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Egalité des territoires - Schémas de services publics : onze départements prennent les devants

Sans attendre la future loi de décentralisation, onze départements ont commencé à travailler avec les préfets sur la préparation des futurs schémas d'amélioration de l'accessibilité des services au public. Dans un contexte de restriction budgétaire, l'objectif est de recenser l'ensemble de l'offre de services pour encourager les mutualisations. Les maisons de services au public constitueront le coeur de ces schémas.

L’accessibilité des services au public sera l’un des grands enjeux du deuxième volet de la réforme de la décentralisation. Dans chaque département, un "schéma d'amélioration" devra être élaboré conjointement par le préfet et le président du conseil général. Mais sans attendre cette échéance - qui pourrait être une nouvelle fois retardée suite au remaniement ministériel -, Matignon et la Datar ont demandé aux préfets, dans une circulaire du 17 février 2014, d’anticiper le travail de diagnostic préalable à l’élaboration du schéma. Onze départements ont ainsi été désignés comme pilotes. Un groupe de travail composé des préfets et présidents de conseils généraux concernés a commencé à se réunir pour élaborer le cahier des charges relatif au diagnostic partagé. L’objectif est de recenser, en concertation avec l’ensemble des élus, toute l’offre de services présents sur le territoire et d’examiner son adéquation avec les besoins de la population, actuels ou à venir. L’occasion aussi de repérer les dispositifs innovants déjà mis en place par les collectivités.
Chaque département pourra recevoir jusqu’à 40.000 euros pris sur le Fonds national d’aménagement du territoire pour financer les dépenses liées à ce travail. "Si tous les départements d’une région sont d’accord pour lancer les travaux dès 2014, un diagnostic peut-être envisagé à l’échelle régionale, avec des déclinaisons départementales", précise la circulaire.

Articulation avec les schémas régionaux

Suite à ce diagnostic, le schéma départemental sera signé pour une durée de six ans, afin d’arrêter un programme d’actions pour renforcer l’offre de services dans les zones les moins couvertes. "La notion de services est à prendre au sens large, c’est-à-dire les services marchands et non marchands, ce qui inclut les services régaliens de l’Etat (école, justice, etc.) mais aussi les médecins, les infirmiers…", indique-t-on à l’Assemblée des départements de France (ADF). Le champ de ces schémas sera ainsi beaucoup plus complet que celui de l'expérimentation "+ de services au public" de 2010 qui regroupait neuf opérateurs publics et privés (Pôle emploi, Cnaf, La Poste, SNCF, GDF-Suez, Urssaf, Véolia...).
L’une des questions qui se pose est celle de l’articulation de ces schémas avec les schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire qui devraient devenir opposables, si le nouveau gouvernement maintient les engagements pris par l'ex-Premier ministre Jean-Marc Ayrault auprès de l’Association des régions de France (ARF), le 18 février. "Les schémas régionaux s'inscrivent dans la logique du Sdrif d’Ile-de-France, ils se focalisent plus sur les grands hôpitaux, les grands centres de recherche, les aéroports régionaux. Je ne pense pas qu’au niveau régional on ira jusqu’aux services de proximité, comme les maisons de services au public", précise la même source.
Ces maisons de services au public seront en effet au cœur des schémas départementaux. L’objectif fixé par l’ancien Premier ministre est d’en installer 1.000 d’ici à 2017. Récemment, la Caisse des Dépôts a été chargée de veiller à leur déploiement.

"Il y aura mutualisation mais non retrait"

Le principe est de réunir dans un même lieu "central et emblématique" un bouquet de services essentiels, dans les territoires qui en sont aujourd’hui les moins bien desservis. "Dans les territoires les moins denses, il y aura mutualisation mais non retrait", avait assuré Jean-Marc Ayrault, dans une communication en Conseil des ministres, le 20 novembre 2013. La définition de ces maisons devrait être précisée dans la loi de décentralisation. Sans doute pour éviter la confusion avec les "maisons de l’Etat" (qui ne concernent que les services de l’Etat), la circulaire de Matignon préfère parler d’ "espaces mutualisés de services au public". Les 340 relais de services publics (RSP) recensés dans 65 départements subiront un contrôle financier pour pouvoir bénéficier du nouveau label. Les "maisons du département" pourront elles-aussi être labellisées comme espaces mutualisés si elles correspondent aux "conditions essentielles d’économies de moyens". La sélection de nouveaux projets devra tenir compte de l’adéquation du bouquet de services proposés, des horaires d’ouverture proposés, des connexions à internet, de la présence de visio-guichets…
Pour 2014, le financement de ces maisons ou espaces sera assuré par les collectivités et l’Etat. Mais à partir de 2015 s’ajoutera la contribution des opérateurs. Un "Fonds de développement des espaces mutualisés de services au public" sera ainsi créé. Abondé par l’Etat et les opérateurs, il assurera 50% du financement des sites. L’autre moitié sera à la charge des collectivités. Le financement du fonds pour chaque site sera compris entre 10.000 et 35.000 euros. A l’ADF, "on compte beaucoup sur le numérique" : "Il ne s’agit pas de refaire les services publics de papa, mais d’inventer de nouveaux portails."
Forts de ce nouvel instrument, les schémas départementaux seront amenés à être intégrés dans les futurs contrats de plan Etat-régions 2014-2020 en cours d’élaboration. Plus précisément dans leur volet territorial.
Si l’objectif affiché est bel et bien de réaliser des économies grâce à la mutualisation, l’ADF veut "prendre le pari" : "On ne part pas simplement du constat qu’il y a moins d’argent partout, l’idée est de s’intéresser aux zones désertifiées, et de rompre avec une logique de tuyaux d’orgue." Mais surtout, le grand motif de satisfaction des départements est la concertation avec l’ensemble des élus. Dans ce domaine, la RGPP a laissé des traces. "Quand vous avez un tribunal ou une caserne qui ferme, tout se détricote très vite ensuite : les hôtels, les restaurants, la maternité..." Cette fois-ci, les élus ne seront pas mis devant le fait accompli : "On espère bien qu’élus et préfets pourront faire pression pour ne pas découdre le tricot."

Michel Tendil


Vanik Berberian : "La ruralité… ce n’est toujours pas pour maintenant"

"Ce que nous redoutions par avance s’est malheureusement concrétisé, à savoir que la problématique du logement a relégué, au point de la faire disparaître, celle de l’égalité des territoires", s’est offusqué le président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) Vanik Berberian, dans un communiqué du 3 avril intitulé : "La ruralité... ce nest toujours pas pour maintenant".
Alors que le remaniement n’a pas fait de place pour un "ministre de la ruralité", vieille revendication de l’AMRF, le maire de Gargilesse-Dampierre (Indre) espère "que la nomination des ministres délégués viendra corriger ce manque de considération pour les 80 % du territoire français".
Mercredi 2 avril, Sylvia Pinel a hérité du ministère du Logement et de l’Egalité des territoires, "dont l’inversion de l’ordre des termes dans la définition ministérielle ne nous a pas échappé poursuit le président de l’AMRF (Cécile Duflot était en effet ministre de l’Egalité des territoires et du Logement). Il est à craindre, selon lui, "que la priorité donnée à l’approche urbaine continuera à laisser à la ruralité la portion congrue du développement territorial".
M.T.