Rivière-Pilote met en pratique son territoire « zéro chômeur » (972)

Commune rurale située au sud de la Martinique, enclavée entre deux rivières et isolée du littoral par la route nationale, Rivière-Pilote présente quelques obstacles à l’emploi. Voilà pourquoi la ville s’est mobilisée pour intégrer le dispositif national Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD). Avec Le Port à La Réunion, elle est ainsi devenue, en novembre 2022, la première collectivité habilitée TZCLD par le ministère du Travail en Outre-Mer. De quoi permettre l’aboutissement d’une démarche lancée en 2020, grâce à un accompagnement renforcé du Fonds d’expérimentation pour l’emploi et le chômage de longue durée.

Déclinaison locale d’un dispositif national

Le Comité local pour l’emploi (CLE), porté par la ville et soutenu par le Lab Odyssea Martinique et l’association nationale TZCLD, a réalisé les trois premières phases : fabrique de consensus (réflexion sur les ambitions autour d’un tel projet), recensement des personnes privées d’emploi (depuis plus d’un an et domiciliées sur Rivière-Pilote depuis au moins six mois), recensement des travaux utiles non satisfaits sur le territoire. Reste maintenant à ouvrir la première Entreprise à but d’emploi (EBE) de Martinique, a priori en juin 2023. L’EBE sera portée par l’Association pour l’insertion en espace rural (APIER).

« Quand l’économie ne génère pas d’emploi, il faut créer des dispositifs de correction », insiste Jean-François Beaunol, maire de Rivière-Pilote et président du CLE (également président de la Mission locale). Ainsi, lorsqu’en 2019 une deuxième loi s’est présentée sur l’expérimentation TZCLD, j’ai interpellé les parlementaires afin qu’elle puisse s’appliquer en Outre-Mer. » En 2020, la commune saisit la balle au bond et vote une délibération visant à présenter une candidature au dispositif TZCLD. « La SCIC Odyssea nous a accompagnés pour finaliser le projet, poursuit l’élu. La démarche aurait été beaucoup plus longue si nous avions dû mobiliser des ressources en interne. »

Du maraîchage à la couture

Grâce à la participation des élus, des habitants, des associations, des entreprises et des personnes privées d’emploi, le CLE a pu identifier les besoins non satisfaits. 36 activités utiles ont ainsi été recensées, puis réparties en 4 grands pôles d’activités : Conciergerie de territoire, Manufacture de proximité, Tourisme Bleu et Vert Durable ; Transition écologique. Leur mise en œuvre sera échelonnée, en fonction de la faisabilité, des besoins du territoire, des compétences des personnes concernées, des locaux disponibles et des investissements nécessaires.

Trois de ces activités utiles devraient voir le jour d’ici à septembre 2023. D’abord le maraîchage, grâce à la mise à disposition d’un terrain de 6 hectares appartenant à la ville. Après examen des sols et défrichement, la terre est maintenant cultivable. « On ne peut pas avoir autant de chômage et être aussi dépendants de l’importation, soupire le maire. D’autant que nous avons des terres arables ! »

Même logique pour l’atelier couture : il servira à produire les tabliers ou chasubles qui sont demandés aux élèves d’écoles primaires et maternelles dans leur liste de rentrée. Autre activité prévue pour la prochaine rentrée scolaire : un service d’accompagnement éducatif. De quoi remédier au décrochage scolaire, en intervenant dans les quartiers et dans les écoles.

Parcours préparatoire

À cela s’ajoutent d’autres activités comme : un service de jardinage destiné à l’embellissement de la ville (de quoi favoriser le développement du tourisme à terme) ; un service de petits travaux de rénovation de l’habitat, pour lutter contre l’humidité et l’usure quotidienne des logements (carrelage, tuyauterie, etc.) ; et un service d’auxiliaires d’animation de service funéraire. « Chez nous, la tradition veut que la mort soit l’occasion de grands regroupements, explique le maire. Il faut accueillir les visiteurs et assurer le port des gerbes, durant la veillée et le jour de l’enterrement. »

Le CLE, l’équipe projet et l’équipe de direction de la future EBE travaillent à la préfiguration des 36 activités utiles recensées et le travail d’identification des offres et services manquants sur le territoire est poursuivi. Aussi, tous et toutes veillent à la supplémentarité des emplois créés et au développement des coopérations entre les différents acteurs de l’économie locale.

Enfin, pour chaque activité, la même formule est proposée aux futurs salariés de l’EBE : un parcours préparatoire à l’emploi (400 heures d’accompagnement social et de formation financées par Pôle emploi), puis la signature d’un contrat à durée indéterminée. Restera ensuite à l’EBE à pérenniser son modèle économique : dans un premier temps en générant un chiffre d’affaires suffisant pour compléter les financements assurés par l’État et le Département (qui s’élèvent à 80 % du coût global) ; puis en devenant rentable, d’ici à la fin de l’expérimentation, prévue dans cinq ans.