éolien en mer (pour atteindre 18 GW de capacités à horizon 2035, soit plus de 10% de la production d’électricité décarbonée), pour l’éolien terrestre 1,5 GW de capacité installée par an, soit le maintien du rythme actuel de développement, d'augmenter de 2,8 GW notre capacité sur l’hydroelectricité et de viser l'objectif de 6,5 GW de capacité de production d’hydrogène en 2030. Les énergies renouvelables non électriques joueront également un rôle clé avec l’objectif de doubler notre production de chaleur renouvelable entre 2022 et 2035, et le développement du biogaz dont la production sera quasiment multipliée par cinq d’ici à 2035 (soit environ 15% de biogaz injecté dans les réseaux de gaz). 

Focus sur les transports 

Les transports, "c’est un sujet sur lequel la marche à franchir est la plus élévée", a insisté Agnès Pannier-Runacher. La PPE3 intègre la stratégie de développement des mobilités propres (SDMP) qui lui est annexée. Elle traduit de manière opérationnelle les objectifs de la SNBC pour ce qui relève des mobilités. D’après les chiffres du Pniec, le secteur des transports devra viser une quantité d’émissions de 90 Mt CO2, en 2030, soit une baisse des émissions de 31% des émissions par rapport à 2022. Cela nécessite d’agir sur l’ensemble des leviers.

Différents axes stratégiques sont ainsi définis dans les documents programmatiques : favoriser une demande de transports sobres, orienter l’offre et la demande vers des transports décarbonés - autrement dit, faire du report modal -, augmenter les taux d’occupation/chargement des véhicules, (exemple : soutenir le covoiturage). Est aussi sur la table le déploiement des pistes cyclables, du transport ferroviaire et des RER métropolitains. Il est en outre bien évidemment question d'optimiser les consommations d’énergies (poids des véhicules, verdissent des motorisations par l’électrification, etc.).

Une SNBC encore en construction

La SNBC 3 comporte des budgets carbone (pour les trois prochaines périodes de cinq ans 2024-2028, 2029-2033 et 2034-2038) indicatifs en empreinte et un objectif de long terme, la neutralité carbone en 2050. Pas moins de 45 orientations de politiques publiques pour atteindre ces objectifs et des indicateurs de suivi y sont présentés.

L’annonce principale est une baisse plus ambitieuse de 50% des émissions nationales brutes à l’horizon 2030 par rapport à 1990 (l’objectif était 40% dans la deuxième SNBC) en cohérence avec le Pacte vert pour l’Europe (paquet "Fit for 55"), soit un objectif d’émissions annuelles de 270 Mt CO2eq, ce qui représente en moyenne une baisse de 5% chaque année entre 2022 et 2030 (contre 2% de réduction annuelle en moyenne de 2017 à 2022). La ligne est tenue pour l’instant avec pour 2023 une baisse de 5,8% des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2022 et une réduction de 4,8%, sur douze mois, entre juillet 2023 et juin 2024.

Les deux hypothèses de consommation d’énergie finale à horizon 2030 et 2035 sont respectivement autour de 1.200 TWh et 1.100 TWh, soit une réduction d’environ 30% entre 2022 et 2035. Les budgets carbone ont "légèrement évolué" par rapport à la SNBC 2. A titre d’exemple sur la SNBC 2 pour le secteur du bâtiment on évaluait les budgets carbone sur la période 2024-2028 à 61 Mt de CO2eq et pour la SNBC 3 on les évalue 48 Mt de CO2eq. Pour les déchets, respectivement de 11 à 9 Mt de CO2eq sur la période 2024-2028. Pas d’évolution en revanche sur cette même période pour les transports 113 Mt de CO2eq. 

"Des chiffres amenés à évoluer y compris avec les absorptions sur les puits de carbone" (sur lesquels le Pniec restait prudent), souligne-t-on dans l’entourage d’Olga Givernet. Pour assurer la crédibilité du scénario, cela suppose encore de "vérifier la cohérence" des décisions sectorielles : bouclage électrique, bouclage biomasse, ressources critiques, allocation de l’espace (agricoles, forestiers, urbains etc.)… Illustration est faite avec la formation d’un groupe d’intérêt scientifique (GIS) "biomasse", qui doit permettre d’aboutir à "une photographie de la production et des usages". Les premières réflexions sur la trajectoire de décarbonation pour l’horizon 2030-2050 - sur lesquelles les travaux se poursuivent - figurent en annexe. 

Des territoires acteurs du débat 

Dans le prolongement des COP régionales, un kit d’animation de réunion d’initiative locale est mis à disposition des territoires. Les objectifs nationaux de développement des énergies renouvelables de la PPE, seront pour la première fois déclinés au niveau régional, après la publication de la PPE3, sur proposition des comités régionaux de l’énergie. Ces comités seront également chargés de vérifier la cohérence entre la somme des zones d’accélération des énergies renouvelables définies par les collectivités (en application de la loi Aper) et les objectifs régionaux de production d’énergie. Le processus est décrit dans la PPE 3. La SNBC décrit de son côté le processus retenu pour sa déclinaison au niveau territorial - certains de ces leviers sont des compétences exclusives. Elle fait également référence à l’analyse de l’ambition agrégée de l’ensemble des Sraddet et des PCAET, et des analyses plus récentes menées sur la base des COP régionales.