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Energie - "Sans le nucléaire, le renouvelable n'a pas d'avenir", affirme un rapport parlementaire

Après le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) mettant en garde début septembre contre l'objectif gouvernemental de réduction de 25% de la part d'électricité nucléaire en France d'ici à 2025, un nouveau rapport parlementaire réalisé cette fois-ci au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale par le député UMP de la Drôme Hervé Mariton juge "irrationnel" le choix de "décider artificiellement de baisser la part du nucléaire dans la production électrique de 75 à 50%". Le député, dont la circonscription abrite le site nucléaire du Tricastin, juge que "sans le nucléaire, le renouvelable n'a pas d'avenir". Selon lui, le financement du développement des énergies renouvelables et de la transition énergétique ne peut qu'aller de pair avec la poursuite d'un "nucléaire plus performant et plus sûr".

Les leçons de Fukushima

Près de la moitié de son rapport est consacrée au risque d'accident nucléaire majeur et aux retombées de la catastrophe de la centrale japonaise de Fukushima, survenue en mars 2011. "La probabilité pour que le risque survienne est faible mais elle n'est pas nulle, et nous pouvons même dire que sur un laps de temps indéfini, l'accident est certain", écrit le député. Selon les évaluations de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), un accident grave de type 6 sur l'échelle Ines engendrerait un coût global de l'ordre de 120 milliards d'euros en France, soit 6% du PIB, tandis qu'un accident majeur, de niveau 7, tel que Fukushima, pourrait coûter plus de 400 milliards d'euros, soit 20% du PIB français. Face au risque, le député voit deux choix possibles : "bannir la production d'électronucléaire" ou " prendre le risque de développer une industrie nucléaire en prenant soin de baisser toujours plus la probabilité d'une catastrophe". Dès lors que l'on fait le choix du nucléaire, on fait "aussi un choix d'assurance", estime Hervé Mariton, car les accidents majeurs ont des coûts qui "dépassent très largement la capacité financière des opérateurs". "Il faut donc un consentement de la classe politique et de la nation." En tout cas, "il apparaît illusoire de prétendre fixer administrativement un mix énergétique ex ante", note-t-il à propos du choix du gouvernement. Pour lui, le mix énergétique "est et doit demeurer flexible afin de s'adapter aux évolutions énergétiques mondiales. Il doit simplement répondre aux exigences d'approvisionnement, de prix, de sûreté et de préservation de l'environnement".

Japon versus Allemagne

Le rapport examine ensuite les cas japonais et allemands de fermeture du parc nucléaire, l'un contraint et l'autre volontariste. Dans le cas du Japon, qui a renoncé à ses objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, l'énergie nucléaire étant remplacée principalement par des importations de gaz naturel liquéfié, Hervé Mariton souligne les conséquences "insupportables pour l'économie", avec "un impact fort sur la balance commerciale du pays", des "prix de l'électricité qui grèvent la compétitivité du pays et des électriciens dans une situation difficile". "Pour la France, la situation financière des opérateurs japonais devrait servir d'exemple quant à l'impossibilité de demander, notamment à EDF, de préparer une transition énergétique de grande ampleur nécessitant des investissements colossaux tout en l'obligeant à fermer des unités de production rentables à court terme", écrit le rapporteur.
Dans le cas de l'Allemagne, qui a décidé de sortir du nucléaire à l'horizon 2030, le rapport indique que "le développement des énergies renouvelables se heurte à des difficultés techniques non surmontées à ce jour", avec une consommation qui reste "fortement subventionnée". Du coup, "les centrales à charbon sont les seules centrales à parvenir à trouver leur équilibre financier du fait de la baisse importante de la tonne de charbon à la suite de l'exploitation du gaz de schiste aux Etats-Unis". Le rapport insiste aussi sur le statut de "passager clandestin" de l'Allemagne qui, lorsque la production d'énergie renouvelable baisse du fait d'une absence de vent ou de soleil, importe de l'électricité venue de France et produite en grande partie par des centrales nucléaires.

Manque de cohérence

Pour la France, le député ne relève "aucune stratégie cohérente définie pour l'heure". La décision de fermer la centrale de Fessenheim d'ici 2016 n'est pas "inscrite dans une réflexion globale" sur le mix énergétique. "Aucune raison n'a été évoquée pour justifier la mise à l'arrêt d'une seule centrale nucléaire et de cette centrale nucléaire en particulier", souligne le député. Pour lui, "seule l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) peut invoquer la question de la sûreté". En tout cas, ne retenir que le critère de l'âge des centrales pour décider de leur fermeture lui paraît dangereux car il "conduirait à un black-out du pays en moins de 5 ans". Après Fessenheim, doyenne des centrales, "ce ne sera pas moins de 40% de nos réacteurs qui devront être fermés d'ici 2022 et 80% d'ici 2027, soit le même objectif de sortie du nucléaire à l'horizon 2030 que l'Allemagne, mais sans l'effort d'investissement nécessaire dans les énergies renouvelables", met en garde Hervé Mariton.
En tout cas, les conséquences de la décision de la fermeture de Fessenheim seront multiples, prévient-il : "l'indemnisation de l'opérateur risque d'être lourde pour les finances publiques" – entre 2,4 et 8,4 milliards d'euros, selon ses calculs, pour le seul opérateur EDF - et "les conséquences en termes de compétitivité et d'emplois directs et induits seront considérables".

Investir dans le renouvelable, et dans le nucléaire

Le député termine son rapport en suggérant d'augmenter l'effort d'investissement dans les énergies renouvelables, avec l'objectif pour les opérateurs de "rétablir un solde commercial neutre avec l'Allemagne". Il propose aussi de "plafonner la priorité donnée aux énergies renouvelables sur le réseau", de "développer les techniques de stockage d'électricité afin de lisser les pics de consommation" et enfin de "donner un objectif réaliste en termes de maîtrise de la consommation". Plutôt que de baisser la consommation énergétique de 50% d'ici 2050 comme l'a annoncé François Hollande, en ouverture de la dernière conférence environnementale, Hervé Mariton estime "qu'il serait plus crédible de fixer un objectif moins ambitieux et à un horizon plus lointain".
Il recommande enfin de "minimiser les risques et les conséquences d'une éventuelle catastrophe nucléaire", en assurant notamment des budgets de fonctionnement importants à l'ASN et à l'IRSN, en renforçant les travaux de mise au point du réacteur de quatrième génération et en améliorant les procédures de concertation et de gestion de crise. Il estime ainsi qu'"il n'est pas acceptable que les exercices d'évacuation se limitent aujourd'hui à un rayon d'action de 15 kilomètres autour des centrales alors qu'il faudrait les élargir à 50".