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Télévision - Rugby : les communes privées d'écrans géants ?

L'AMF saisit TF1 qui s'oppose aux diffusions publiques de la Coupe du monde de rugby sur les écrans géants mis en place par les communes. Plus qu'une question de droits audiovisuels, il s'agit de mesure d'audience et de tarifs publicitaires.

Le succès de la France contre la Nouvelle-Zélande suscite une polémique sur un terrain inattendu. Devant le mouvement de ferveur populaire qui entoure la demi-finale de la Coupe du monde de rugby, samedi contre l'Angleterre, de nombreuses communes souhaitaient mettre en place des écrans géants pour assurer une retransmission festive de ce choc au sommet. Mais, pour l'instant, le choc semble surtout opposer l'Association des maires de France (AMF) et TF1. Cette dernière - titulaire des droits de retransmission qu'elle a acquis pour 80 millions d'euros - s'oppose en effet à ces diffusions publiques sur écran géant. Tout juste a-t-elle concédé - sous la pression, semble-t-il, de l'International Rugby Board (IRB) - une autorisation à 43 villes soigneusement sélectionnées, en l'occurrence celles directement liées à l'organisation de la Coupe du monde : les villes abritant les matches, les villes de résidence des équipes ou celles des terrains d'entraînement. D'autres communes, dont la culture est pourtant très liée au rugby, se trouvent ainsi privées de la possibilité de retransmettre la demi-finale sur écran géant. C'est notamment le cas de Perpignan - bastion historique du rugby en Languedoc-Roussillon - ou de Clermont-Ferrand, finaliste l'an dernier du Top 14. Ces refus ne pénalisent pas seulement la population des villes concernées. Ils pèsent aussi sur les budgets, car plusieurs communes ont déjà engagé des frais techniques (location de matériels de retransmission et de sonorisation) et risquent donc de devoir les assumer en pure perte ou de payer des pénalités de dédit.

 

L'enjeu : la mesure d'audience

Devant cette situation, Jacques Pélissard, le président de l'AMF, a adressé le 11 octobre un courrier à Nonce Paolini, le directeur général du Groupe TF1, et à Bernard Lapasset, le président de la Fédération française de rugby. L'AMF conteste les critères de sélection des 43 villes autorisées et se dit d'autant plus surprise par les refus opposés aux autres candidats que plusieurs de ces communes étaient prêtes à racheter à TF1/Eurosport la fraction correspondante des droits. Certaines d'entres elles disent même avoir écrit à TF1 sur ce point et n'avoir jamais obtenu de réponse. L'AMF demande donc à TF1 "une renégociation de cette liste dans les plus brefs délais ou de fixer une procédure d'acquisition des droits de retransmission plus souple permettant aux communes de satisfaire les besoins de la population locale".
Il n'est pas sûr que l'ouverture sur les droits suffise à convaincre TF1. Car le problème est en réalité moins une question de droits audiovisuels que de mesure d'audience. Aujourd'hui, Médiamétrie ne comptabilise pas l'audience présente devant les retransmissions en plein air sur écran géant. TFI - mais aussi les autres acteurs de l'audiovisuel - craignent qu'en laissant se multiplier ces séances publiques, ils diminuent la seule audience mesurée et servant de base au calcul de leurs tarifs publicitaires : les téléspectateurs assis devant leur écran à leur domicile. L'enjeu n'a rien d'anecdotique. Avec la qualification de la France en demi-finale, l'écran de 30 secondes est passé de 72.000 (prix prévu pour une demi-finale sans les Bleus) à 120.000 euros. Et, devant l'engouement prévisible, TFI vient d'annoncer qu'elle portait finalement son tarif à 150.000 euros...

Jean-Noël Escudié / PCA