Sapeurs-pompiers : Noël avant l’heure ?
Clôturant le 127e congrès national des sapeurs-pompiers de France, le président de la République a, dans le sillage de la proposition de loi Matras bientôt adoptée, multiplié les engagements, sans pour autant répondre à toutes les attentes des "soldats de la vie dans les territoires".
Numéro unique d'urgence, directive temps de travail, promotion du volontariat… autant de "marronniers" qui ont rythmé une fois encore le congrès des sapeurs-pompiers de France, le 127e, qui vient de fermer ses portes à Marseille. La tonalité s'est néanmoins faite plus positive, principalement grâce à l'adoption définitive imminente de la proposition de loi Matras (v. notre article), "première loi de modernisation de la sécurité civile depuis 17 ans", souligne la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). Un texte sur lequel le président de la République – qui a fait cette année le déplacement – s'est beaucoup appuyé, en l'agrémentant çà et là d'annonces plus ou moins nouvelles (v. notre article du 27 octobre 2020, date à laquelle devait se tenir initialement ce congrès marseillais).
Soldats de la santé
Le président de la FNSPF, Grégory Allione – réélu à cette fonction pour trois ans –, n'a lui aussi pas manqué de saluer les avancées apportées par cette loi, "qui nous définit enfin pour ce que nous sommes : des soignants, des soldats de la santé, des soldats de la vie dans les territoires", alors que "85% de nos interventions sont dédiées aux secours d'urgence à la personne" (exit l'expression "soldats du feu"). Elle autorisera ainsi les sapeurs-pompiers à réaliser 12 gestes de soins d'urgence qui leur étaient jusque-là interdits. Dénonçant "l'absurdité" de cette prohibition, le président de la République s'est engagé à prendre le décret idoine "avant la fin de l'année".
Autre avancée "majeure" de la loi, la définition de la carence hospitalière et l'octroi de la possibilité aux sapeurs-pompiers de temporiser l'engagement de leurs moyens pour ne pas les détourner de l'urgence. "Plus d'abus possible, juste l'incontournable", a acté le président de la République, qui a par ailleurs annoncé un remboursement "significativement rehaussé" de ces carences – actuellement de 124 euros et qui "ira jusqu'à au moins 200 euros" – ainsi qu'une réforme de la garde ambulancière, qui "s'appliquera partout avant l'été prochain".
Reconnaissance symbolique et… matérielle
Également dans la hotte du chef de l'État, l'augmentation des contingents de nominations dans les ordres de la Légion d'honneur et du mérite, la suppression de la surcotisation salariale sur la prime de feu, qui sera portée dans le cadre du PLFSS, ou l'engagement de discussions avec les collectivités dès début novembre pour revaloriser la prestation de fidélisation et de reconnaissance. "Un changement de méthode" salué par Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d'incendie et de secours, évoquant à mots couverts le récent épisode de la revalorisation de la prime de feu (v. notre article). Le président de la République a en outre annoncé "l'extension de la nouvelle prime [prestation] de fidélisation et de reconnaissance à tous ceux qui ont plus de 15 ans de service, contre 20 actuellement", en se contentant d'indiquer que "le ministre de l'Intérieur engagera ce chantier".
112 : une expérimentation "dilatoire" ?
Il reste en revanche de la friture sur la ligne du numéro unique d'urgence. Si le chef de l'État se félicite de "l'avancée majeure" que constituerait l'expérimentation – déjà évoquée il y a un an – prévue par la proposition de loi Matras de "trois types de plateformes regroupant, selon diverses modalités, numéro d'urgence et permanence des soins", Grégory Allione se fait dubitatif : "expérimenter, c'est ce que font, depuis plus de 20 ans, les 21 départements qui ont mis en place, avec succès, des plateformes communes d'appel d'urgence". Et de souligner "qu'aucun des pays disposant d'une organisation distinguant numéros d'appels urgents et non-urgents n'a été confronté à l'asphyxie des centres-15 observée en France lors de la première vague [du covid]. Retarder à nouveau la décision, [c'est] conserver notre triste record mondial de 13 numéros d'urgence".
Pas de ministère de la sécurité civile, mais une Lopsi "des sécurités"
Le sapeur-pompier a également plaidé pour une autre "réunification" : celle d'un "portage ministériel de la protection civile et de la gestion des situations d'urgence", relevant notamment que "le financement de la sécurité civile est éclaté entre 10 programmes et suivi par 6 ministères différents" et "qu'aucune instance ne réunit les différentes parties prenantes". Là encore, sans succès immédiat. Le président de la République confirme que si réflexion et parachèvement du modèle de sécurité civile il y aura bien, ce sera "toujours sous la tutelle du ministère de l'Intérieur qui a l'expertise et l'expérience indispensables". En revanche, il a acté que la future loi de programmation de la sécurité intérieure sera "bien une loi de programmation des sécurités, qui inclura donc la sécurité civile". Une façon de prendre rendez-vous après les élections de 2022.
Le "problème" de la directive temps de travail
Autre confirmation, "la présidence française de l'Union européenne au premier semestre 2022 sera l'occasion d'engager une initiative" afin que la directive temps de travail "ne menace pas" le modèle français du volontariat, a indiqué le chef de l'État. Une "initiative" déjà promise lors du 125e congrès par le ministre de l'Intérieur d'alors, Gérard Collomb, puis par ses successeurs, et qui n'a pour l'heure, relève Grégory Allione, débouché que sur "une lettre de confort délivrée il y a un an par le commissaire Nicolas Schmit", "première avancée néanmoins insuffisante car elle ne lie pas le juge et expose notre pays à une condamnation". Ce que n'a pas démenti le président de la République. "Je vais être clair. Cette directive, pour nous, est un problème. Elle est un problème pour ce mode d'engagement, elle est un problème pour nos armées", a-t-il concédé, tout en indiquant qu'on ne saurait "vouloir fouler aux pieds les lois que nous avons librement consenties" et qu'il se battrait donc "en Européen" pour modifier les textes.