Près d'un tiers des maires guettés par un risque d'épuisement

31,4% des maires présentent des signes d’épuisement, selon une étude de l'université de Montpellier. Parmi eux, au moins 1.100 sont confrontés à un risque de burnout sévère. Sources de stress, la complexité et les lourdeurs administratives qui paralysent l'action sont pointées du doigt. 

Près d’un tiers des maires présentent des signes d’épuisement, selon une étude inédite de deux chercheurs de l’université de Montpellier, menée en partenariat avec l’Association des maires ruraux de France (AMRF). Si la plupart "font face à un début d’épuisement", près de 3,5% d’entre eux se trouvent face à un risque de "burnout sévère", alerte cette enquête à laquelle 1.700 maires des communes de moins de 10.000 habitants – les autres ont été exclus pour des raisons de confidentialité - ont répondu entre février et juillet 2024. Compte tenu de la marge d'erreur propre à l'échantillon, ce sont ainsi entre 1.142 et 1.218 maires qui sont confrontés à ce risque important pour leur santé, concluent les chercheurs Olivier Torres et Mathieu Le Moal.

La complexité de la gestion locale et les lourdeurs administratives liées notamment aux normes figurent en tête des facteurs de stress chez les édiles, devant les difficultés liées à l'obtention de subventions. Ces résultats confirment les constats qui avaient été dressés en juillet 2023 par la mission d'information du Sénat sur l'avenir de la commune et du maire en France (voir notre article). Les contraintes liées à un projet et les problèmes judiciaires viennent ensuite. En forte augmentation ce dernières années et très médiatisées, les agressions et les menaces qui les visent ne sont placées qu'à la huitième position par les maires.

Frustration

Invités à exprimer le sentiment qu'ils ressentent quand ils pensent à leur fonction, 900 maires interrogés se sont dits avant tout "déçus" et "fatigués". L'impuissance, les troubles du sommeil et la lassitude ont aussi été mis en avant. Des sentiments qui, à l'exception de l'impuissance, sont cités également par les dirigeants de PME, auprès desquels Olivier Torres a déjà mené de nombreuses enquêtes. Ces résultats caractérisent en général la santé mentale des personnes très investies dans leur travail. En revanche, l'impuissance apparaît à un niveau bien plus élevé chez les élus locaux. Ces derniers "souffrent d’une forme de syndrome d’épuisement de frustration", diagnostiquent les chercheurs, qui ont présenté les résultats de leur étude le 30 août à la presse. Dans une enquête dévoilée lors du dernier congrès des maires de France, Martial Foucault, directeur du Cevipof, avait lui évoqué "des maires engagés mais empêchés" (voir notre article).

L'étude révèle que les élus isolés et les femmes maires présentent un risque plus élevé d'épuisement sévère. Et qu'en revanche, ni l’âge, ni le cumul avec un emploi - malgré les difficultés de conciliation que ce dernier peut entraîner - n’ont une influence sur ce risque.

"On se sent utile"

"On a des moments de grand désespoir. On rame parfois longtemps avant de voir un projet aboutir", témoigne Isabelle Dugelet, maire de La Gresle (Loire). On doit "faire avec les moyens qu'on nous donne", pointe-t-elle aussi. Dans les communes de moins de 2.000 habitants, les difficultés sont amplifiées : le maire ne dispose pas de directeur général des services (DGS), il "porte les services", souligne-t-elle.

À l'inverse, des "moments de grande satisfaction et de grande joie existent aussi dans la vie des édiles", déclare l'animatrice de la commission Santé de l'AMRF. C'est par exemple le cas quand "un projet a avancé ou fonctionne". "C'est un bonheur total de s'engager. On se sent utile pour les gens et la République. Et quelle joie de célébrer un mariage !", complète John Billard, maire du Favril (Eure-et-Loir) et secrétaire général de l'AMRF.

Les maires ayant répondu à l'enquête placent justement la réussite d'un projet et les cérémonies ou célébrations en tête des facteurs de satisfaction dans leur vie d'élu. Devant la bonne entente de l'équipe municipale et la bonne gestion des personnels municipaux.

Cellule d'écoute

Les élus peuvent donc trouver dans l'exercice de leur mandat des sources de motivation. Ce qui fait dire à Michel Fournier, président de l'AMRF, qu'il n'est pas inquiet sur la présence de candidats aux élections municipales de 2026. Le maire des Voivres (Vosges) s'alarme en revanche du risque de voir le nombre de démissions de maires – en moyenne 450 par an sur le début de ce mandat – demeurer élevé. Pour lutter contre ce phénomène, l'AMRF revendique l'amélioration du statut de l'élu local, notamment par l'attribution d'indemnités de fonction plus élevées, avec une prise en charge par l'État (voir notre article sur les propositions de l'association).

L'AMRF soutient aussi la mise en place d'un dispositif de dépistage du risque de burnout, baptisé "Amarok", qui a déjà fait ses preuves auprès des dirigeants de PME. En cas de dépassement d'un seuil d'alerte, les maires auront accès à une cellule d'écoute dirigée par des psychologues.

 

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