Le Teil : des activités non concurrentielles, créatrices d'emploi local, utiles au territoire (07)
Au cœur de l'Ardèche, la commune du Teil a perdu une partie de son activité industrielle. Avec un jeu de balancier défavorable pour l'emploi. Le taux de chômage a atteint 20 %. C'est peu dire que les élus voulaient « tout essayer » pour recréer de l'emploi local. L'expérimentation Territoire zéro chômeur longue durée leur en donne l'occasion. Une cinquantaine de chômeurs longue durée ont déjà été recrutés en moins d'un an.
En 2017, le comité local de l'emploi du Teil commence à travailler à la définition des activités non concurrentielles et d'intérêt collectif qui pourraient être mises en place par une entreprise à but d'emploi (EBE). Co piloté par le maire et la conseillère spéciale auprès du président en charge de l’économie du conseil départemental, le comité local vise à inscrire Le Teil dans l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD). Fin décembre 2021, le territoire obtient enfin le label TZCLD. Les premières activités peuvent être lancées, et l'EBE « Activiteil » est créée, début avril 2022. (1)
Au sein du Comité, le groupe de travail Activités est à la manœuvre pour examiner les pistes, leur faisabilité, vérifier que les activités envisagées ne font pas concurrence à des activités déjà en place. « Toutes les activités font l'objet d'études de la supplémentarité sur le territoire » reprend la cheffe de projet Claire Plattard. Autrement dit, il doit s'agir d'activités nouvelles et non concurrentielles, complétant l'offre de service ou la production de biens existants sur le territoire (2). À chaque fois, les entreprises existantes qui pourraient craindre une concurrence ont été rencontrées. « Nous avons vérifié avec elles que ce que nous envisagions de développer ne leur porterait pas concurrence ». Par exemple, pour la couture, que la couturière ne réalisait pas les mêmes retouches et proposait d’autres travaux.
« C'est sans doute ce qu'il y a de plus compliqué, car notre but est de créer des emplois qui n'en suppriment pas d'autres », pose Cécile Bayle, adjointe aux solidarités. L'expérimentation offre les moyens d'explorer des projets comme le transport à vélo des enfants à l'école, avec les conducteurs de triporteurs. « C'est le genre de projet que nous rêvions de créer, car il rend service à la population, tout en faisant du bien à la planète. Mais il était impossible de lancer ce type de projet sans le soutien financier de l'expérimentation », explique l'adjointe.
Une question sans cesse reposée
Si une activité venait à s'installer sur le territoire et concurrencer l'EBE, « le comité local devrait alors se poser la question du maintien ou de l'évolution de notre propre activité », reconnaît la cheffe de projet. La question ne s'est jusqu'ici pas posée, mais l'éventualité reste possible. De même, l'EBE, dont l'objectif est, comme toute entreprise, de développer son chiffre d'affaires, doit veiller à ce que cela n'empiète pas sur d'autres marchés. « Nous serons vigilants à ce que l'activité de maraîchage par exemple ne vienne pas à terme concurrencer un chantier d'insertion existant à une dizaine de kilomètres d'ici », précise la cheffe de projet. Pour l'heure, l'activité de maraîchage n'est que dans la phase production, son objectif est de fournir la cuisine lancée par l'EBE. Elle ne concurrence donc pas le chantier, mais si sa production devait devenir excédentaire, la question se poserait de la vente des surplus.
La recherche de nouvelles activités continue d'être défrichée également par le « café des possibles ». Ce café a été lancé en septembre. Il réunit toutes les semaines les chômeurs longue durée qui sont volontaires pour rentrer dans l'expérimentation. Le but est de « maintenir leur mobilisation » et de les faire participer directement à la réflexion pour identifier de nouveaux champs d'action, sur lesquels ils pourront être recrutés.
Une entreprise à pluriactivités
« Activiteil » se développe sur quatre pôles d'activité : environnement (permaculture, maraîchage, propreté urbaine), recyclage/couture (revalorisation de bâches publicitaires, bricolage/recyclage de palettes, réparation de vélos, cordonnerie), services à la population (mobilité douce à l'école, traiteur cuisine du monde) et services supports aux entreprises (petits travaux de comptabilité et administratifs, conciergerie, livraison de courses).
Les 27 premiers salariés ont été recrutés en avril 2022. Tous d'anciens chômeurs de longue durée, comme l'exige le cahier des charges de l'expérimentation. Quatre autres personnes ont été recrutées l'été suivant, pour accompagner la montée en charge des activités. Ont suivi une quinzaine de nouveaux CDI en octobre. Au total, fin 2022, « Activiteil » compte 47 contrats conventionnés (3), pour 41 équivalents temps plein (ETP) ; certains salariés ayant choisi un temps partiel (un autre critère de l'expérimentation qui permet aux salariés de choisir leur temps de travail).
Accompagner le développement
En mars 2023, une dizaine de nouveaux recrutements pourraient être ouverts. Certaines activités évoluent en effet par étapes. C'est le cas de la cuisine. Elle n'a démarré qu'en travaillant sur commande pour des entreprises et institutions. L'ouverture d'une boutique, avec une cuisine intégrée et professionnelle, va lui permettre de passer un nouveau cap, en s'ouvrant aux particuliers.
La création d'une deuxième entreprise à but d'emploi est, elle, déjà dans les cartons. « Car l'EBE aura atteint sa taille critique d'une centaine de salariés d'ici deux à trois ans », explique la cheffe de projet. L'idée cette fois sera de s'appuyer sur une structure déjà existante, une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), et de développer des activités en appui et soutien à la vie associative culturelle et sportive. L'effectif sera plus réduit qu’« Activiteil », autour d'une vingtaine de salariés.
(1) Le territoire avait postulé à la première vague d'expérimentation mais n'avait pas été retenu parmi la dizaine de territoires sélectionnés en 2016.
(2) Selon la définition donnée par Territoire zéro chômeur longue durée. www.tzcld.fr/faq/questions/emploi-supplementaire/
(3) Les emplois créés sont cofinancés par « la contribution au développement de l'emploi », gérée par le fonds national de l'expérimentation. Cette contribution est financée par l’État et le conseil départemental (contributions obligatoires).
Un peu plus de 70 000 euros par an pour la commune
La commune a créé deux emplois à temps plein (environ 90 000 euros par an), de cheffe de projet et de chargée de mission pour piloter cette expérimentation. Leur rôle est d'animer le comité local pour l'emploi, de mobiliser les personnes volontaires, de travailler au développement de nouvelles activités génératrices d’emploi sur la commune, et d'assurer la coordination avec l'entreprise à but d'emploi. Avant que la commune obtienne la labellisation, la directrice du pôle social et culturel faisait office de cheffe de projet. À cette enveloppe salariale, s'ajoutent des frais de fonctionnement, équivalent à 50 000 euros (pour payer des études, l'achat de petit matériel) et de locaux (5 000 euros). Le budget total prévisionnel pour 2022 est de 144 000 euros. Dont la moitié pourrait être cofinancée par le Fonds social européen (FSE), sous réserve de validation.
Commune du Teil
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