Attractivité des mandats locaux : les maires de petites villes dévoilent 27 propositions
L'Association des petites villes de France (APVF) a présenté à la presse, ce 25 octobre, ses pistes pour revaloriser les mandats locaux, sous la forme d'une proposition de loi. Relèvement des indemnités - en particulier celles des élus des petites villes -, amélioration des droits sociaux, limitation du risque d'engagement de la responsabilité pénale… l'ensemble des mesures permettra de "donner un nouvel élan démocratique", assure l'APVF. Qui souligne "l'urgence" à les mettre en œuvre.
À deux semaines de la convention nationale de la démocratie locale que le gouvernement va organiser sur le statut de l'élu (voir nos articles du 17 juillet et du 29 septembre), l'Association des petites villes de France (APVF) dépose sur la table une proposition de loi composée de 27 mesures visant à renforcer l'attractivité des mandats locaux, un sujet "à traiter d'urgence pour revigorer la démocratie locale".
"Historiquement, on a voulu voir l'engagement des maires presque comme un engagement bénévole. Mais la réalité d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec un engagement associatif", analyse Daniel Cornalba, maire de L'Étang-la-Ville. Avec la décentralisation, des responsabilités croissantes ont été confiées aux élus locaux, mais "les enseignements" de cette évolution "n'ont pas du tout été tirés" sur le plan du statut de l'élu, abonde Christophe Rouillon, maire de Coulaines. Plusieurs lois (Démocratie de proximité en 2002, "Sueur-Gourault" en 2015, Engagement et proximité en 2019…) ont, certes, apporté des améliorations, mais celles-ci ont été "parcellaires", estime de son côté Christophe Bouillon, maire de Barentin et président de l’APVF. Pour "donner envie" aux citoyens de s'engager dans la vie élective, de même que pour rajeunir et diversifier le profil des élus et lutter contre "le découragement" de ces derniers, il faut "un ensemble de mesures", plaide l'APVF.
Indemnités relevées de 30%
Parmi elles : la revalorisation des indemnités de fonctions des élus locaux, lesquelles ne sont aujourd'hui "pas à la hauteur du travail réalisé, des engagements qui sont pris", selon Christophe Bouillon. À titre d'exemple, un maire d’une commune de 9.000 habitants, qui est "à portée d'engueulade de ses administrés" et "dont la responsabilité personnelle peut être engagée sur le pénal", perçoit une indemnité de "moins de 1.900 euros nets" mensuels. C'est moins que "le salaire médian des Français, qui s’élève à 1.940 euros nets" ou encore que l'indemnité perçue par les conseillers départementaux d'opposition dans "la moitié des départements" - une fonction qui n'est "pas celle qui mobilise le plus", souligne l'association.
Cette dernière réclame une augmentation comprise entre 1.100 et 1.300 euros bruts mensuels des indemnités des maires des communes de 2.000 à 20.000 habitants, représentant une revalorisation d'environ "30%". Soit l'équivalent de la hausse dont ont bénéficié les maires des communes de moins de 1.000 habitants par la loi Engagement et Proximité de décembre 2019. Une loi qui avait "oublié" les petites villes. "Nos concitoyens s'inquiètent, ils se demandent pourquoi on travaille pour si peu. Ils ne trouveront pas scandaleux qu'un maire puisse gagner 3.500 bruts", estime Christophe Rouillon. Les adjoints au maire devraient eux aussi bénéficier d'une hausse de 30% de leurs indemnités, selon l'APVF.
En outre, les élus des petites villes jugent que, dans les communes de plus de 1.000 habitants, la rémunération du maire doit être "fixe". En effet, la règle actuelle voulant que l'indemnité du premier magistrat soit votée en début de mandat fait l'objet de trop nombreuses "pressions démagogiques tendant à sa réduction ou sa suppression".
Bonification des cotisations retraite
Pour "favoriser la conciliation du mandat avec la vie personnelle et professionnelle", l'APVF propose d’augmenter les crédits d’heures ouverts aux maires et aux adjoints, et d'accorder une meilleure compensation financière lorsque les élus y ont recours. Elle considère aussi que les mandats locaux devraient compter au titre de l'ancienneté dans l'entreprise, lorsque les élus sont salariés.
En matière de retraite, l'APVF ne se satisfait pas des droits nouveaux apportés par la dernière réforme (voir notre article du 31 août). Elle revendique "une bonification d'un trimestre de cotisation pour chaque année complète d’exercice des fonctions" au bénéfice de "tout maire ayant exercé ses fonctions pendant douze ans, de manière continue ou non". Un principe inspiré d'une avancée octroyée aux sapeurs-pompiers volontaires, dans le cadre de la dernière réforme.
Pour favoriser la reconversion à la fin du mandat, l’allocation différentielle de fin de mandat doit, selon l'APVF, être accordée de manière moins restrictive qu'actuellement.
La proposition de loi entend également résoudre certaines difficultés particulières rencontrées par les jeunes élus et les femmes enceintes qui exercent un mandat de maire.
Pour améliorer la formation des élus locaux, l'APVF envisage un "déplafonnement" du droit individuel à la formation dont ils bénéficient (aujourd'hui le montant cumulé du dispositif sur plusieurs années ne peut pas dépasser 700 euros).
Autre grand axe de la proposition de loi, le renforcement de la sécurité juridique des mandats locaux passe notamment, selon l'APVF, par une mesure qui réserverait l’engagement de la responsabilité pénale personnelle des élus pour homicide ou blessure involontaire au cas de "manquement délibéré à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement".
"Un enjeu pour la société française"
"On ne veut pas être mieux traité que les autres, mais on ne veut pas [non plus] être moins bien traités que les autres", déclare le maire de Coulaines, qui cite par exemple les difficultés que rencontrent des élus pour obtenir un prêt bancaire, compte tenu de la nature des mandats locaux ("ni des CDD, ni des CDI"). L'APVF prône aussi un accès facilité des anciens élus au crédit bancaire.
"Ce ne sont pas des revendications corporatistes du syndicat des élus", souligne Loïc Hervé, président délégué de l'APVF. Les propositions défendues par l'association sont "un enjeu pour la société française", car lors des crises, les élus locaux, notamment ceux des petites villes, ont prouvé que "ce sont eux qui tiennent le pays", insiste-t-il.
Selon l'APVF, la convention nationale de la démocratie de proximité aura lieu le 7 novembre au Conseil économique, social et environnemental (Cese), à Paris. Les élus de toutes strates y débattront de leurs idées pour renforcer l'attractivité des mandats locaux. En vue de ce rendez-vous, les maires ruraux avaient présenté, fin septembre, une liste de 35 propositions (voir notre article du 5 octobre).
Ce sont autant de pistes que la ministre déléguée aux Collectivités, Dominique Faure, pourra utiliser pour donner corps au projet de loi qu'elle prépare sur le statut de l'élu.