Elus locaux : le Sénat veut indexer leurs indemnités sur l'inflation
Dans un rapport, la délégation sénatoriale aux collectivités appelle à une revalorisation des indemnités des élus locaux qui soit "à la hauteur de leur fort engagement citoyen". Elle recommande l'indexation des indemnités électives sur l'inflation et entrouvre le débat sur la création d'un statut rémunéré de certains élus locaux.
A quelques jours de l'ouverture du congrès annuel de l'Association des maires de France (AMF) – au cours duquel la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, présentera ses premières orientations sur la réforme du statut de l'élu local –, la délégation sénatoriale aux collectivités a adopté à l'unanimité, ce 16 novembre, un rapport d'information appelant à relever les indemnités des élus locaux pour reconnaître leur engagement à sa "juste valeur".
"La question de la juste indemnisation des élus est un enjeu démocratique majeur", pointent les auteurs de ce rapport – la présidente de la délégation, Françoise Gatel (Union centriste) et ses collègues, François Bonhomme (Les Républicains) et Éric Kerrouche (groupe socialiste, écologiste et républicain). Or ils constatent que "trop souvent, le mandat local pénalise ceux qui l’exercent". Ainsi, "la quasi-totalité des maires et adjoints" perçoivent une indemnité "inférieure, voire nettement inférieure au salaire moyen brut en France". Pour un mandat qui est pourtant de plus en plus exigeant.
Mandat chronophage
"Complexité des normes, montée de l'intercommunalité, difficultés de recrutement des secrétaires de mairie" sont autant de nouveaux facteurs qui conduisent les élus locaux à "consacrer de plus en plus de temps" à leur fonction élective ("en moyenne 32 heures par semaine"). "Dévouement ne rime pas avec sacrifice", soulignent les sénateurs, qui émettent huit recommandations.
Dans le contexte de l'inflation élevée, il s'agirait d'abord de protéger les indemnités des élus locaux contre les effets de celle-ci, par leur indexation annuelle sur l'inflation, et ce dès 2024. Ce serait le préalable à une revalorisation des indemnités des élus des collectivités de "toutes strates démographiques", qui serait "proposée" avant les élections municipales de 2026. En outre, pour que ces coups de pouce n'alourdissent pas les charges des plus petites communes, la dotation particulière élus locaux (DPEL) serait attribuée à toutes les communes dont la population va jusqu'à 3.500 habitants – alors qu'aujourd'hui les communes de moins de 1.000 habitants se situant en dessous de certains seuils de richesse sont les seules à en bénéficier.
Le maire, un agent de l'État
Les sénateurs appellent aussi à la reconnaissance des fonctions que le maire exerce pour le compte de l'État. Une partie du mandat qui devrait, selon eux, être compensée financièrement, au bénéfice de la commune. Ils estiment que la contribution de l'État devrait être de 10% du plafond indemnitaire du maire. Il s'agit d'une proposition que plusieurs associations d'élus locaux, dont l'AMF, ont déjà faite à l'occasion de la récente convention nationale de la démocratie locale organisée par le ministère de l'Intérieur et le ministère délégué chargé des Collectivités territoriales (voir notre article du 7 novembre).
Les auteurs estiment qu'"à plus long terme", il faudra "réfléchir, pour certaines catégories d’élus, à la création d’un nouveau statut rémunéré". Alors qu'au moment des discussions sur la loi Engagement et proximité de 2019, le Sénat avait réaffirmé la tradition de la gratuité des mandats locaux, sa délégation aux collectivités ne craint pas, désormais, une remise en cause de ce principe – en tout cas pour son application à certains élus locaux. Un tel virage était prôné par Éric Kerrouche dans sa proposition de loi "visant à démocratiser les fonctions électives", déposée en juin. Il semble, donc, que le sénateur et chercheur en sciences politiques ait réussi à se faire entendre parmi ses collègues. On notera également que la délégation sénatoriale "appelle de ses vœux" la création d’un statut dédié aux élus étudiants, permettant d'"aménager les conditions de poursuite des études avec l’exercice d’un mandat".
La délégation avance d'autres propositions :
- pour le calcul de l'enveloppe indemnitaire globale, permettre aux communes de définir le volume des indemnités à partir du nombre théorique maximal d’adjoints susceptibles d’être désignés (et non seulement de ceux qui exercent effectivement leurs fonctions) ;
- prévoir la prise en charge par l'État des frais de transport engagés par les élus des communes de moins de 3.500 habitants pour se rendre à des réunions dans des instances ou organismes ;
- faciliter la poursuite par les élus qui le souhaitent de l'exercice de leur mandat dans le cadre d’un arrêt maladie ;
- publier, enfin, le décret – prévu par la loi Engagement et proximité de 2019 – qui autorise le cumul de l’allocation adulte handicapé (AAH) avec une indemnité de fonction élective locale ;
- prévoir que les crédits d’heures ou les autorisations d’absence non payés par l’employeur soient pris en charge par la collectivité, dans un plafond égal à deux fois la valeur horaire du Smic (contre une fois et demie actuellement) ;
- "réfléchir à" l’octroi de compensations (crédit d’engagement citoyen, exonérations fiscales…) accordées aux entreprises qui engagent des élus.
Les sénateurs évaluent le coût de leurs différentes mesures à 153 millions d'euros par an pour l'État. Mais ce dernier aurait tout intérêt, selon eux, à les mettre en œuvre et, donc, à encourager l'engagement des élus locaux. En effet, si les "élus municipaux" étaient remplacés par des fonctionnaires de catégorie A, la facture pour l'État serait alourdie de 1,9 milliard d'euros, calculent-ils. La ministre déléguée aux Collectivités territoriales – qui a déclaré cet été vouloir augmenter les indemnités des élus locaux (voir notre article du 28 août), reprendra peut-être l'argument pour convaincre notamment Bercy de délier les cordons de la bourse.