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Services de secours : Gérard Collomb plaide pour une "organisation à la carte"

Plus de vingt ans après la départementalisation des Sdis de 1996, le ministre de l'Intérieur a plaidé, le 14 octobre, pour une organisation "à la carte" des secours, afin de tenir compte du nouveau contexte territorial, notamment de la métropolisation. Invité à clôturer le 124e congrès des sapeurs-pompiers, à Ajaccio, le ministre a par ailleurs confirmé les engagements pris par le président de la République, le 6 octobre.

Dès 2018, "des discussions approfondies" seront menées avec l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’Association des maires de France (AMF) au sujet de l’organisation et du financement des services départementaux d’incendie et de secours, a assuré le ministre de l’Intérieur, samedi 14 octobre, en clôture du 124e congrès des sapeurs-pompiers, à Ajaccio. Gérard Collomb souhaite adapter le modèle hérité de la départementalisation de 1996 à la nouvelle donne territoriale avec la montée en puissance des métropoles et les quelques projets de fusions de départements.  "Ma ligne est simple : ne rien imposer. Mais ne rien interdire aux acteurs locaux", a insisté le ministre, proposant une "organisation à la carte qui corresponde mieux à la diversité de la France". Selon lui, "le modèle hérité de la loi de 1996 mérite des adaptations". "Comment ne pas voir en effet que, comme la France ne se structure plus autour des cantons, les services de secours doivent renouveler leur forme d’organisation ?", a-t-il interrogé. Il veut ainsi encourager de nouveaux types d’organisation, comme celui de Lyon dont il est l’ancien maire où, depuis la création de la métropole, le service d’incendie et de secours se trouve désormais placé sous la double tutelle du département et de la métropole. Il souhaite aussi favoriser les regroupements de Sdis actuellement en gestation dans certaines régions. 
Pourtant la veille, le président de l’Assemblée des départements de France, Dominique Bussereau, avait tenu à défendre le modèle de la départementalisation qui, selon lui, "a fait ses preuves". "Le travail à trois entre les départements, les communes et l’Etat fonctionne bien, même s’il faut certainement adapter l’organisation et la gouvernance des Sdis à des échelles différenciées", a-t-il souligné, à l'occasion de ce congrès. Pour les départements, qui sont aujourd’hui les principaux financeurs des Sdis, il y a urgence à retrouver "des marges d’investissements", sachant que l’investissement des Sdis est en chute libre (- 33% depuis entre 2010 et 2016). "Si les mutualisations Sdis-département et inter-Sdis sont croissantes et permettent des économies, l’Etat doit s’engager sur leur financement", fait valoir l’ADF, dans un communiqué du 13 octobre. Elle demande "a minima", que la dotation d’investissement introduite dans le budget de 2017 soit "pérennisée à hauteur de 20 millions d’euros". L’ADF réclame aussi une réflexion visant à "réduire les inégalités du coût par habitant des Sdis d’un département à l’autre".

Comité des financeurs : une réunion prévue en décembre

Répondant à une demande de l’ADF et de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), Jacqueline Gourault, ministre déléguée auprès de Gérard Collomb, a indiqué, vendredi, que le comité des financeurs de Sdis - qui réunissait les acteurs de la sécurité civile autour de l’Etat - était "une bonne idée" et qu’il pourrait se réunir à nouveau d’"ici décembre", "afin de notamment évoquer la rationalisation des Sdis et leur équipement".
Lors des discussions, le député LR de l’Ain Damien Abad a invité à réfléchir à d’autres pistes de financement, comme le déplafonnement des contributions communales aujourd’hui gelées. Ce faisant, toutes charges nouvelles des Sdis reposent exclusivement sur les départements. "Ce que nous ne voulons pas, c’est d’une France de la sécurité civile à deux vitesses, avec une dynamique financière qui se crée avec les métropoles, et de l’autre côté des déserts de sécurité civile qui seraient les territoires ruraux", a-t-il mis en garde, défendant lui aussi le modèle de la départementalisation.
Le ministre de l’Intérieur a défendu le maillage territorial, laissant cependant place au doute. "Là où certains territoires se sentent abandonnés, vous assurez, par un maillage de 6.500 centres d’incendies et de secours, une présence permanente, au point que dans certaines zones, les sapeurs-pompiers constituent, avec les communes, le seul service public qui demeure", a-t-il déclaré. Seulement, la FNSPF évoque, elle, un maillage actuel de 6.800 casernes. Est-ce à dire que 300 casernes sont encore amenées à fermer ?

Volontariat : de nouvelles propositions d'ici mars 2018

Gérard Collomb est par ailleurs venu confirmer plusieurs engagements pris par le président de la République le 6 octobre, comme l'achat à partir de 2018 de six avions bombardiers d'eau. Le président de la FNSPF, Eric Faure, avait avant lui souligné que les incendies de l’été et les récents ouragans, avaient accentué la pression déjà très forte exercée sur les pompiers. "Sans changements, combien de temps résistera-t-on encore à la pression ?", a-t-il lancé. Le ministre de l’Intérieur a déclaré porter une "nouvelle ambition" sur le volontariat, alors que l’engagement pris à Chambéry en 2013 n’a pas permis de repasser la barre des 200.000 volontaires, en raison en particulier des difficultés de concilier ce statut avec les contraintes familiales et professionnelles. A cet égard, le ministre a dit souhaiter "de nouvelles formes de volontariat, plus souples, plus flexibles, plus adaptées aux modes de vie modernes". Pour cela, une réflexion sera conduite autour de "personnalités représentatives" (parlementaires, élus locaux, membre des organisations patronales, chefs d’entreprises, sociologues, géographes) afin de "formuler d’ici le mois de mars 2018 des propositions audacieuses, pour inventer le volontariat du XXIe siècle". Le ministre veut notamment "mobiliser les habitants des quartiers populaires" et encourager "la féminisation" des volontaires, alors qu’une femme sur deux renonce à son engagement au bout de cinq ans. Il souhaite aussi  "valoriser l’engagement comme sapeur-pompier volontaire dans le cadre du futur service national universel", comme l’a demandé le président de la République, il y a dix jours.
S’agissant des professionnels, le ministre a annoncé vouloir confier à l’Inspection générale de l’administration et l’Inspection générale des affaires sociales, une mission conjointe pour établir un état des lieux précis sur "la surcotisation de retrait" et sur "la continuité statutaire" des sapeurs-pompiers, comme le demande la FNSPF.
Répondant à une revendication forte de la fédération, Gérard Collomb a par ailleurs salué la création de plateformes communes pour les appels d’urgence et souhaité qu’à "horizon cinq ans" ne subsiste qu’un numéro d’appel (le 112) au lieu des cinq existants. Il a aussi confirmé "la mise en place sur le quinquennat d’un système d’information commun à tous". Plusieurs mesures ont été annoncées pour "améliorer le quotidien" des pompiers. Il leur suffira d'être titulaires d'un permis B pour conduire des engins de 5,5 tonnes, moyennant "quelques heures de formation". Une mesure valable aussi bien pour les quelque 250.000 sapeurs-pompiers (professionnels et volontaires), que "les personnels de la sécurité civile" et "les bénévoles d’associations de secours agréées".

Personnes "en détresse"

Constant la très forte augmentation du nombre d’interventions des pompiers du fait des secours aux personnes (80% du nombre de sorties), le ministre a indiqué avoir demandé au directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises de "mener au plus vite des discussions approfondies" avec les services du ministère des Solidarités et de la Santé autour de deux problèmes : les carences ambulancières et les personnes "en détresse" secoures plus souvent pour des raisons "sociales que sanitaires". Sur ce dernier point, il a demandé qu’un groupe de travail associant le ministère des Solidarités et de la Santé et l‘ADF soit lancé "immédiatement", "afin que des propositions soient formulées d’ici la fin de l’année".

Face aux "nouveaux risques", tels que la menace terroriste, Gérard Collomb a réaffirmé l'engagement récemment pris par Emmanuel Macron de "former, à court terme, 80% de la population" aux gestes de premiers secours. Il a aussi confirmé la volonté de constituer une "flotte européenne de sécurité civile", avec l’objectif que d’ici cinq ans, elle soit dotée d’une vingtaine de bombardiers d’eau  "mobilisables à tout moment pour répondre à une situation extrême dans l’arc méditerranéen".
La FNSPF a salué, dans un communiqué du 14 octobre, ce "premier pas vers le cap fixé par le président de la République" le 6 octobre et pris acte "de l’ensemble des chantiers ouverts par le ministre de l’Intérieur". Elle demande à présent "qu’ils démarrent au plus vite".