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Refondation de l'école - Rythmes scolaires : le fonds prolongé d'un an... pour les communes "les plus en difficulté"

Ils seront déçus, les maires qui espéraient une pérennisation du fonds d'amorçage dans lequel pourraient piocher toutes les communes organisant des activités périscolaires dans le cadre de la réforme des rythmes. Certes, le fonds est prolongé. Mais uniquement pour un an : pour 2015-2016. Et uniquement pour les communes qui rencontrent "le plus de difficultés" à mettre en œuvre la réforme. De nouvelles questions (et sans doute de nouvelles déceptions) en perspective.

Le projet de décret assouplissant le décret Peillon sur la réforme des rythmes scolaires a bien fait l'objet, en Conseil des ministres du 7 mai 2014, d'une communication portant plus largement "sur la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires à l'école primaire à la rentrée 2014". Mais c'est surtout l'annonce de la poursuite du fonds d'amorçage pour l'année scolaire 2015-2016 qui a constitué une surprise.
Surprise dévoilée le matin même, sur les ondes de France Inter, par le ministre de l'Education nationale. "Pour l'année 2015-2016, pour une année supplémentaire, le fond d'amorçage calibré sur les communes qui connaissent les plus grandes difficultés (...) sera prolongé", avait averti Benoît Hamon.
"Afin de garantir la pleine réussite de la réforme, ce fonds d'amorçage sera poursuivi pour l'année scolaire 2015-2016. Son montant permettra de répondre plus particulièrement aux besoins des communes les plus en difficulté", a confirmé la communication en Conseil des ministres, sans préciser de montant, ni le calcul de ces montants, ni les critères pour sélectionner ces fameuses "communes les plus en difficulté". "On a un peu de temps pour affiner tout cela", dit-on, en substance, au ministère de l'Education nationale.

Quelle participation de la Cnaf au fonds d'amorçage ?

Question financement, la communication s'est en effet contentée de rappeler que, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion (COG) conclue avec l'Etat pour 2013-2017, "la Caisse nationale d'allocations familiales accompagnera les communes mettant en place des activités périscolaires dans le cadre d'accueils de loisir déclarés par une aide spécifique pour les trois heures induites par la modification des rythmes scolaires". "Cette aide, pérenne et cumulable avec l'aide versée au titre du fonds d'amorçage, équivaut actuellement à 54 euros par enfant et par an", est-il également rappelé.
A l'issue du Conseil des ministres, Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, a laissé entendre que la Cnaf participerait au fonds d'amorçage pour 2015. Souvenons-nous, lorsque la COG 2013-2014 avait été signée, à l'été 2013 (voir notre article du 17 juillet 2013 ci-contre), il n'était plus question de fonds d'amorçage pour les années 2015 et au-delà. Or il apparaissait clairement, déjà, que la Cnaf prendrait totalement le relais puisqu'elle envisageait de consacrer 250 millions d'euros en année pleine (soit le montant du fonds d'amorçage pour 2014) à l'aide forfaitaire destinée à accompagner la réforme des rythmes scolaires.
Et si les estimations du ministère de l'Education nationale se révélaient sous-évaluées (les calculs avaient été faits sur la base de 80% des élèves participant aux activités périscolaires), la COG donnait la possibilité de prendre sur d'autres lignes budgétaires afin de "disposer de marges d'ajustement" (en l'occurrence les lignes budgétaires du Contrat enfance jeunesse qui concerne les jeunes de 0 à 17 ans).

403,9 millions d'euros pour le fonds d'amorçage 2014-2015

Le Conseil des ministres a également évoqué l'année scolaire 2014-2015, rappelant ce qui était déjà prévu : "Les aides consistent en une part forfaitaire égale à 50 euros par élève accordée à toutes les communes, ainsi qu'une part forfaitaire majorée égale à 40 euros par élève pour les communes éligibles à la dotation de solidarité rurale ou à la dotation de solidarité urbaine dites cibles (DSR-cible et DSU-cible), et pour les communes d'outre-mer." Soit un montant total de 403,9 millions d'euros, a indiqué à Localtis le ministère de l'Education nationale. Près de la moitié, soit 198,9 millions d'euros, seraient à destination des 10.000 communes en DSR-cible, des 280 communes en DSU-cible et des 132 communes en Outre-Mer.

Un décret Hamon qui assouplit le décret Peillon

Il a également été annoncé en Conseil des ministres du 7 mai la publication, le lendemain, du décret qui s'intitulera vraisemblablement "décret portant autorisation d'expérimentations relatives à l'organisation des rythmes scolaires dans les écoles maternelles et élémentaires" qui vise à assouplir le cadre juridique défini par le décret Peillon du 24 janvier 2013. Un cadre juridique jugé trop rigide, puisqu'il a "fait que certains modes d'organisation, pourtant fidèles aux principes visant à mieux répartir le temps d'apprentissage et concourant aux objectifs de la réforme, ne peuvent actuellement être mis en place".
Le recteur d'académie pourra désormais autoriser, pour une durée de trois ans, "des adaptations à l'organisation de la semaine scolaire permettant par exemple, tout en préservant l'organisation en cinq matinées, de regrouper les activités périscolaires sur une demi-journée". Il sera aussi possible de prévoir l'allégement de la semaine scolaire en reportant sur les vacances scolaires les heures non effectuées et en allongeant de cette manière l'année scolaire. "Ces adaptations ne pourront avoir pour effet d'organiser les enseignements sur moins de huit demi-journées par semaine, comprenant au moins cinq matinées, ni de diminuer le nombre d'heures d'enseignement par an", est-il précisé.
"Ces possibilités d'expérimenter doivent être prévues dans le cadre d'un projet construit conjointement par la commune et les conseils d'école" et "le recteur s'assurera que ce projet est compatible avec l'intérêt du service et est cohérent avec les objectifs poursuivis par le service public de l'éducation". Enfin, "ces expérimentations devront bien entendu porter une attention particulière aux élèves de maternelle".

Reconduction n'est pas pérennisation

"Nous n'avons pas obtenu la pérennisation, mais la reconduction pour une année supplémentaire sans indication du montant", a résumé à l'AFP Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France, précisant qu'il était par ailleurs satisfait des "assouplissements" proposés par le prochain décret. Réuni le matin même, le comité directeur de l'AMF a fait savoir que "les incertitudes pesant sur cette annonce [du décret Hamon] contribuent à l'inquiétude des maires". Il redemande naturellement la pérennisation du fonds d'amorçage, mais aussi la réévaluation de son montant en prenant en compte le coût réel de mise en œuvre de la réforme pour l'ensemble des communes (que l'AMF évalue pour sa part à 900 millions d'euros). L'AMF redemande également la garantie que soient harmonisées les normes d'encadrement des accueils périscolaires sur l'ensemble du temps périscolaire.
Du côté de l'Association des petites villes de France, on est également satisfait de la reconduction du fonds pour la rentrée 2015-2016 et on redemande aussi sa pérennisation, ainsi qu'une vraie réforme des taux d'encadrement. "Si l'APVF souhaite un assouplissement homogène de ces taux, elle demande à ce que le montant du fonds soit augmenté si l'assouplissement n'est pas possible", précise l'association.
N'est-ce pas trop en demander ? peut-on s'interroger quand on écoute Stéphane Le Foll déclarer, à l'issue du Conseil des ministres : "La responsabilité, dans les rythmes scolaires, qui est celle de l'Etat, c'est l'enseignement. Pas le périscolaire […]. Le périscolaire est de la responsabilité des collectivités." Si le gouvernement s'attendait à des remerciements de la part des maires pour sa bonne volonté, celle d'aller au-delà de sa "responsabilité" en s'efforçant d'arranger leurs affaires par une aide financière et des assouplissements, il risque d'être déçu. Lui aussi.