Énergies renouvelables : la commissaire Kadri Simson pointe les retards de la France

La France a du mal à faire passer l'idée de son mix énergétique "décarboné" aux yeux de la Commission qui a déploré, mercredi, le retard pris dans le déploiement des énergies renouvelables. La commissaire Kadri Simson n'a pas exlu des sanctions.

Dans cette période charnière entre deux mandats, la Commission européenne s'est félicitée, mercredi 11 septembre, des progrès accomplis dans sa politique énergétique, tout en mesurant le chemin qui reste à accomplir pour sortir de la dépendance aux énergies fossiles… en particulier russes. Après le pic de 2022, "le prix de l'énergie reste trop élevé", a concédé la commissaire à l'énergie Kadri Simson, lors de la présentation du rapport 2024 sur l'état de l'union de l'énergie. Et selon elle, le meilleur moyen de le faire baisser est "d'accélérer encore le rythme de mise en place des énergies renouvelables" (le prix de l'électricité étant encore dépendant de celui du gaz, malgré la réforme du marché de l'électricité de 2023, ndlr). Or en 2024, le rythme de déploiement des énergies renouvelables n'avance "pas assez vite" et l'Europe a besoin "d'une nouvelle impulsion" pour parvenir aux 42,5% de renouvelables dans le bouquet énergétique fixé pour 2030 par la directive RED III (voir notre article du 7 novembre 2023), a ajouté celle qui quittera prochainement son poste (une autre Estonienne, Kaja Kallas, ayant été nommée à la tête de la diplomatie européenne, deux candidats briguent son portefeuille : le Tchèque Jozef Sikela et le Danois Dan Jorgensen). 

58% d'énergie "décarbonée" en 2030

La commissaire a appelé à "terminer le travail accompli" et exhorté les États membres à transmettre leur plan national intégré énergie climat (Pniec), alors que seuls dix l'ont fait à ce jour. Ce que la France a fait au mois de juillet, après qu'une première version avait été retoquée par la Commission au mois de décembre. Dans ce document de plus de 300 pages, la France détaille par le menu la façon dont elle entend s'y prendre pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55% comparé à 1990 d’ici à 2030, comme le prévoit le paquet climat "Fit to 55". En matière d'énergies renouvelables, le document indique que l'objectif de 23% de renouvelables dans la consommation finale fixé par une précédente directive de 2009 pour 2020 sera bien atteint… mais avec quatre ans de retard. Alors que la Commission recommandait à la France de revoir à la hausse ses objectifs, conformément à la directive RED III (et d'aller même jusqu'à 44% de renouvelables en 2030), le Pniec français assume la relance du nucléaire. Ainsi, il ne s'en tient pas aux seules énergies renouvelables et se fixe un objectif de 58% d'énergie "décarbonée" d'ici 2030.

Le sujet est un irritant entre Paris et Bruxelles (et Berlin) depuis des mois. Au mois de juin, l'association Amorce avait dévoilé un courrier de la Commission transmis "à la représentation gouvernementale française, qui l’a transmis à chacune des régions", expliquant "qu’au regard des retards pris par la France dans le développement des énergies renouvelables, elle gelait les aides du Feder dans l’attente d’une réponse de clarification, de correction de la trajectoire" (voir notre article du 5 juin).

"Il y a des voix juridiques qui nous permettrait de trouver des solutions"

Apparemment, pour la commissaire, les efforts ne sont toujours pas suffisants. "La France reste en deçà de ses objectifs, d'autres États membres sont dans cette situation qui ont trouvé d'autres solutions", a-t-elle ainsi déclaré, mercredi, citant le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas qui, eux, "ont déployé des efforts pour rattraper ce retard". "Aujourd'hui, la Commission continue de dialoguer avec les autorités françaises afin de combler ce retard et de veiller à ce que la France respecte ses engagements en matière d'objectifs contraignants", a-t-elle dit. 

D'après le rapport publié mercredi, en 2022, l'UE avait atteint une part de 23% d'énergies renouvelables dans la consommation finale, mais avec des écarts substantiels entre les États : la Suède arrive largement en tête (66%), devant la Finlande (47,9%), la Lituanie (43,3%), le Danemark (41,6%). Avec moins de 14%, la Belgique, l'Irlande, le Luxembourg et Malte sont à la traîne. Mais trois pays – la France, l'Irlande et l'Autriche – sont en dessous des objectifs qu'ils s'étaient fixés pour 2020. "En conséquence, ces Etats membres devront prendre, d'ici un an, des mesures complémentaires", peut-on y lire. Interrogée sur la situation de la France, Kadri Simson a lancé cet avertissement : "Il y a des voix juridiques qui nous permettrait de trouver des solutions." Le paradoxe est que l'Allemagne n'est pas visée par la Commission, alors que son mix énergétique reposant encore pour une grande part sur le charbon, émet bien de plus de CO2.