Statut des élus locaux : la délégation sénatoriale aux collectivités dévoile de nouvelles propositions

La délégation aux collectivités territoriales au sein du Sénat a adopté à l'unanimité ce 14 décembre deux "rapports flash" sur le statut de l'élu local : le premier est relatif à "l'exercice du mandat local" et le second à "la sortie de mandat". Autorisations d'absence, valorisation de l'engagement des élus locaux, conciliation entre le mandat et la vie personnelle, accès à la formation, accompagnement des élus en fin de mandat… Les rapporteurs y proposent une batterie de mesures, souvent très concrètes, pour faciliter la vie des élus et rendre les mandats locaux plus attractifs. Un premier "rapport flash" avait été remis mi-novembre sur les indemnités des élus locaux.

Émus par le témoignage d'une maire "obligée de mordre sur ses nuits, ses week-ends et tout son temps libre" pour exercer son mandat, les auteurs du "rapport flash" sur "l'exercice du mandat local" – les sénateurs Nadine Bellurot (apparentée LR), Pascal Martin (UC) et Guylène Pantel (RDSE) – jugent indispensable de "donner aux élus le temps d'exercer leur mandat". Ceux ayant une activité professionnelle ont certes droit à des autorisations d'absence et des crédits d'heures. Mais ces "avantages" sont "souvent l’objet d’une négociation à la baisse avec l’employeur" et "le volume de travail qui pèse" sur ceux qui en bénéficient "n’est généralement pas modulé". Le renforcement de ces crédits d'heures pose donc question. D'autant qu'ils occasionnent des "contraintes" pour les employeurs, selon les sénateurs. Ces derniers prônent en définitive un élargissement de leur recours "aux cérémonies publiques et aux réunions décisionnelles organisées au niveau intercommunal". En outre, ils souhaitent que, contrairement à la pratique actuelle, ces temps d'absence légale soient assimilés à du temps de travail effectif pour le calcul des avantages sociaux (congés payés, droits liés à l'ancienneté, 13e mois, tickets restaurants…).

Les sénateurs s'intéressent aussi aux dispositions en matière de prévention des conflits d'intérêt. Bien que louables dans leur principe, elles sont dans les faits, pour certaines, "paralysantes" pour l'action des élus locaux, observent-ils. Entre autres solutions, ils proposent d'allonger (de 2 à 5 mois) les délais de dépôt des déclarations d’intérêt auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATPV) et de faire pré-remplir par l’administration la déclaration de patrimoine des élus locaux. Les élus n’auraient ainsi qu’à la vérifier et éventuellement à la compléter.

Prise en charge des frais de garde d'enfants

La délégation sénatoriale plaide en outre pour que les conditions de mise en oeuvre de la responsabilité pénale des élus locaux soient précisées, tant en matière d'octroi d'avantage injustifié, que de prise illégale d'intérêt et d'homicide ou de blessure involontaire. Les définitions de ces délits et les conditions d'engagement de la responsabilité des élus locaux pour chacun d'eux ne sont guère satisfaisantes actuellement.

Afin de favoriser la candidature des catégories de la population qui aujourd'hui sont sous-représentées (ouvriers et employés, jeunes et femmes), un bouquet de mesures est mis sur la table. Parmi lesquelles : la poursuite facilitée de l'exercice du mandat pendant le congé maternité ou le congé paternité des élus, la meilleure prise en charge des frais de garde d'enfants engagés par les élus dans le cadre de leur mandat, la compensation par l'État de ces frais pour un plus grand nombre de communes qu'aujourd'hui, ou encore l'autorisation de la visioconférence pour les réunions et les commissions organisées par les communes et les intercommunalités. La mission flash souhaite aussi que, dans les entreprises, des accords collectifs puissent être signés pour permettre une meilleure conciliation entre l'activité professionnelle et les fonctions électives, comme cela existe pour les représentants du personnel.

Faciliter l'entrée dans le mandat

Pour faciliter l'entrée dans le mandat, de nombreuses pistes sont là encore avancées : journées de formation proposées peu après l'élection, diffusion d'un guide, mise en place d'un système de parrainage sur la base du volontariat entre les nouveaux maires et les anciens… Et pour "solenniser" ce moment, il est proposé entre autres "une cérémonie officielle de prestation de serment de chaque maire".

Relevant en matière de formation qu'il est "encore trop tôt pour tirer des enseignements réellement conclusifs" de la réforme de 2021, la délégation sénatoriale émet quand même quelques préconisations, dont le relèvement (de 1,5 Smic à 2 Smic) du plafond de la compensation financière allouée aux élus qui se forment.

Pour renforcer la reconnaissance accordée aux élus locaux, la mission recommande que l'État lance, avant les élections municipales de 2026, une campagne de grande ampleur de valorisation des élus locaux. Elle propose encore la création d'un label récompensant les structures employant des élus locaux et la réduction à douze ans (contre quinze à dix-huit ans actuellement) de la durée requise pour bénéficier de l’honorariat municipal.

Étendre le bénéfice de l'allocation de fin du mandat

La fin du mandat a été négligée par les lois qui se sont penchées sur l'exercice des mandats locaux, regrettent les sénateurs Agnès Canayer (LR), Thierry Cozic (SER) et Gérard Lahellec (CRCE) à l'origine d'un second "rapport flash", spécifique à cette question. Pourtant, la sortie du mandat représente une "période délicate" pour ceux qui la vivent, des experts l'assimilant même à une "période de deuil". Des dispositions nouvelles "s’imposent" donc "avant les élections municipales de 2026" pour "aider les élus locaux à mieux vivre et gérer" cette séquence, plaident-ils.

L'allocation "différentielle" de fin de mandat, qui est aujourd'hui versée pendant un an au plus aux élus locaux ayant renoncé à leur activité professionnelle pour se consacrer exclusivement à leurs fonctions électives, devrait être allouée aussi, selon eux, aux maires des communes de moins de 1.000 habitants – qui en sont exclus actuellement. Les sénateurs estiment également qu'elle devrait pouvoir être perçue en cours de mandat par des élus contraints de démissionner. Ils recommandent enfin qu'elle fasse l'objet d'une publicité beaucoup plus systématique, le recours à cette aide étant très faible (selon des estimations, à peine plus de 200 élus devraient y recourir sur la période 2022-2027).

Certificats de compétences professionnelles

En matière de droits à la retraite, constatant que des "avancées" ont pu être enregistrées récemment, les rapporteurs estiment que de nouveaux progrès sont nécessaires. Ils reprennent à leur compte une proposition de l'Association des maires de France, à savoir "l’octroi d’une bonification de trimestres (un trimestre par mandat, par exemple)".

Les anciens élus locaux peuvent avoir recours à la validation des acquis de l'expérience (VAE) pour l'obtention d'un diplôme ou d'un titre. Mais la démarche "souffre d’un manque d’information". Les rapporteurs recommandent donc "une action incitative et informative, en direction des élus en fin de mandat" et le développement de la démarche avec les universités. La création d'un "certificat de compétences professionnelles pour les élus locaux" – sur le modèle de certificats qui ont été créés pour les élus du personnel - serait "une alternative plus simple, plus légère et moins chronophage à la VAE", considèrent-ils aussi.

Sociétés à mission

Pour "faciliter la réinsertion professionnelle" des anciens élus locaux dans le privé, le "rapport flash" propose encore que soit complété le statut des sociétés à mission – c'est-à-dire les entreprises qui se donnent une finalité d’ordre social ou environnemental, en complément de leur but lucratif – afin de prévoir un volet "citoyen" visant à "favoriser le recrutement et la reconversion professionnelle d’anciens élus".

Ces nombreuses propositions, souvent très concrètes, devraient alimenter la proposition de loi sur les conditions d’exercice des élus, que le Sénat présentera début 2024. Soit quelques mois avant que le gouvernement ne dévoile à son tour un projet de loi devant s'appuyer sur les propositions de la mission sur la décentralisation que l'exécutif a confiée à Eric Woerth.