Education - Rythmes scolaires : beaucoup de questions en suspens après l'annonce des assouplissements
A l'heure du bouclage de Localtis ce 30 avril, beaucoup de questions demeurent en suspens sur la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires, alors que les maires doivent remettre avant le 6 juin, à l'inspection académique, leur projet éducatif. Les déclarations de Benoît Hamon sur les "assouplissements" (dont le décret est attendu pour le 10 mai) en ont posé de nouvelles, sans avoir répondu à toutes les anciennes, notamment celle sur le financement des activités périscolaires.
Pérennisation du fonds : faut voir avec Valls
Certes, l'assouplissement consistant à rassembler sur une seule demi-journée les activités périscolaires faciliterait leur organisation et permettrait de réduire les dépenses, grâce à "une mutualisation des équipements et des animateurs", reconnaît Jacques Pélissard. Le président de l'Association des maires de France semble disposé à revoir ses estimations. Jusqu'à présent, l'AMF calculait que la mise en place des activités périscolaires dans le cadre de la réforme coûterait en moyenne 150 euros par enfant aux communes, soit près d'un milliard d'euros par an. "Si les coûts baissent, nous demanderons un réajustement plus raisonnable du montant de l'aide, mais les efforts demandés aux communes doivent aussi être ajustés en fonction de l'amputation des dotations aux collectivités", persiste Jacques Pélissard, réclamant toujours une pérennisation et une montée en charge du fond d'amorçage. Avec d'autant plus de vigueur depuis l'annonce de Manuel Valls, le 16 avril, d'une réduction de 11 milliards d'euros des dotations aux collectivités. Il comptait bien le répéter, ce 30 avril en fin de journée, lors d'un entretien officiel avec Manuel Valls.
Car ce n'est pas le ministre de l'Education nationale qui peut s'engager sur cette question (voir notre article "Pour l'Education nationale, le périscolaire ce n'est pas son affaire (financière)"). Mercredi matin, lors d'une rencontre officielle au ministère de l'Education nationale, Benoît Hamon n'a pu qu'assurer à Jacques Pelissard qu'il était "conscient des difficultés". C'est donc seulement avec Manuel Valls que, peut-être, l'AMF pourrait être totalement rassurée…
La question du financement est d'ailleurs, et sans surprise, "au cœur des préoccupations" des 700 premières réponses que l'AMF a reçu suite à la consultation lancée auprès de ses 23.000 adhérents ayant une école. Les problèmes de recrutement et de locaux sont eux aussi fréquemment cités.
La question des normes d'encadrement est également toujours en stand-by. L'AMF a insisté auprès de Benoît Hamon sur "la nécessité que les taux d'encadrement soient homogènes entre les temps périscolaires dits Peillon ou ceux qui suivent", qui relèvent de réglementations de la Cnaf. Là encore, Benoît Hamon n'a pas la main. Peut-être y verra-t-on plus clair après sa rencontre, ce soir, avec Daniel Lenoir, directeur de la Cnaf, où il abordera sans doute aussi la question du fonds d'amorçage pour lequel la Cnaf est un gros contributeur (voir nos articles ci-contre).
Assouplissements pour tous, en principe
Jacques Pélissard a eu confirmation que l'ensemble des communes pourront, sur le principe, rassembler sur une seule demi-journée les activités périscolaires : celles qui ont démarré en 2013, celles qui ont déjà délibéré pour l'année prochaine, celles qui ne l'ont pas encore fait. Mais à l'AMF, concrètement, on voit mal comment les communes qui ont déjà envoyé leur dossier à l'inspection académique (pour rappel, elles seraient 94% selon le ministère) demanderaient à le récupérer pour le corriger ; réorganiseraient la concertation avec les familles, les enseignants et les personnels d'animation ; redélibéreraient… et tout cela entre la publication du décret (au mieux le 10 mai) et la date de rendu au recteur, le 6 juin !
Cela tombe bien, Benoît Hamon n'ayant jamais caché que les assouplissements s'adressaient avant tout aux communes rurales qui peinent à recruter des animateurs selon les règles actuelles, sur des plages horaires trop réduites.
Devant la commission des rythmes scolaires du Sénat, où il était auditionné ce même mercredi 30 avril, il a donné l'exemple d'un projet éducatif qui aurait pu être retoqué au motif qu'il proposait des activités périscolaires sur une après-midi : il lui est désormais possible de redéposer son dossier. Dossier qui a préalablement été soumis à la concertation, validé au sein de la communauté éducative et délibéré en conseil municipal. Bref, cet "assouplissement" ne s'adresse pas aux "retardataires".
Des week-ends de 2,5 jours ?
Il ne s'adresse pas non plus, a priori, aux communes qui pourraient faire autrement. L'idée est bien d'aider l'organisation des activités périscolaires, et pas de perturber davantage le rythme d'apprentissage de l'enfant. Les chronobiologistes l'ont assez répété, et Benoît Hamon l'a redit aux sénateurs : la réforme des rythmes scolaires vise à "lutter contre la désynchronisation" des temps d'apprentissage. C'est pourquoi la demi-journée d'activités périscolaires ne pourra pas être une matinée, temps de la journée réputée plus propice aux apprentissages.
C'est pourquoi il serait mieux, en toute logique, qu'elle n'intervienne pas non plus un vendredi après-midi, provoquant des week-ends de 2 jours et demi ! On voit mal comment les enseignants et les familles pourraient dire non… et comment un maire ne pourrait pas les satisfaire. Pour l'heure, le projet de décret ne prévoit pas d'évoquer cette question.
Renoncer ?
Sur le principe, si un maire est obligé d'appliquer de nouveaux rythmes scolaires (9 demi-journées par semaine), il n'est pas obligé d'organiser 3 heures d'activités périscolaires. Benoit Hamon l'a d'ailleurs rappelé aux sénateurs : "les activités périscolaires sont facultatives pour les élèves et pour les maires".
En disant cela, le ministre ne prend pas vraiment le risque de voir beaucoup de communes renoncer à organiser ces activités. Car un maire qui se bornerait à appliquer les nouveaux horaires scolaires sans les compléter par des temps d'activités périscolaires s'exposerait à une "pression sociale" de la part des parents. Pour l'AMF, mis à part des maires qui sont prêts à l'assumer pour des raisons politiques (en s'assurant donc du soutien de la population), tous chercheront des solutions.
"On peut imaginer que les activités périscolaires montent en puissance au fur et à mesure de l'année", a soufflé le ministre aux sénateurs. Ouvrant ainsi la porte à un nouvel "assouplissement".