Service public de la petite enfance : aller au-delà d’un "compromis bancal" en commission mixte paritaire
Associations d’élus, associations familiales et organisations professionnelles sont unanimes dans leur demande au gouvernement et au parlementaires de ne pas renoncer au service public de la petite enfance. Plusieurs demandent qu’un projet de loi y soit dédié, pour aborder pleinement les enjeux qualitatifs et quantitatifs de l’accueil du jeune enfant.
Suite à la suppression de l’article 10 du projet de loi Plein Emploi qui prévoyait la création du service public de la petite enfance (voir notre article du 4 octobre 2023), les réactions se sont multipliées, tant du côté des associations d’élus que des organisations professionnelles.
Un secteur en crise, un service public qui "ne peut être remis à plus tard"
"Le projet s’inscrivait dans un constat partagé par l’ensemble des acteurs de la petite enfance d’un secteur en difficulté pour répondre pleinement aux attentes légitimes des familles", avait rappelé, dès le 4 octobre 2023, l’Association des maires de France (AMF). L’association estime qu’"une large concertation" avait "permis d’atténuer [les] aspects les plus centralisateurs" de la réforme.
"Il faut dès à présent remettre le métier sur l’ouvrage car plus de la moitié des familles françaises, notamment les plus précaires, ne se voient proposer aucune solution d’accueil", ont embrayé l’Association des maires ruraux de France (AMRF), l’Association des petites villes de France (APVF), Villes de France, France urbaine et Intercommunalités de France, dans un communiqué commun. Places financées qui restent fermées du fait de la "faiblesse du nombre de formations" et de la crise du recrutement, "défauts d’encadrement ou de contrôle" pouvant "occasionner des drames", système de financement par la branche famille de la sécurité sociale "[n’ayant] pas évolué depuis des décennies"… "Dans ce contexte sans précédent : le service public de la petite enfance ne peut être remis à plus tard", arguent les associations d’élus.
Si cet article de loi "n'était pas parfait", "un gros travail de concertation a été entrepris par madame Élisabeth Laithier, et la crise du secteur est désormais connue de toutes et tous", a également réagi le Réseau français des villes éducatrices (RFVE), dans un communiqué du 10 octobre. "L'urgence est réelle, alors que dans de nombreux territoires des places ne peuvent être ouvertes faute de personnel qualifié disponible."
"Cet échec doit être l’occasion de proposer une nouvelle loi plus ambitieuse"
Le rejet de l’article 10 est également "une grande déception" pour l’Union nationale des associations familiales (Unaf), "très favorable à ce projet répondant aux aspirations des parents" et qui "plaide pour le vote de cet article en commission mixte paritaire".
Dans un communiqué du 6 octobre, l’ADMR a de son côté fait part de sa "consternation" face à la suppression d’un article ayant fait l’objet d’une "concertation importante" et "[posant] les bases d’une réforme nécessaire et attendue par tous". Le besoin de places d’accueil "est d’autant plus prégnant en milieu rural", insiste le réseau associatif d’aide à domicile. Selon ce dernier, les communes rurales "n’ont souvent pas les moyens, parfois pas la volonté, de soutenir l’ADMR dans le développement de solutions d’accueil, condamnant ainsi des projets pourtant essentiels pour les familles". Il conclut : "les communes doivent être incitées et soutenues dans ce développement".
"Cet échec doit être l’occasion de proposer une nouvelle loi plus ambitieuse traitant exclusivement des questions de petite enfance", tranche l’Unsa dans un communiqué du 12 octobre. Le syndicat met en garde contre un éventuel "compromis bancal" issu de la commission mixte paritaire (CMP) qui ne permettrait "pas d’instaurer une gouvernance du secteur à la hauteur des enjeux". C’est également la position du collectif "Pas de bébés à la consigne !" qui, dans un communiqué relayé sur le site du syndicat Supap-FSU, déplore "une double occasion manquée". Occasion manquée pour le gouvernement, qui n’aurait pas choisi le bon véhicule législatif pour une telle réforme "aux enjeux multiples". Et également pour les parlementaires qui "auraient pu amender le texte", notamment pour y ajouter un "socle qualitatif" précis.
L’ensemble de ces acteurs insistent sur la nécessité de ne pas renoncer au service public de la petite enfance. Si l’article 10 "avait au moins le mérite de faire exister la question", RFVE demande au gouvernement d’aller au-delà, en dédiant un projet de loi à la petite enfance, "afin de garantir une offre de modes de garde équitable et un accueil de qualité".