Retraites : les employeurs territoriaux alertent sur les coûts cachés de la réforme
Censé permettre le retour à l'équilibre du système des retraites, le projet de recul de l'âge de départ à la retraite, que le gouvernement s'apprête à confirmer, aura de nombreuses conséquences, notamment financières, pour les collectivités, s'inquiète la coordination des employeurs territoriaux.
Le report de 62 à 64 ans de l'âge de départ à la retraite, tel qu'envisagé aujourd'hui par le gouvernement, permettrait de garantir l'équilibre financier du système de retraites. Mais la mesure d'économie obligerait les collectivités à renforcer leurs politiques de ressources humaines visant à prévenir l'usure professionnelle et conduirait à un "transfert de charge" en direction de celles-ci. C'est le message que la coordination des employeurs territoriaux, qui réunit l'ensemble des représentants des collectivités, vient d'adresser au gouvernement, dans le cadre de la concertation sur la réforme des retraites.
Même ramené à 64 - au lieu de 65 ans -, le nouvel âge de départ à la retraite obligerait les collectivités à "maintenir plus longtemps en position d’activité des agents exposés à la pénibilité, voire des agents déjà en situation d’invalidité", souligne la coordination pilotée par le maire de Sceaux, Philippe Laurent, dans une contribution à la concertation sur la réforme des retraites (à télécharger ci-dessous). Les collectivités seraient donc confrontées à un défi de taille en matière de ressources humaines : davantage encore qu'aujourd'hui, elles devraient déployer des politiques de prévention de la dégradation de la santé au travail des agents, mettre en place des reclassements ou des reconversions.
Coûteuses absences au travail
Il leur faudrait aussi faire face à une accentuation de l'absentéisme pour raisons de santé. Un phénomène auxquelles les collectivités sont déjà confrontées depuis plusieurs années, du fait du vieillissement de leurs agents. Et qui n'est pas sans impact. Puisque les absences des agents contribuent, si rien n'est fait, à dégrader la qualité du service public. Ces absences ont par ailleurs un coût. Lequel est d'autant plus élevé que les agents sont âgés. Ainsi, selon une étude du groupe Sofaxis rendue publique en janvier 2022, la facture de l'absence d'un agent de plus de 55 ans s'établit à 62 euros par jour en moyenne, contre 48 euros pour son collègue de moins de 30 ans.
Plus globalement, le report de l'âge de départ en retraite et son corolaire, la poursuite du vieillissement des agents, entraînerait "un transfert de couverture assurantielle des systèmes de retraites vers ce qui relève de l’assurance statutaire et de la prévoyance". La facture serait d'autant plus lourde pour les collectivités, que celles-ci devront à moyen terme contribuer obligatoirement à la protection sociale complémentaire de leurs agents. Pour rappel, les employeurs territoriaux financeront au minimum 20% des cotisations prévoyance de leurs agents dès le 1er janvier 2025, et 50% de leurs cotisations santé dès 2026.
Reconnaissance des métiers pénibles
Pour la coordination, plusieurs mesures doivent donc accompagner le relèvement de l'âge de départ à la retraite. Entre autres, l'extension de la "catégorie active" à des métiers pénibles qui, aujourd'hui, ne relèvent pas de ce dispositif permettant à ses bénéficiaires de partir en retraite dès 57 ans (à condition de réunir au moins 17 années de services). Mais l'option "ne semble pas retenue à ce stade" par le gouvernement, regrette la coordination. Qui avance une alternative, moins ambitieuse : la "mise en cohérence" entre versants et au sein de chaque cadre d’emplois de la définition des métiers relevant de la catégorie active. En effet, certains "écarts", qui ne sont pas toujours justifiés, existeraient.
Les employeurs territoriaux proposent également une extension de la bonification du "cinquième", dont bénéficient aujourd'hui les militaires, les gendarmes, ou encore les agents de la police nationale. Le dispositif ouvre droit à une annuité supplémentaire par périodes de cinq années de services effectifs (dans la limite de cinq années).
La coordination voit aussi d'un bon œil l'application de la retraite progressive à la fonction publique, l'une des pistes sur lesquelles le gouvernement a dit récemment travailler. Avec le relèvement de l'âge de départ à la retraite, la mesure devrait faire partie des axes de réforme qui seront dévoilés officiellement ce 10 janvier, en fin d'après-midi, par la Première ministre.