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Refondation de l'école - Rythmes scolaires : tout sur le décret "Hamon"

Le décret portant autorisation d'expérimentations relatives à l'organisation des rythmes scolaires dans les écoles maternelles et élémentaires, qui entrera en vigueur à la rentrée scolaire 2014, a été publié au Journal officiel du 8 mai 2014. Il est signé du Premier ministre Manuel Valls et du ministre de l'Education nationale Benoît Hamon. Une circulaire accompagnant le décret a été publiée le même jour au Bulletin officiel de l'Education nationale et adressée le lendemain par Benoît Hamon aux recteurs et aux IA-Dasen (inspecteurs d'académie - directeurs académiques des services de l'Education nationale). Le point sur le décret "Hamon" et sa circulaire, textes officiels en main.

Quand déposer sa demande d'expérimentation ? - Pour une mise en œuvre à la rentrée scolaire 2014, c’est avant le 6 juin 2014 que les projets d'expérimentation d'organisation du temps scolaire, co-présentés par les communes (ou EPCI) et les conseils d'école, doivent être adressés aux autorités académiques.

Qui autorise l'expérimentation ? – La décision d'autorisation revient au recteur d'académie. "L'inspecteur d'académie, directeur académique des services de l'Education nationale (IA-Dasen) du département concerné expertise les demandes pour le recteur". L'IA-Dasen peut aussi "intervenir en appui pour l'écriture du projet", souligne la circulaire.
Conformément au Code de l'éducation, le recteur devra, avant de prendre sa décision, consulter le département (en sa qualité d’autorité compétente pour l'organisation et le financement des transports scolaires). Si au terme d'un délai de 20 jours le département n'a pas fait connaître son avis, ce dernier est réputé favorable.

Pourquoi parle-t-on d'un décret "complémentaire" ? – Le décret "Hamon" confirme les préceptes du décret "Peillon" du 24 janvier 2013. A savoir : "Les cinq matinées de classe, correspondant aux pics de vigilance des enfants, demeurent obligatoires dans toutes les écoles et pour tous les élèves, afin de permettre les apprentissages fondamentaux dans les meilleures conditions". Si bien que les adaptations "ne peuvent avoir pour effet de répartir les enseignements sur moins de 8 demi-journées par semaine comprenant au moins 5 matinées, ni d'organiser les heures d'enseignement sur plus de 24 heures hebdomadaires, ni sur plus de 6 heures par jour et trois heures trente par demi-journée".

Comment regrouper les activités périscolaires sur une seule après-midi (adaptation n°1) ? – "Il est possible de prévoir une après-midi réservée au périscolaire". La phrase est perdue dans l’annexe de la circulaire, mais elle existe bel et bien. Il y est clairement dit : "Une commune (ou l'EPCI concerné) peut demander à expérimenter une organisation hebdomadaire du temps scolaire comprenant par exemple 8 demi-journées d'enseignement avec 5 matinées réparties sur 5 jours, dont une matinée d'enseignement placée indifféremment le mercredi ou le samedi matin. Il est donc possible de prévoir, dans cette hypothèse, une après-midi réservée au périscolaire".
Un projet d'expérimentation des rythmes scolaires sur 4 jours, avec 6 heures d'enseignement par jour, ne serait pas conforme, prévient la circulaire, car il ne respecterait pas les 5 matinées d'enseignement.
A signaler également que "lorsque les enseignements sont organisés sur plus de 5h30 par jour, le projet d'expérimentation doit justifier de la qualité de la prise en charge des enfants sur l'ensemble de la semaine en s'inspirant, le cas échéant, d'un projet éducatif territorial (PEDT)", précise la circulaire. Et "la durée de la pause méridienne ne peut être inférieure à une heure trente". Quant au volume annuel des activités pédagogiques complémentaires (APC), il n'est pas modifié par cette expérimentation.

Comment réduire le nombre d'heures d'école par semaine et répartir ces heures sur les vacances scolaires (adaptation n°2) ? - Une commune peut demander à expérimenter une semaine comprenant moins de 24 heures hebdomadaires, à partir du moment où la semaine comporte bien 9 demi-journées sur 5 jours, et que les vacances scolaires d’été sont réduites. En effet, "l'obligation de respecter le nombre d'heures d'enseignement annuel de 864 heures impose de récupérer les heures non accomplies en diminuant d'autant le nombre de jours de vacances scolaires prévu par le calendrier national, l'année scolaire se prolongeant alors au-delà des 36 semaines", précise la circulaire. Ce report devra s'effectuer sur les vacances d'été, "afin de ne pas déséquilibrer l'alternance entre périodes travaillées et congés durant l'année scolaire".

Quid du "caractère spécifique" des écoles maternelles ? - Les expérimentations en école maternelle "devront s'inspirer" des recommandations que le ministère de l'Education nationale a déjà émises (voir notre article du 13 novembre 2013). Les quatre points sont rappelés : respecter une "alternance équilibrée" entre les temps d'activité et les temps calmes et de repos des enfants ; aider les enfants à se repérer dans les lieux de l'école et à identifier les adultes de l'école ; organiser "avec un soin particulier" la transition entre le scolaire et le périscolaire ; adapter les activités aux "besoins" des jeunes enfants.

Une commune qui n’a pas finalisé son projet d’organisation du temps scolaire peut-elle expérimenter ? – C’est justement pour elles que le décret "Hamon" a été rédigé ! Il vise explicitement à faciliter "certaines organisations de la semaine scolaire, pourtant fidèles aux principes visant à mieux répartir le temps d'apprentissage, (et qui) ne peuvent actuellement se mettre en place".
La circulaire envisage trois cas de figure pour les 6% de communes qui n'ont toujours pas finalisé leur projet d'organisation du temps scolaire. Si les deux acteurs (école et maire) proposent une expérimentation dont l'IA-Dasen estime qu'elle respecte les prescriptions du décret "Hamon", pas de problème : leur dossier sera retenu. Si l'IA-Dasen juge que le décret "Hamon" n'est pas respecté, il imposera au maire une organisation sur le modèle du décret "Peillon" et prendra un arrêté dans ce sens. Idem dans le cas où "aucun consensus ne permet de dégager un projet d'expérimentation", lit-on d’abord dans la circulaire avant de découvrir en annexe un "assouplissement" supplémentaire qui permettrait à la mairie de "passer en force" (voir notre question ci-dessous "Et si le maire n'est pas d'accord avec les conseils d'école ?"). 

Une commune qui a finalisé son projet d’organisation du temps scolaire peut-elle expérimenter ? – Sur le principe, oui. La circulaire a prévu quatre cas de figure pour les 94% de communes qui ont déjà finalisé leur projet d'organisation du temps scolaire.
Si les deux acteurs (école et maire) s'entendent sur un nouveau projet d'organisation du temps scolaire comprenant des expérimentations et si l’IA-Dasen juge que ce nouveau projet répond bien aux prescriptions du décret "Hamon", il sera retenu. Si l'IA-Dasen estime que le nouveau projet n'est pas conforme au décret "Hamon", c'est l'organisation initiale qui sera mise en place pour la rentrée scolaire 2014.
Troisième cas de figure, si un des deux acteurs souhaite changer d'organisation du temps scolaire et pas l'autre, "on en reste à l'organisation arrêtée en conseil départemental de l'Education nationale (CDEN)", lit-on d’abord dans la circulaire tandis que son annexe ouvre la voie à un "assouplissement" supplémentaire (voir notre question ci-dessous "Et si le maire n'est pas d'accord avec les conseils d'école ?") . 
Naturellement, si ni le maire ni le conseil d’école ne souhaite modifier l'organisation déjà arrêtée - ce qui sera probablement le cas général - l'organisation retenue en CDEN est maintenue pour la rentrée scolaire 2014.
"Dans tous les cas, les CDEN déjà prévus se tiennent afin de finaliser les projets d'organisation du temps scolaire déjà élaborés", demande expressément la circulaire.

Comment rédiger sa demande d'expérimentation ? - Le projet d'expérimentation d'organisation du temps scolaire doit être proposé conjointement par le ou les conseils d'école concernés d'une part, et la commune (ou l’EPCI) d'autre part. Il est transmis pour instruction à l'IA-Dasen concerné, lequel s'assurera que les trois conditions suivantes sont remplies : "le bien-fondé éducatif de l'expérimentation, sa cohérence avec les objectifs poursuivis par le service public de l'éducation" ; "la compatibilité du projet d'organisation de la semaine scolaire avec l'intérêt du service et la cohérence, le cas échéant, de celui-ci avec le projet éducatif territorial" sachant que "la demande d'expérimentation doit prendre en compte les temps éducatifs des enfants concernés" ; "la prise en charge des enfants des écoles concernées par l'expérimentation : elle doit être assurée de manière à garantir la continuité du temps scolaire sur la semaine et l'année et repose également sur la mise en place, par la municipalité, d'activités périscolaires adaptées à l'organisation de la semaine scolaire proposée".

Et si le maire n'est pas d'accord avec les conseils d'école ? - Le principe est clair : le consensus est la première étape - décisive - pour voir son dossier d'expérimentation retenue. "La convergence de vues de la communauté éducative et de la commune ou de l'EPCI compétent, concrétisée par la présentation conjointe, (…) est une garantie que ce projet s'inscrit dans une démarche éducative globale", insiste la circulaire. Mais elle dit aussi que "dans le cas où les conseils d'école n'ont pas tous opté en faveur de l'expérimentation, le recteur peut décider que l'expérimentation s'applique dans toutes les écoles de la commune (ou de l'EPCI) quand une majorité des conseils d'école s'est exprimée en sa faveur".
L'annexe de la circulaire évoque un autre cas de figure encore, dans l'exemple très précis de conseils d'école en désaccord avec le projet d'expérimentation porté par la mairie et concernant l'adaptation de la semaine scolaire (par exemple regrouper les activités périscolaires en une après-midi). Il y est dit que la municipalité peut tout de même soumettre son projet aux autorités académiques, et que celles-ci peuvent autoriser l’expérimentation. Dès lors, la mairie devra organiser des horaires à deux vitesses : un horaire conforme au décret "Peillon" pour les écoles en désaccord avec l'expérimentation de la mairie ; un autre horaire, conçu pour l'expérimentation, pour les écoles qui y étaient favorables. Par la suite, le recteur pourra décider, "après analyse de la situation", d'étendre l'expérimentation à l'ensemble des écoles de la commune concernée.

Combien de temps dureront les expérimentations ? - Les expérimentations peuvent être conduites durant trois ans, soit jusqu'au 31 août 2017. Cette durée de trois ans est une durée maximale, l'expérimentation peut porter sur une ou deux années scolaires uniquement. "Une commune pourra présenter un projet pour l'année scolaire 2015-2016, si elle le souhaite", prévoit ainsi la circulaire (dans ce cas, pour l'année 2014-2015, elle devra appliquer les horaires prévus dans le cadre du décret "Peillon" du 24 janvier 2013).

Quelle évaluation ? - Six mois avant l'achèvement des trois ans d'expérimentation, soit le 28 février 2017, le recteur transmettra au ministre de l'Education nationale l'évaluation de chacune des expérimentations conduites dans son académie. Pour cela, il doit mettre en place, dans les départements concernés, un comité de pilotage départemental présidé par l'IA-Dasen. "L''élaboration d'un PEDT au cours de l'expérimentation sera l'un des critères de prise en compte dans l'examen de la demande de renouvellement de celle-ci. En effet, il paraît être le gage d'une démarche partenariale approfondie", avertit Benoît Hamon dans sa circulaire.