Revitalisation des centres-villes : pour en finir avec la "culture de la périphérie"
Les sénateurs Rémy Pointereau et Martial Bourquin ont exprimé, lors d'une séance de travail parlementaire, le 22 février, l'intention de mettre en place une action structurelle en faveur des centres-bourgs. Les intervenants ont pu apporter quelques indications sur le plan Action Coeur de Ville, qui doit permettre de lancer des projets de revitalisation en série : 150 à 200 villes seront soutenues (contre 200 à 250 prévues initialement). Les préfets ayant pré-sélectionné des villes pertinentes, une sélection est en cours et devrait aboutir à l'annonce - courant mars - de la première promotion des villes bénéficiaires du dispositif.
Suite à la remise de leur rapport d'étape en juillet dernier, les sénateurs Rémy Pointereau et Martial Bourquin ont initié un groupe de travail réunissant 18 sénateurs, toutes commissions confondues. L'objectif est de prendre à bras le corps le sujet épineux de la revitalisation des centres-villes, pour élaborer une proposition de loiau printemps 2018.
Après avoir reçu en séance de travail les représentants des grandes enseignes, des commerces de proximité, les élus locaux, ainsi qu'un panel d'experts, les sénateurs accueillaient le 22 février les acteurs économiques et financeurs : la Caisse des Dépôts, la Fédération des entreprises publiques locales, Action locale Logement, l'Agence France locale, ainsi qu'un représentant du ministère de la Transition écologique et solidaire, et le directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP).
Pour une culture des centres-bourgs
En matière d'aménagement urbain, Martial Bourquin a fermement affiché l'intention de bouger les lignes, fustigeant l'héritage d'une "culture de la périphérie" qui aurait généré des forces centrifuges et vidé les centres-villes de leur substance. Selon lui, la ville européenne a historiquement favorisé le renforcement des liens sociaux, tandis que "ce qui se fait en périphérie renforce la solitude".
Il en appelle à s'inspirer des politiques urbaines observées en Allemagne, au Royaume-Uni ou encore en Espagne, où la volonté de maintenir l'activité de centre-ville est fermement assumée. De fait, tout projet britannique de centre commercial fait systématiquement l'objet d'un sequential test : il s'agit de prouver par une étude d'impact qu'un scénario d'implantation en centre-ville n'est pas souhaitable, auquel cas seulement une localisation en entrée de ville d'abord, puis en zone périphérique, peut être envisagée.
"Nous ne visons pas une intervention simplement correctrice"
Résolument interventionniste, Martial Bourquin n'entend pas laisser aux acteurs privés le soin de décider isolément des tendances à venir de l'aménagement commercial. Selon lui, tous les équipements structurants doivent être maintenus dans le cœur de ville, il propose même une fiscalité pénalisant les investissements en périphérie.
Plan Action Coeur de Ville : plus que 150 à 200 villes concernées
Les sénateurs du groupe de travail se sont montrés soucieux quant aux ambitions du programme Action Coeur de Ville, présenté en décembre dernier par le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard. Il avait notamment indiqué, le 16 janvier, une cible de 200 à 250 villes pouvant bénéficier lors du quinquennat du dispositif de soutien : les opérations de revitalisation de territoire (ORT), inscrites dans le projet de loi Elan.
Face aux questions des sénateurs, Laurent Girometti, directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP, et représentant le Fonds national des aides à la pierre) a mentionné une sélection de 150 à 200 villes seulement, tout en précisant le calendrier de mise en oeuvre du programme : la pré-sélection par les préfets de régions des villes pouvant relever de ce programme est actuellement "en cours de dépouillement", et la première promotion de villes bénéficiaires du programme sera annoncée au cours du mois de mars par le ministre.
Cette première sélection concerne des villes déjà prêtes, sur le plan de l'ingénierie et de la gouvernance, à signer avec l'Etat un contrat dès 2018 pour initier une ORT, tandis que les deux autres "promotions", qui devraient conventionner en 2019 ou 2020, regroupent des villes dont le projet urbain n'est qu'au stade du diagnostic. Les villes de la première promotion devront donc initier, dès le mois d'avril, la concertation des acteurs concernés par l'ORT, pour une mise en oeuvre accélérée dans les mois suivants.
Le soutien de la Caisse des Dépôts n'est pas limité au plan Action Coeur de Ville
Marc Abadie, directeur du réseau et des territoires de la Caisse des Dépôts, a tenu à rappeler que l'action de la Caisse en faveur des centres-villes ne se limitait pas à l'intervention financière, à hauteur de 1,7 milliard d'euros, dans le programme Action Cœur de Ville. Son soutien s'exerce aussi à travers les conventions Centre-ville de demain ou à l'échelle régionale, comme en Bretagne où 60 centres-bourgs et centres-villes de 400 à 45.000 habitants ont été sélectionnés par le conseil régional pour un soutien financier sur la phase d'études ou d'aménagements. Les projets soutenus - pépinière, auberge culturelle, passerelle, jardins partagés - ont en commun de favoriser les coutures urbaines et la création de lien social.
La Caisse des Dépôts soutient par ailleurs des expérimentation plus ponctuelles, visant à préfigurer les modèles de services urbains du futur, sur les modèles de la plateforme de services collectifs.
Marc Abadie revendique une action systémique, en faisant la part belle aux initiatives d'ordre artistique et culturel qui permettent de donner une cohérence symbolique à des initiatives pouvant parfois paraître disparates. "A Lunéville, l'un des territoires d'expérimentation que nous soutenons, ce sont l'ancien cinéma et le château qui polarisent la démarche générale de redynamisation", précise-t-il en exemple.