Sécurité civile - Centres de secours : un maillage qui s'effiloche
"Alors qu'il s'était engagé à pérenniser le nombre de casernes, le chef de l'Etat n'a apporté aucune réponse nouvelle aux inquiétudes provoquées par la poursuite de leurs fermetures (250 depuis 2013, s'ajoutant aux 600 entre 2006 et 2012)." La Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) a achevé son 123e congrès à Tour, samedi 24 septembre, sur une amère déception, après l'intervention de François Hollande. Ce congrès avait pourtant démarré sous des auspices favorables, à la faveur du bilan "positif" de l'engagement national pour le volontariat signé lors du congrès de Chambéry en 2013. Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur, est venu lui-même s'en féliciter le 22 septembre : "24 des 25 mesures du plan de Chambéry sont d'ores et déjà engagées au niveau national", a-t-il assuré. "Nous avons réussi à enrayer l'érosion continue du nombre de sapeurs-pompiers volontaires. Après une hausse de près de 1.500 sapeurs-pompiers volontaires en 2014, l'année 2015 s'est traduite par une stabilité des effectifs", s'est-il réjoui. Reste que pour le député PS Jean-Paul Bacquet, président du Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires (CNSPV), l'objectif de 200.000 volontaires en 2017 ne sera pas atteint. Avec 194.000 volontaires à ce jour, il en faudrait 6.000 d'ici un an. "Tel que parti, on y sera pas, ce sera beaucoup plus long", confie-t-il à Localtis.
Pour François Hollande, la carte des Sdis doit être "vivante"
La FNSPF reste fidèle à sa position. Selon elle, il y a un lien entre la présence des casernes dans les petites communes et le recrutement des volontaires. "Cette réduction des implantations dans les territoires allonge les délais d'intervention, affaiblit la capacité de mobilisation en masse, délite le lien social et rend plus difficile l'engagement de sapeurs-pompiers volontaires", développe-t-elle, dans son communiqué du 24 septembre.
Alors que la pérennisation du maillage territorial figurait en toutes lettres dans l'engagement de 2013 (avec cette nuance : "hormis les fermetures inévitables décidées après concertation"), le chef de l'Etat a semblé botter en touche. Il s'est tout d'abord dit "très au fait de cette question". "Quand dans une commune rurale (…) une caserne ferme, c'est la vie qui d'un seul coup s'arrête", a-t-il déclaré ajoutant aussitôt que la carte des Sdis (services départementaux d'incendie et de secours) devait être "vivante" et ne pas rester figée. Néanmoins, "lorsqu'une décision doit être prise, il faut un temps suffisant, une consultation de l'ensemble des partenaires : les élus, les syndicats, les pompiers eux-mêmes", a-t-il exigé. Selon lui, "cette question ne peut pas être fondée uniquement sur des critères budgétaires". François Hollande a encore assuré avoir demandé aux préfets de veiller à ce que les décisions prises ne remettent jamais en cause l'efficacité opérationnelle des Sdis.
La Savoie, une réorganisation bénéfique
Pourtant, ce sont bien souvent les contraintes financières des départements (principaux financeurs des Sdis), asphyxiés par la baisse des dotations et le RSA, qui les poussent à fermer des centres. Le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), Dominique Bussereau, s'est lui-même rendu à Tours pour le rappeler. Lors du congrès d'Agen, l'an dernier, le ministre de l'Intérieur l'avait admis : "On ne peut pas demander des économies aux collectivités territoriales et, lorsqu'elles s'organisent pour les réaliser, dire que cela n'est pas convenable." Que dire alors du département de la Drôme qui a décidé de fermer 14 de ses 78 centres alors que les élus se plaignent d'avoir été mis devant le fait accompli ? Dix départements seraient dans ce cas de figure. "Fermer un centre ne veut pas dire forcément économie budgétaire, par ailleurs, il ne faut pas que cela se traduise pas une baisse du volontariat", insiste Jean-Paul Bacquet, alors qu'au cours de l'été, le CNSPV vient de remettre un rapport sur le maillage territorial. Depuis les années 2000, le nombre de centres est passé de 8.700 à 6.900. "C'est un véritable plan social imposé aux sapeurs-pompiers volontaires", a fustigé le colonel Eric Faure, président de la FNSPF, samedi. Dans son rapport qui s'appuie sur six départements, le CNSPV reconnaît que les fermetures ne sont pas forcément synonymes d'"économies d'échelle", que "des pertes d'effectifs de sapeurs-pompiers volontaires sont possibles lorsque des centres sont regroupés". Et que ces fermetures sont "une perte de sergents recruteurs". Toutefois, il relève des situations où la réorganisation a été exemplaire. C'est le cas de la Savoie où elle a même conduit à "une augmentation des effectifs après la rationalisation, car les sapeurs-pompiers sont plus motivés dans un centre équipé et bien encadrés". Entre 2005 et 2016, le nombre de centres dans le département est passé de 121 à 89. Ce qui n'a pas entaché le temps d'intervention : avec 11 minutes 22, il se situe dans une bonne fourchette. Les effectifs de sapeurs-pompiers volontaires ont légèrement augmenté année après année et sont de 1.824 aujourd'hui. "Tendance a priori durable", note le CNSPV. "La Savoie a réussi la révision de son maillage territorial mais on ne justifie pas un maillage par des mesures d'économies", insiste encore Jean-Paul Bacquet pour qui la réorganisation doit être dictée par l'efficacité. Et "quand on a un centre bien équipé, on garde les jeunes", ajoute-t-il.
La loi 1996 n'a pas mis fin aux inégalités
Autre constat, la loi de 1996 - qui a "départementalisé" les Sdis avec pour but de réduire les inégalités territoriales entre communes riches et pauvres - n'a pas entièrement réglé le problème. "D'autres inégalités se font jour, soit en raison des différences de moyens financiers des Sdis, soit en raison d'un manque de rationalisation dans l'organisation territoriale", relève le CNSPV. "On a des situations où le département finance à 80% et les communes à 20% et d'autres où le rapport est inverse", abonde Jean-Paul Bacquet. "Vingt ans après (la loi de 1996, ndlr), peut-on continuer à voir le coût par habitant varier de un à deux ?", a interrogé Eric Faure. Face à cette situation, le FNSPF demande à l'Etat de reprendre les choses en main. "Le président Faure a ainsi rappelé qu'un milliard d'euros était versé par l'Etat aux départements en étant explicitement affectés aux besoins des Sdis. Il a estimé qu'un versement direct aux Sdis permettrait à l'Etat de renforcer son rôle de pilotage", souligne la FNSPF.