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Sport et radicalisation : dialogue de sourds au Sénat

La commission d’enquête sénatoriale visant à combattre la radicalisation islamiste a auditionné la ministre des Sports, qui y a défendu des positions qui ont "surpris", voire même "inquiété" les élus. Ces derniers ont plaidé pour un renforcement des échanges avec les collectivités alors que la ministre a annoncé la publication des décrets relatifs aux conférences régionales du sport en septembre.

"Si vous êtes là, Madame le ministre, c’est qu’il y a quelques soucis dans les territoires qui font qu’on ne peut pas être dans le déni d’un certain nombre de difficultés dans le monde sportif d’aujourd’hui", a fini par lancer la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio (LR, Val d'Oise), rapporteure de la commission d’enquête sur la radicalisation islamiste, décontenancée par les réponses de la ministre des Sports, auditionnée dans ce cadre le 11 juin dernier. Et d'ajouter : "C’est important que nous ayons la même analyse et la même vision des choses." Aux termes d'un dialogue de sourds d'un peu plus d'une heure, une chose est sûre : ministre et élus présents ne partagent ni l'une, ni l'autre.

Divergences sur les faits

Tout au long de son audition, Roxana Maracineanu, résolue à "combattre toute approximation et raccourci", a soutenu la thèse selon laquelle le sport, qui n'est "que le reflet de la société", ne participe aucunement au phénomène de radicalisation (comme en matière de violences sexuelles, a-t-elle ajouté, annonçant néanmoins ici un "plan national de prévention des violences dans le sport" à la prochaine rentrée). Plus encore, le milieu sportif serait à l'en croire épargné par le mouvement. Contrairement à la commission d'enquête, "nous n'avons pas de signalements qui nous remontent ni des collectivités, ni des fédérations, ni des éducateurs", a-t-elle assuré, relevant par ailleurs que les 171 contrôles conduits avec le ministère de l'Intérieur – ceux du ministère des sports "ne ciblant pas cette thématique" – ne se sont traduits "que" par sept fermetures d'établissements, pour des raisons qui n'avaient en outre pas toutes un "objet avec la radicalisation lisible et mis en avant".
Pour autant, la ministre a fait état d'un certain nombre d'actions entreprises, notamment en lien avec le Comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), de sensibilisation, de détection, de travaux de recherche avec le conseil scientifique sur les processus de radicalisation (Cosprad), etc.

Divergences philosophiques

Au-delà des faits, la ministre a tenu sur le fond des propos jugés "un peu laxistes", qui ont "surpris", voire "inquiété" les parlementaires. "Chacun peut avoir sa propre définition de la laïcité", a ainsi soutenu Roxana Maracineanu, soulignant que cette notion, "pas si simple que ça", se distingue de la "neutralité" qu'elle n'entend pas imposer parce que "ce serait plus exclusif qu'inclusif". Le sport, "c'est le seul endroit où chacun peut venir comme il l'est", a-t-elle répété à plusieurs reprises, refusant le parallèle avec le milieu scolaire "parce que c'est un moment facultatif". Et d'indiquer encore que "le prosélytisme n'est pas interdit en France". Les débats, concentrés sur l'accueil des pratiquants (et notamment sur le port du voile ou non) plutôt que sur les structures et l'encadrement, ont du coup tourné court.

Naissance des futures conférences régionales du sport annoncée pour septembre

Pour autant, Roxana Maracineanu entend resserrer les liens avec les élus, reconnaissant avoir "besoin des collectivités" et de leurs directeurs des sports, en particulier "pour la gestion des équipements sportifs" et pour "diffuser les affiches de sensibilisation de l'Agence nationale du sport" (ANS). Elle a également annoncé que les prochaines conférences régionales du sport – déclinaisons territoriales de l'ANS qui devraient voir le jour "en septembre", a-t-elle dévoilé incidemment – seraient mobilisées à cette fin. Mais jusqu'au bout le dialogue n'est pas passé. Alors que la présidente de la commission, Nathalie Delattre – soulignant qu'une telle instance, pour une région comme la Nouvelle-Aquitaine, composée de douze départements, ne suffirait peut-être pas à "instaurer un dialogue" avec les collectivités – demandait à la ministre si elle envisageait d'aller à la rencontre des maires prochainement, Roxana Maracineanu lui a répondu qu'elle "l'avait déjà fait l'année dernière à Villeneuve-la-Garenne". La commission doit auditionner ce jeudi le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, et le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner. A voir s'ils se montreront plus diserts.

 

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