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Développement des territoires - Services publics en milieu rural : les propositions de Carole Delga et Pierre Morel-A-l'Huissier

Deux députés ont remis à Cécile Duflot, le 8 octobre 2013, un rapport sur l'accessibilité et la qualité des services au public dans les territoires fragiles. Au programme : la mise en oeuvre de schémas départementaux d'accès aux services, opposables à tous les opérateurs, le développement de maisons de services aux citoyens et la création d'un fonds national dédié à ces maisons... Revue de détail.

Multiplier les maisons de services publics en milieu rural, créer un fonds national de développement dédié, revaloriser le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac)… Telles sont les propositions de Carole Delga, députée socialiste de Haute-Garonne, et nouvelle présidente d'ETD (cf notre encadré, ci-dessous), et de Pierre Morel-A-l'Huissier, député UMP de la Lozère, dans leur rapport sur l'accessibilité et la qualité des services au public dans les territoires fragiles, remis le 8 octobre 2013 à Cécile Duflot. La ministre du Logement et de l'Egalité des territoires leur avait confié, en avril 2013, la mission de déterminer les outils et mesures qui pourraient être mis en place et/ou améliorés, "dans un contexte de sérieux budgétaire pour offrir aux habitants de tous les territoires les services et aménités dont ils ont besoin pour que leur territoire se développe de façon endogène".
En premier lieu, les deux députés estiment qu'il faut remettre à jour les schémas départementaux d'accès aux services et les rendre obligatoires. Ces schémas, qui ont été mis en place dans les années 80-90, ont disparu par la suite en 2006. "Il est nécessaire de reformer une offre globale et cohérente de services à la population de manière à éviter des situations de concurrence inefficaces pour tous et des restructurations brutales", signale ainsi le rapport. Les rapporteurs proposent ainsi que les départements, en coordination avec les préfets, organisent des schémas d'amélioration et d'accessibilité des services au public. Ces schémas "engageront toutes les parties prenantes, à savoir tous les opérateurs publics et privés assumant une mission d'intérêt général sur le département", précise le rapport. De tels schémas, sous l'intitulé "schémas d'amélioration de l'accessibilité des services au public sur le territoire départemental", sont envisagés dans le deuxième volet du triptyque sur la décentralisation : le projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires qui doit être examiné au Sénat début 2014. Ils seront signés conjointement par le préfet et le président du département.

300 relais de services publics contre 3.000 prévus

Autre proposition : renforcer les actions de mutualisation de services au public, notamment à travers le développement de maisons des services aux citoyens. "Rassemblant opérateurs privés et publics, elles auraient pour mission de rendre accessible aux citoyens une offre de services d'intérêt général au sein de lieux clairement identifiés", soulignent les députés dans leur rapport. Aujourd'hui, plus de sept ans après la création du label, il existe 300 relais de services publics (RSP), au lieu des 3.000 initialement prévus... "Il est nécessaire de poursuivre avec détermination la mise en place de futures maisons de services aux citoyens, ce qui implique la manifestation d'une volonté politique forte", signale le rapport. Ces maisons de services pourraient intégrer un pôle spécifique dédié à l'emploi. C'est en tout cas ce que souhaitent les deux députés, "pour faciliter l'accès à l'emploi dans les territoires fragiles". En termes de gouvernance, les actuels RSP peuvent être portés par une mairie, une structure intercommunale, un service de l'Etat ou une association. Dans la réalité, 77% d'entre eux sont portés par des collectivités et 23% par des associations… "Les associations, qui constituent un mode de gestion souple, doivent être soutenues pour encourager la création de nouveaux RSP", détaille le rapport, qui ajoute qu' "il convient de faciliter la mise en place de RSP par les groupements de collectivités et notamment les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI)". Le rapport propose de modifier le Code général des collectivités territoriales pour donner aux communautés de communes, aux communautés d'agglomération et aux communautés urbaines la compétence optionnelle de création et de gestion de RSP.

Créer un fonds national pour les maisons de services aux citoyens

Concernant le financement de ces structures, le rapport préconise de créer un fonds national de développement des maisons de services aux citoyens, dans lequel les opérateurs comme l'Etat pourraient verser leur participation. Cet outil permettrait de redistribuer les budgets vers les espaces peu investis par les opérateurs, "sur le même principe que le Fonds postal national de péréquation territoriale". Pour animer ces maisons de services, le rapport estime qu'il faut créer le métier d'agent d'accueil du public.
S'agissant des commerces de proximité, "des services indispensables au dynamisme des territoires", le rapport estime qu'il faut pérenniser le montant du Fisac et le revaloriser. Le Fisac "a été de par trop la variable d'ajustement des politiques budgétaires, le faisant passer de 78 millions d'euros en 2010 à 43 millions en 2012", critique le rapport. La réorientation du Fisac sur les territoires en difficulté, comme les zones rurales et les quartiers prioritaires, et sur le financement de "managers de centres-ville" est également proposée. A noter que le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, qui a été présenté le 21 août 2013 en Conseil des ministres, prévoit la rénovation de ce fonds. Il devrait être discuté au Parlement début 2014.
Enfin, pour les députés, le dispositif de préemption commercial, jugé complexe et peu attractif, doit être revisité. Une réforme était prévue dans ce sens dans le cadre du projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) ; mais le 11 octobre 2013 la commission des affaires économiques du Sénat a supprimé dans ce projet de loi les dispositions relatives à l'urbanisme commercial. D'après la commission, la réforme telle que présentée n'est pas assez lisible et ambitieuse et elle est juridiquement fragile. Les sénateurs demandent une réforme menée de manière plus cohérente, plus ambitieuse et plus concertée.
Carole Delga et Pierre Morel-A-l'Huissier préconisent pour leur part d'étendre la possibilité de préempter les baux et locaux commerciaux aux EPCI, de permettre que les établissements publics fonciers effectuent le portage des projets, notamment en ce qui concerne la réhabilitation, et de donner plus de latitude aux communes pour entretenir les commerces.

Emilie Zapalski

Carole Delga, nouvelle présidente d'Etd
Carole Delga a été élue le 1er octobre 2013 à la présidence d'Entreprises, territoires et développement (ETD), le centre de ressources du développement territorial. Elle succède à Marc Censi, président depuis 2008.
Carole Delga est députée de Haute-Garonne depuis 2012 et secrétaire nationale du Parti socialiste en charge du logement et de l'égalité des territoires. A l'occasion de sa nomination, elle a présenté deux projets phares portés par ETD en 2014, en partenariat avec les collectivités : le lancement d'un programme dédié aux liens et solidarités entre les grands ensembles urbains et les territoires environnants, et l'accompagnement des conseils généraux dans la définition de la construction de leurs offres pour mieux connaître et répondre au mieux aux acteurs locaux. En 2014, le champ d'investigation d'ETD va également s'élargir à l'échelle européenne.
E.Z