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Relations administration/usagers - "Silence vaut accord" : les exceptions vont-elles infirmer la règle ?

Dans le cadre d'une consultation sur vie-publique.fr, trois projets de décrets sur les - nombreuses - exceptions au principe du "silence vaut accord" à l'égard des décisions des collectivités territoriales ont été rendus publics. De quoi interroger le fonctionnement même du principe.

Si les maires appliquent déjà le principe du "silence vaut accord" lorsqu'ils agissent en qualité de représentants de l'Etat, celui-ci entrera en vigueur pour les procédures des collectivités territoriales le 12 novembre, dans un peu moins d'un mois. C'est dire l'importance des trois projets de décrets destinés à la "mise en oeuvre des exceptions" par les collectivités rendus publics par la Direction générale des collectivités locales (DGCL), dans le cadre d'une consultation s'achevant le 21 octobre.
Comme cela avait été le cas pour l'Etat, il est prévu que l'application du principe d'acceptation tacite soit assortie d'exceptions pour des motifs liés aux enjeux de la décision en cause ou à la bonne administration des procédures, en application des dispositions de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration.
Le premier projet de décret liste les exceptions à l'application du principe fondées sur "le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et principes à valeurs constitutionnels et la sauvegarde de l'ordre public". Le deuxième, les exclusions fondées sur des "motifs tenant à l'objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration". Leurs annexes fixent, "lorsqu'il est différent du délai de deux mois, le délai à l'expiration duquel, la décision de rejet est acquise".
Un troisième décret liste enfin les décisions soumises à un délai différent - entendre supérieur -  de celui de deux mois pour que naisse une décision tacite d'acceptation "pour des motifs tenant à l'urgence [?] ou à la complexité de la procédure".

Une centaine de procédures potentiellement concernées par le "silence vaut accord"

D'après le secrétariat général du gouvernement (SGG), environ 252 procédures concernent les collectivités, bien loin des 3.600 procédures connues pour l'Etat. Dans un rapport publié le 15 juillet sur le bilan d'application de la loi du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens, le Sénat insistait sur "la nécessité de ne pas multiplier outre mesure les exceptions": il semble bien que la chambre haute n'ait pu être entendue. Les cas de "silence vaut rejet" au bout de deux mois, ou de plus de deux mois sont nombreux. S'y rajoutent des cas d'acceptation au-delà du délai réglementaire. Au total, ce sont plus de 140 procédures, soit la majorité de l'ensemble des démarches qui font exception. Elles concernent avant tout les communes, dans une moindre mesure, les départements,  et  touchent des compétences très variées : état civil, réglementation funéraire, éducation, urbanisme... (voir les exemples ci-dessous). Mais certains de ces domaines, tels que l'urbanisme, faisaient déjà l'objet de régimes d'autorisation spécifiques.
Si les associations d'élus ont été consultées durant l'élaboration de ces projets par les services de la secrétaire d'Etat chargée de la réforme de l'Etat et de la simplification, Clotilde Valter, l'accompagnement des collectivités - on pense particulièrement aux plus petites - par les services déconcentrés de l'Etat apparaît également un enjeu important. En espérant que ceux-ci puissent être au rendez-vous dans un contexte de restructuration et de réduction de leurs effectifs.

 Laurent Terrade

Silence vaut rejet au bout de deux mois (EXEMPLEs)

Etat civil
- demandes de cérémonies (mariages, parrainage civil)
- demandes de communication de pièces d'état-civil
- légalisation de signature
- élection de domicile

Urbanisme et environnement
- attestation de conformité du projet d'installation d'assainissement non collectif
- demande de vérification du bon fonctionnement du compteur
- branchement d'assainissement des immeubles construits postérieurement au réseau de collecte public
- permis de construire lorsque la délivrance du permis est subordonnée à l'obtention d'une dérogation et que cette dérogation a été refusée
- certificat d'urbanisme prévu au b de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme
- permis de construire ou de démolir, dans les zones de protection créées antérieurement à la loi du 7 janvier 1983
- droit de délaissement
- demande d'autorisation d'un projet soumis à étude d'impact environnemental
- autorisation d'un projet assujetti à une étude d'impact, à un avis de l'autorité administrative compétente en matière d'environnement et à une enquête publique

Santé et action sociale
- acord de création, d'extension et de transformation des établissements et services sociaux et médicosociaux et des lieux de vie et d'accueil lorsque la décision relève du président du conseil départemental ; cession de l'autorisation de ces établissements
- autorisation des organismes ou personnes intermédiaire pour l'adoption ou le placement en vue d'adoption de mineurs de moins de 15 ans

Education
- utilisation des locaux scolaires par la commune ou par d'autres personnes physiques ou morales

Divers
- autorisations d'occupation du domaine public (AOT)
- utilisation des équipements sportifs de proximité
- autorisation d'utilisation des locaux communaux par des associations, syndicats ou partis politiques
- dispositions funéraires (achat de concession, inhumation, crémation, exhumation…)


Silence vaut rejet dans un délai autre que deux mois (EXEMPLES)

Urbanisme et environnement
- permis de démolir ou de construire portant sur une maison individuelle valant autorisation de modification de l'état d'un territoire en instance de classement ou classé en réserve naturelle régionale (4 mois)
- permis de construire autre que portant sur une maison individuelle ou permis d'aménager valant autorisation sur un territoire de réserve naturelle régionale, classé ou en instance de classement (5 mois)
- autorisation de mise en exploitation des remontées mécaniques (3 mois)
- permis de construire, permis d'aménager et permis de démolir, délivrés pour travaux sur ou à proximité d'un monument historique, dans une zone de protection du patrimoine architectural, ou en secteur sauvegardé (3 à 5 mois)
- délivrance d'un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale après un avis défavorable de la commission d'aménagement commercial (5 mois prolongeables 5 mois)
 

Silence vaut acceptation dans un délai supérieur à deux mois (EXEMPLEs)

Urbanisme et environnement
- demande d'autorisation de cession de petites parcelles dans un périmètre concerné par une opération d'aménagement foncier (3 mois)
- permis de construire, d'aménager ou de démolir délivrés lorsqu'il y a lieu de consulter une commission nationale, ou portant sur des travaux relatifs à un établissement recevant du public (5 mois)

Education
- inscription d'un enfant à la cantine scolaire ou à l'accueil périscolaire organisé par la commune (3 mois)
- accueil, restauration et hébergement dans les collèges et lycées publics (3 mois)


 L.T.