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Sécurité : quelle place pour la participation des habitants ?

S'engager dans la garde nationale, signaler les incivilités et les potentiels cambrioleurs, participer à la gouvernance des politiques de sécurité… La participation des habitants à la sécurité locale revêt des formes diverses et suscite des représentations contrastées. C'est l'objet d'une enquête de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme Ile-de-France, diffusée le 14 juin 2017.

"Certains voient du civisme et de l’engagement républicain" et d’autres "un encouragement à la délation, une pratique 'qui fleure bon la milice citoyenne'." Derrière ces représentations, se cachent des conceptions différentes de la sécurité, des choix politiques sur lesquels "les citoyens devraient avoir leur mot à dire", selon l'Institut d'aménagement et d'urbanisme (IAU) Ile-de-France. Dans le cadre d'une enquête exploratoire, ce dernier a recueilli les témoignages d'une trentaine de responsables institutionnels et de citoyens impliqués, d'une manière ou d'une autre, dans des dispositifs de sécurité s'appuyant sur les habitants. Cela pour éclairer les différentes formes de "participation des citoyens en matière de sécurité locale".
Premier constat : en matière de sécurité comme sur les autres sujets, la participation des habitants peut être sollicitée et encadrée par l'institution ou être à l'initiative des citoyens eux-mêmes. L'étude met en avant certaines démarches émanant des habitants, "des mobilisations souvent liées aux questions policières" telles que celle du collectif "Stop le contrôle au faciès". Toutefois dans l'ensemble, de la prévention et la médiation sociale à la contribution opérationnelle à la sécurité, la participation des citoyens s'inscrit le plus souvent dans un cadre institutionnel.

Garde nationale : objectif 80.000 réservistes en 2018

"Chaque Français doit être un acteur de la sécurité collective", avait considéré Manuel Valls, alors Premier ministre, au lendemain des attentats du 14 juillet 2016 à Nice. Dans le contexte de la menace terroriste et de l'état d'urgence, les citoyens sont encouragés à se mobiliser, à rejoindre notamment les réserves constituant depuis fin 2016 la Garde nationale - conformément au souhait de l'ancien président de la République. Constituée de 54.000 volontaires à l'été 2016, cette Garde nationale devrait compter 85.000 réservistes en 2018 – "40.000 dans les armées, 40.000 en gendarmerie et 5.000 en police nationale".
Destinées à renforcer les moyens des pompiers et secouristes lors de catastrophes naturelles ou d'accidents industriels, les réserves communales de sécurité civile ne sont pas évoquées dans l'étude.

Les "voisins vigilants" : un engouement et des réticences

A côté de cet engagement opérationnel qui monte en puissance, la sociologue ayant réalisé cette enquête s'est intéressée à une forme de participation bien différente : celle des réseaux de surveillance de voisinage. Un "phénomène en pleine expansion".
A ce sujet, elle appelle à ne pas confondre le dispositif officiel de "participation citoyenne" piloté par le ministère de l'Intérieur et la plateforme web "voisins vigilants" portée par une entreprise commerciale. Davantage développé en territoire périurbain et rural, le premier encourage les habitants à signaler "tout fait particulier" (incivilités, individus suspects…) aux forces de l'ordre. Quant à l'outil en ligne, il permet aux habitants d'un quartier de se mettre en relation pour lutter collectivement contre le cambriolage. Depuis 2014, un service est proposé aux collectivités désireuses de recevoir les alertes des "communautés de voisins vigilants" présentes sur leur territoire et de travailler avec elles. 500 "mairies vigilantes", dont 60 en Ile-de-France, étaient recensées fin 2016.
Les deux démarches ne se développent pas partout du fait des "réticences" qu'elles peuvent susciter auprès d'habitants et d'élus. L'impact de ces interventions citoyennes sur le nombre de cambriolages n'aurait d'ailleurs pas encore été rigoureusement démontré ; en revanche, les effets "sur le sentiment d’insécurité ('ça rassure') et sur le niveau de cohésion sociale ('ça crée des liens')" seraient mis en avant.

Politique de prévention et de sécurité : "trop sensible et trop expert" pour les habitants ?

En matière de gouvernance, l'IAU s'interroge : les politiques de sécurité et de prévention de la délinquance sont-elles devenues "l’affaire de tous... sauf des habitants ?" Avant de répondre : "dans les instances de pilotage et de coordination des politiques locales de sécurité et de prévention de la délinquance", la participation citoyenne "reste très faible, quasi-fictive", le sujet étant perçu comme "trop sensible et trop expert" par les acteurs institutionnels.
L'Institut s'attarde toutefois sur une exception : la ville de Rennes, où des habitants référents désignés au sein des conseils de quartier sont invités à participer aux instances du Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et à des cellules dites "de veille" à l'échelle du quartier.
En dehors des instances de pilotage, l'auteur constate "l’utilisation, encore très modérée, d’outils tels que les enquêtes en population générale, les référendums, les réunions publiques ou les marches exploratoires". L'IAU insiste aussi sur la nécessité de penser l'articulation entre les instances de pilotage et les espaces de parole - "les conseils de quartier, les conseils citoyens et autres lieux institués de démocratie participative" – pour aller au-delà de la "gestion réactive des doléances".