Statut de l'élu local : les députés prônent un "choc d'attractivité"
Augmentation des crédits d'heure, renforcement de la formation, attribution de trimestres supplémentaires pour la retraite… Dans un rapport, la mission d'information sur le statut de l'élu local, créée par la délégation aux collectivités territoriales de l'Assemblée nationale, avance 57 propositions pour faire face à "la dégradation des conditions d'exercice des mandats locaux". Mais, au grand dam des associations d'élus locaux, sans prévoir la revalorisation du barème des indemnités de fonction. Le rapport a vocation à alimenter une proposition de loi qui pourrait être adoptée d'ici mi-2024.
Avec un triplement en vingt ans du nombre des démissions de maires, il existe bien une "crise des vocations" et un mal-être des élus locaux, en particulier de ceux des communes, diagnostique la mission d'information composée de députés de tous bords. Pour être revivifiée, la démocratie locale "doit garantir à ceux qui la font vivre un statut protecteur. (…) Il est utile et essentiel de donner les moyens à tous de s’engager", insiste le communiste Sébastien Jumel, rapporteur de la mission, avec la députée Renaissance Violette Spillebout. Il faut "une réforme systémique", soulignent les deux élus. Pour qui le principe de gratuité des fonctions locales, inscrit dans le code général des collectivités territoriales, est tout particulièrement dépassé.
Une indemnité versée à tous les élus locaux
Malgré une revalorisation en 2019, les indemnités des maires demeurent insuffisantes, d'après les députés : celles que touchent les maires de petites villes sont inférieures au traitement des cadres et des directeurs généraux des services de leurs communes. Ainsi, la mission recommande d'élargir à tous les élus locaux investis d'une fonction exécutive - pour toutes les collectivités et leurs groupements - la règle, valable aujourd'hui pour les seuls maires, selon laquelle l'indemnité est fixée au taux maximal prévu par la loi, sauf si l’organe délibérant en décide différemment, à la demande du maire ou de son président. Elle propose également d'attribuer aux quelque 300.000 conseillers municipaux sans délégation, qui aujourd'hui ne sont pas indemnisés, une "indemnité d'engagement citoyen" financée par l'Etat, et comprise entre 40,85 euros et 245,15 euros.
Parmi les associations d'élus locaux, l'Association des petites villes de France (APVF) a jugé ces pistes trop timorées. Pour "rendre beaucoup plus attractives les fonctions de maire et d’adjoint", il faut "une revalorisation significative des indemnités qui leur sont versées", a-t-elle souligné dans un communiqué. Toutefois, sur ce sujet "central" et à forte charge politique", il faut "trouver un équilibre", avait argumenté Sébastien Jumel, lors de la présentation du rapport devant les membres de la délégation, le 20 décembre. "Tout au long du rapport, nous avons essayé de trouver cet équilibre pour ne pas transformer les élus en personnes à part, puisqu'il s’agit au contraire de réduire la fracture entre nos concitoyens et les élus", avait-il expliqué.
Des trimestres en plus pour la retraite
Mais le "choc d'attractivité" voulu par les députés repose sur tout un ensemble de mesures dépassant de loin la question indemnitaire. Sont entre autres prévus : une augmentation des crédits d'heure accordés aux maires et à leurs adjoints - pour une meilleure conciliation de l’exercice du mandat avec l'activité professionnelle -, ainsi que le rétablissement de l'inscription des élus locaux sur la liste des salariés protégés, permettant de les prémunir contre le risque de licenciement en raison de l'exercice de leurs fonctions – cette protection avait été supprimée en 2019. Pour une meilleure reconnaissance de l'engagement des élus locaux, les députés préconisent notamment l'attribution aux membres des exécutifs locaux d'une bonification de trimestres pour la retraite – à l'instar des sapeurs-pompiers volontaires. En outre, pour faciliter la réinsertion professionnelle après le mandat, la mission propose notamment un aménagement des épreuves des concours de la fonction publique territoriale.
En matière de protection des élus face aux violences croissantes dont ils sont victimes, la mission juge que les mesures gouvernementales annoncées au printemps (voir notre article) et au début de l'été (notre article) sont "encore insuffisantes". Le "pack sécurité" ne doit pas seulement viser les exécutifs locaux (en particulier les maires), mais doit être étendu à "l'ensemble des élus", estime-t-elle. En ajoutant que le dispositif devrait aussi "prendre en considération la spécificité des violences que subissent les élues locales".
Proposition de loi transpartisane
Rejoignant des constats faits par l'Association des maires de France (AMF), les députés considèrent que la "crise des vocations" s'explique notamment par "l'impuissance" croissante des maires. Elle appelle donc à "redynamiser l’échelon local en lui donnant les moyens de répondre aux préoccupations de nos concitoyens". Pour cela, elle préconise en particulier le renforcement des pouvoirs de police des maires. En jugeant indispensable qu'en parallèle le droit à la formation des élus locaux soit renforcé. Pour cela, est préconisé un relèvement du plancher du budget de formation des collectivités (de 2 à 5% de l’enveloppe indemnitaire globale), compensé financièrement par l'Etat.
Les propositions de la mission devraient alimenter "un travail législatif que l'on souhaite tous voir aboutir (…) avant la fin du premier semestre 2024", a indiqué le président de la délégation. De nature transpartisane, la proposition de loi traduisant ces différentes pistes devrait être déposée prochainement.
Rappelons que le Sénat prévoit aussi le dépôt au début de cette année d'une proposition de loi pour améliorer le statut de l'élu local, notamment en s'appuyant sur des rapports que sa délégation aux collectivités territoriales a récemment produits (voir nos articles du 16 novembre et du 14 décembre).