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126e congrès des sapeurs-pompiers : un système "à bout de souffle" toujours dans l'expectative

A l'issue de leur congrès, les pompiers n'ont pas caché leur déception samedi 21 septembre 2019, évoquant "l'absence de réponses concrètes" du ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, et en ont appelé à Emmanuel Macron pour réformer un système de secours "à bout de souffle". Au coeur des revendications, l’instauration du 112, le renforcement de la sécurité, la clarification du statut au regard de l’Union européenne et des mesures sociales. 

Le communiqué de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) est tombé samedi 21 septembre en début de soirée, quelques heures après la fin du congrès national de Vannes, le 126e de la profession, clôturé par Christophe Castaner. Juste avant le ministre, le président de la fédération, Grégory Allione, inquiet pour ses troupes débordées face à "l'explosion" des appels au secours les plus divers - plus de 4,5 millions d'interventions par an au total - avait décrit un "système de secours d'urgence à bout de souffle" qu'il est "nécessaire de réformer rapidement" avec des mesures fortes. 
“L’augmentation constante des missions de secours d'urgence aux personnes, 84% des missions accomplies aujourd'hui par les sapeurs-pompiers, met aujourd'hui l'ensemble d'un dispositif sous tension”, a renchérit samedi Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (CNSIS).
Si le ministre "a partagé ce constat", les pompiers ont été "déçus" qu'il n'apporte guère d'"annonces concrètes en réponse à des attentes vieilles de plus de quinze ans", souligne la FNSPF qui représente les 247.000 sapeurs-pompiers de France.

Instauration d'un numéro unique d'appel d'urgence 112

Parmi ces revendications, l'instauration d'un numéro unique d'appel d'urgence 112, qui regroupe les numéros actuels 15 (Samu), 17 (police) et 18 (pompiers), avec des centres d'appels départementaux communs. Le président de la CNSIS insiste sur le fait qu’il faut une meilleure coordination des acteurs du secours : sapeurs-pompiers, Samu et ambulanciers. "Les travaux annoncés récemment par la ministre des Solidarités et de la Santé pour la mise en place d’un service d’accès aux soins (SAS) sont une réelle occasion d’y parvenir et cela doit s’appuyer sur la mise en place effective du 112, numéro unique de réception des appels d’urgence", plaide-t-il. 
Pour les départements également, qui financent les Sdis à hauteur de 58%, "une meilleure coordination des différents acteurs" s’avère incontournable. Elle passe par "la mise en place rapide du numéro unique de réception des appels d’urgence 112, en lien avec la mise en place du service d’accès aux soins annoncée le 9 septembre dernier par la ministre des Solidarités et de la Santé", a rappelé Dominique Bussereau, le président de l’Assemblée des départements de France, lors de son allocution en début de congrès, jeudi 19 septembre. 

La FNSPF est également favorable à l'instauration du numéro 116 117 pour les services médicaux non urgents. Une telle refonte permettra selon elle de mieux répartir les appels et de permettre aux pompiers, surchargés par les appels de toutes natures, de se concentrer sur les interventions cruciales.
Jeudi au congrès, un pompier du Val-d'Oise avait ainsi expliqué que la veille, lors de plus de la moitié de leurs interventions, les pompiers du département n'avaient pas ouvert leurs sacs de secours une seule fois. "Cela pèse sur le moral des troupes, d'autant que 80% sont des volontaires, qui font souvent cela en plus de leur métier", explique Grégory Allione. "Ils sont prêts à se lever la nuit, à passer moins de temps avec leurs familles pour sauver des vies, mais c'est moins motivant si c'est pour faire le taxi pour les urgences à la place des ambulances", souligne-t-il.

Arbitrage

Selon nombre de responsables pompiers, cette refonte se heurte aux réticences du ministère de la Santé et des syndicats de médecins qui tiennent à garder le pouvoir décisionnel du Samu. Ce dernier sollicite souvent les pompiers pour conduire des patients aux urgences, en crise à force d'être encombrées faute notamment de médecins ou conseils médicaux de garde disponibles. Sur ce point, la FNSPF demande à Emmanuel Macron d'arbitrer en faveur du ministère de l'Intérieur et de "donner les moyens" à Christophe Castaner "de modifier la loi de 1986 sur l'aide médicale urgente", pour confier clairement à Beauvau et aux pompiers "la gestion des urgences préhospitalières, que les sapeurs-pompiers assurent quotidiennement dans les territoires".

Renforcer la sécurité en intervention 

La FNSPF demande également au gouvernement de "renforcer la sécurité des sapeurs-pompiers en intervention", un objectif affiché samedi comme une priorité par Christophe Castaner, qui a confirmé le lancement "dans les prochaines semaines" d'une grande campagne de communication contre les agressions de pompiers.
Si ces agressions restent limitées (cinq par jour sur 10.000 interventions), les incivilités voire les agressions contre les sapeurs-pompiers en intervention n'en ont pas moins triplé depuis dix ans, selon le ministère.
Christophe Castaner s'est de son côté félicité des premiers résultats "positifs" de l'expérimentation des caméras-piétons sur les pompiers pour dissuader les agresseurs potentiels, et s'est engagé à accroître la coopération avec les forces de l'ordre pour accompagner les pompiers lors des interventions jugées à risques.
La FNSPF demande également au gouvernement davantage de mesures concrètes (bonification retraite, aides fiscales "citoyennes" pour les entreprises employant des volontaires...) afin de soutenir et préserver le volontariat. Et elle l'invite à entendre les revendications salariales et en matière de retraite notamment, des pompiers professionnels (16% des effectifs). En grève depuis fin juin (un mouvement pas toujours visible car ils sont astreints à un service minimum), ceux-ci déplorent eux aussi l'absence de réponse et prévoient une manifestation nationale le 15 octobre à Paris.

Volontariat : "Une nouvelle directive n’est pas vraiment nécessaire", selon la Commission européenne

Rédiger une nouvelle directive européenne visant à clarifier le statut des sapeurs-pompiers volontaires dans l’Union européenne "n’est pas vraiment nécessaire", estime Marianne Thyssen, jeudi 19 septembre 2019. La commissaire européenne chargée de l’emploi et des affaires sociales s’exprimait lors d’un débat organisé en session plénière au Parlement européen. Elle se déclare en revanche favorable "à faciliter les contacts entre les États membres", indiquant qu'"il n’y a pas de réponse unique pour répondre au statut des pompiers volontaires au titre de la directive temps de travail".
"Je suis disposée à mettre en place une plateforme entre les États membres pour discuter des interrogations autour du statut du sapeur-pompier volontaire au sein de l’Union européenne", affirme Marianne Thyssen, commissaire européenne chargée de l’emploi, des affaires sociales, des compétences et de la mobilité des travailleurs, à Strasbourg, jeudi 19 septembre 2019. Elle revenait notamment sur les craintes de plusieurs États membres à la suite d’un arrêt rendu en février 2018 par la Cour de justice de l’Union européenne, qui avait estimé que le requérant, un sapeur-pompier volontaire, "devait être considéré comme un travailleur" au sens de la directive de 2003 sur le temps de travail. La France a notamment fait part de sa volonté de porter le projet d’une modification législative.

Un "danger"
"Les sapeurs-pompiers volontaires constituent en France 80 % des effectifs", note pour sa part l’eurodéputée Anne Sander (PPE, France). "Ils réalisent à eux seuls les deux tiers du temps d’intervention des services de protection. Par conséquent, ce modèle nous semble en danger en raison de l’arrêt rendu par la CJUE", ajoute l’élue. "Si cet arrêt fait jurisprudence, nous craignons une possible intégration des sapeurs-pompiers volontaires dans le champ de la directive temps de travail. Du fait des obligations en termes de repos, de congés, le texte rendrait incompatible l’activité de sapeurs-pompiers volontaires avec un emploi salarié."
"Il y a un véritable risque que le volontariat soit confondu avec une charge de travail. Si tel était le cas, cela sonnerait la fin de notre modèle de secours et mettrait à mal l’engagement citoyen libre que représente le volontariat", poursuit Anne Sander. Elle demande que "la portée de cette directive soit clarifiée, et que la Commission européenne mette en œuvre des actions concrètes, un cadre pour restaurer la sécurité juridique du système des sapeurs-pompiers volontaires". Intervenant également, l’eurodéputée Sylvie Brunet (Renew Europe, France) rappelle la "nécessité impérieuse de soutenir les mécanismes de protection civile, par les instruments européens appropriés". "Nous devons davantage encourager la coordination de nos systèmes de secours. Il nous faut consolider le mécanisme européen de protection civile, mutualiser nos moyens et nos scénarios de secours en cas de crise, ainsi que partager nos expertises."

Avec AEF