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Gestion de la crise du Covid : les sapeurs-pompiers "apportent la contradiction"

Auditionnés par la commission d'enquête sur la gestion de la crise sanitaire de l'Assemblée nationale, les représentants de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France n'ont pas sacrifié à la langue de bois, pointant de nombreux dysfonctionnements. Au risque d'apparaître, pour certains, grincheux ou belliqueux.

Grincheux, belliqueux, retors ou lanceurs d'alerte, les sapeurs-pompiers de France ? Auditionnés le 21 juillet dernier par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'impact, la gestion et les conséquences du Covid-19, les interventions de leurs représentants – les président et vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) – et plus encore la fuite préalable dans la presse d'un "document de travail" au vitriol (v. notre article) –, ont été diversement appréciées des élus présents. Le président de la commission, Julien Borowczyk (LREM, Loire), médecin de formation, les a d'ailleurs vertement accueillis, leur reprochant une "opération de communication".
Certes, ils auraient pu se contenter de se féliciter des "plus de 100.000 interventions" qu'ils ont réalisées – et réalisent encore – lors de la crise du covid, qui en outre "dans l'ensemble se sont très très bien passées", comme le relevait le député Nicolas Démoulin (LREM, Hérault). Mais plutôt que de "se congratuler et de congratuler le[ur]s tutelles" et de "faire un rapport qui satisfasse", Grégory Allione, président, et Patrick Hertgen, vice-président, chargé du secours d'urgence aux personnes, ont décidé de jouer les Cassandre, "d'apporter la contradiction" pour sortir de "l'entre-soi", du "consensus mou" et de la "pensée unique" pour "faire avancer les choses", "la crise du Covid n'ayant fait que révéler des problèmes qui se posent au quotidien". En portant le fer directement dans la plaie.

Une crise "administrée et non gérée"

Principalement contesté, le choix de confier la gestion de la crise aux ministres et administrations du quotidien – des techniciens victimes de "l'effet tunnel", qui ont fait le choix de laisser le plan "pandémie grippale de 2011" dans les placards – plutôt qu'aux spécialistes de la gestion de crise que sont le ministère de l'Intérieur et les préfets, habitués et formés à gérer l'ensemble du spectre. "Est-ce que la crise de Lubrizol a été gérée par le ministère de la Transition écologique ?", interroge ainsi Grégory Allione. En l'espèce, on ne pourra reprocher aux sapeurs-pompiers d'être les seuls à préférer l'action des préfets à celle d'administrations "trop éloignées du terrain pour être agiles", alors que le procès des ARS est par ailleurs régulièrement instruit (v. notre article). Le problème dépasse sans doute toutefois le seul cadre de la gestion de crise, comme l'a d'ailleurs résumé d'une phrase le colonel Allione : "Savoir si l'on peut faire confiance à nos territoires et à ceux qui sont sur le terrain." 

Des sapeurs-pompiers mis à l'écart

Les représentants des sapeurs-pompiers ont également vertement dénoncé le fait d'avoir été volontairement mis de côté, multipliant les exemples : la mise en avant du seul "15" (Samu), au risque de la saturation, les médecins sapeurs-pompiers débarqués des hélicoptères, les tentatives de "débauchage" (appels à rejoindre la réserve sanitaire)… Et de déplorer – tout en rejetant l'idée d'une "guerre des blancs et des rouges", qui serait l'œuvre des médias – d'avoir été victimes d'une "guerre de l'image". En la matière, l'épisode des transferts des malades en TGV par les seuls "blancs", "alors que des colonnes de renfort d'ambulances prêtes à partir et ont été annulées", a profondément marqué.  "On aurait préféré avoir plus de communication sur les résultats des centres d'appels, sur les performances affichées, plutôt que d'éteindre l'écran où s'affichent les délais d'attente lorsque le président de la République vient visiter le centre d'appels", a persiflé le médecin-colonel Hertgen. Et les sapeurs-pompiers de profiter de l'occasion – une "communication" qui ne manquera pas de leur être reprochée – pour plaider une nouvelle fois la cause des deux numéros d'appel, "l'un pour l'urgent, l'autre pour le non urgent", convaincus de la capacité des Français à faire le départ dans "90% des cas". Soulevant là encore un débat – sur la capacité des individus à savoir ce qui est bon pour eux sans l'intervention des "sachants" – qui dépasse le seul cadre des secours et de la santé… Un débat notamment alimenté par le manque d'équipements (tests, masques) dont les sapeurs-pompiers ont été victimes pendant la crise : "On nous a d'abord dit que ce n'était pas utile, qu'il fallait s'en passer", a rappelé le colonel Allione, alors qu' "aujourd'hui il faut les porter en tous lieux". 

 

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