Congrès des maires – Statut de l'élu : les députés se saisiront début 2025 de la proposition de loi du Sénat
Le gouvernement veut "avancer" sur le statut de l'élu local, a promis Françoise Gatel, ministre déléguée en charge de la Ruralité, lors du congrès de l'Association des maires de France (AMF), ce 19 novembre. La proposition de loi qu'elle avait portée lorsqu'elle était sénatrice sera examinée à l'Assemblée nationale dans les premiers mois de 2025. A l'approche des élections municipales de 2026, "il y a urgence", estime l'AMF. Selon une étude, les maires déclarent de manière massive, que leur mandat est "usant pour la santé".
Parodiant une réplique culte de l'acteur Michel Blanc, décédé début octobre, la ministre déléguée chargée de la Ruralité a déclaré ce 19 novembre au sujet des améliorations des conditions de l'exercice des mandats locaux : "Il est temps de conclure". Participant au forum du congrès annuel de l'Association des maires de France (AMF) consacré à cette question, Françoise Gatel a fait sourire l'assistance, qu'elle n'a pas non plus déçue. Au contraire.
Avant elle, Murielle Fabre, maire de Lampertheim, avait souhaité au nom de l'AMF – dont elle est la secrétaire générale – "qu'un vecteur législatif, quel qu'il soit, soit adopté" pour que l'exercice des mandats locaux soit facilité. Alors qu'en moyenne, 40 maires démissionnent chaque mois depuis le début de ce mandat, et à moins d'un an et demi des prochaines élections municipales, il est "urgent" de "se réapproprier l'envie d'être élu local demain", a-t-elle plaidé. Or, un an après la convention nationale de la démocratie locale, que le gouvernement avait réunie pour recueillir pléthore de propositions en la matière (voir notre article), "nous nous retrouvons dans la même situation, il n'y a rien, aucune avancée", a-t-elle constaté avec dépit.
Le choix du texte sénatorial
Ce qui n'est pas totalement exact. A l'Assemblée nationale, une proposition de loi transpartisane sur le statut de l'élu a en effet été déposée (voir notre article), reprenant des éléments figurant dans des propositions de textes qui avaient été présentées avant la dissolution. Et du côté du Sénat, on le sait, une proposition de loi, poussée notamment par Françoise Gatel - lorsque celle-ci était encore sénatrice - a été adoptée à l'unanimité en première lecture, en mars 2024 (voir notre article). "95%" des dispositions de ce texte en chantier recueillent un avis favorable "par rapport aux propositions qui ont été portées par l'AMF", a estimé Murielle Fabre.
Or, ce texte va bien poursuivre son parcours "début 2025", cette fois à l'Assemblée nationale. La ministre l'a assuré. Ce choix lui semble être "le plus simple, le plus pragmatique et le plus efficace". Depuis quelques semaines déjà, il tenait la corde. L'arbitrage en faveur de cette option devrait être confirmé par le Premier ministre, Michel Barnier, ce 21 novembre, lors de son allocution en clôture du congrès.
"Maires H24"
Les démissions de maires, ce "sujet tabou", sont montées à 450 par an en moyenne depuis 2020, mais un pic a sans doute été atteint à la mi-mandat, a indiqué Martial Foucault, professeur des universités à Sciences Po Paris. Elles ne s'étaient élevées qu'à 250 par an en moyenne sur le mandat précédent (2014-2020) et à 175 sur la période 2008-2014. C'est dire combien le phénomène s'est aggravé. La "principale raison" révélée par l'analyse des articles de la presse locale entre 2020 et 2023, réside dans "les dissensions" au sein du conseil municipal, qui aboutissent à ce que le maire soit mis en minorité. Mais les difficultés de conciliation de l'exercice du mandat avec l'activité professionnelle et la vie personnelle jouent également un rôle non négligeable.
Pour cause : le mandat local n'a rien d'une sinécure, comme l'ont développé Didier Demazière et Jérôme Pélisse, deux sociologues (CNRS/Sciences Po) venus présenter une étude sur le sujet, menée en mai et juin derniers auprès d'un échantillon représentatif de plus de 4.900 maires. Survenant de manière fréquente ou occasionnelle pour la plupart des intéressés, les horaires atypiques (le week-end, le soir…) "pèsent lourdement sur les rythmes de vie" de ces derniers, constatent les chercheurs. "On est maire 'H24'", "on ne quitte jamais le costume", "c'est une seconde peau, on ne peut pas s'en défaire", ont témoigné certains des édiles interrogés.
Charge mentale
"On comprend dès lors que le sentiment d’investissement excessif dans l’exercice du mandat soit partagé par la quasi-totalité des répondants", écrivent les auteurs. Dans ces conditions, environ neuf maires sur dix indiquent avoir connu des coups de fatigue et presque autant (87%) révèlent avoir des troubles du sommeil souvent" ou "parfois".
"La charge mentale du mandat apparait potentiellement plus lourde que la charge physique", décryptent les sociologues. Dans le détail, près des deux tiers des maires déclarent "penser souvent à trop de choses à la fois", tandis que quatre sur dix disent "être souvent sous pression".
Au total, les maires sont 83% à penser que le mandat est "usant pour la santé" (37,5% sont "tout à fait d’accord" avec cette affirmation et 45,1% "plutôt d’accord").
Gros tracas avec les arrêts maladie
La difficulté de poursuivre l'exercice du mandat local au cours d'un arrêt de travail n'est pas résolue, a aussi pointé lors du forum Cyrille Guilbert, adjoint au maire chargé du sport à la mairie de Villeparisis. En arrêt maladie, l'élu – qui avait pourtant obtenu une autorisation formelle de son médecin pour continuer l'exercice de son mandat - s'est vu retirer le bénéfice des indemnités journalières. Par ailleurs, une somme de 43.000 euros lui est réclamée. Vivant aujourd'hui du RSA, il a saisi le tribunal judiciaire.
"La Sécurité sociale nous met des bâtons dans les roues, c'est intenable", a-t-il dénoncé depuis les rangs de la salle. Les élus en arrêt maladie ont normalement la possibilité de poursuivre leur mandat tout en percevant des indemnités journalières. Pour cela, une case doit être cochée "sur le Cerfa", a indiqué Cyrille Guilbert. Mais elle n'existe "pas sur la télétransmission et on nous préconise d'utiliser [celle-ci]", alerte-t-il.