Retraites : le Sénat vote le report de l'âge de départ à 64 ans
Après de longs et rudes débats, la Haute Assemblée a approuvé mercredi soir le recul de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans pour tous, qui cristallise la colère de nombreux Français. Auparavant, elle avait gravé dans le marbre le principe de la compensation par l'État de la hausse d'un point des cotisations dues par les employeurs territoriaux et hospitaliers à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Au terme de plusieurs heures d'un très vif débat et au lendemain de grèves et de manifestations d'une ampleur exceptionnelle, le Sénat a voté peu après minuit dans la nuit de mercredi à jeudi le décisif article 7 reculant l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans et accélérant l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans. Salué par quelques applaudissements à droite, le vote de ces mesures très contestées a été acquis par 201 voix contre 115, sur 345 votants.
À l'initiative du Sénat, la disposition a subi plusieurs modifications, essentiellement de nature formelle. L'essentiel de la réforme voulue par l'exécutif demeure. À compter du 1er septembre prochain, l’âge légal de départ à la retraite - qui est aujourd’hui fixé à 62 ans - sera relevé progressivement de 3 mois par an, pour atteindre 64 ans en 2030. Parallèlement, l’exigence de 43 ans de cotisation prévue par la réforme Touraine de 2014, pour partir avec une retraite à taux plein, sera appliquée plus rapidement (dès 2027). En revanche, l’âge auquel les personnes peuvent partir à la retraite sans décote, quelle que soit leur durée de cotisation, sera maintenu à 67 ans.
Dans la fonction publique, le report de l'âge d'ouverture des droits à la retraite s'appliquera également aux agents des catégories actives, dispositifs qui offrent la possibilité d’un départ anticipé aux titulaires des emplois "présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles" (égoutiers, policiers municipaux, aides-soignants, sapeurs-pompiers…). Les agents concernés pourront faire valoir leurs droits à la retraite à partir de 54 ans (au lieu de 52 ans aujourd’hui), ou 59 ans (au lieu de 57 ans). En revanche, les durées minimales de service actif à valider (17 ou 27 ans, selon les cas) resteront inchangées.
Garantir la compensation de la hausse des cotisations retraite
Les sénateurs ont apporté quelques modifications sur le fond de l'article 7. Plusieurs amendements identiques (voir l'un d'eux) ont ainsi été adoptés à l'unanimité et avec le soutien du gouvernement, pour "intégrer au code général de la fonction publique la limite d’âge applicable aux sapeurs-pompiers professionnels" (62 ans après l'entrée en vigueur de la réforme).
Avant le vote de l'article 7, les sénateurs avaient pris l'initiative, mardi, d'adopter - à l'article 6 - des amendements de la rapporteure de la commission des affaires sociales, la centriste Élisabeth Doineau, et de la présidente du groupe communiste, Éliane Assassi, inscrivant dans la loi le principe selon lequel l'État "compensera intégralement" le surcoût que les employeurs territoriaux et hospitaliers supporteront "dès 2023", en raison de la hausse d'un point des cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), le régime de retraite conjoint des agents territoriaux et hospitaliers. De 600 millions d'euros à partir de l'an prochain, la dépense supplémentaire des employeurs passera à 700 millions d'euros en 2029. Le Sénat entend rendre pérenne la compensation par l'État de la hausse des cotisations retraites que la Première ministre a promise aux employeurs territoriaux dans un courrier, fin janvier. Il a en revanche rejeté plusieurs amendements soutenus par la coordination des employeurs territoriaux - dont certains avaient été déposés par des sénateurs Les Républicains - qui visaient à supprimer la hausse des cotisations retraite.
Pension améliorée pour les mères de famille
Selon le gouvernement, ce relèvement des cotisations est rendu nécessaire par le déséquilibre démographique (1,5 cotisant pour 1 retraité) qui touche la CNRACL. La réforme des retraites aura certes des incidences sur le déficit du régime de retraites, "puisqu'il le réduira de 1,2 milliard d'euros à l'horizon 2030", mais elle sera loin de l'annuler, a précisé dans l'hémicycle le ministre délégué chargé des comptes publics, Gabriel Attal.
Plus tôt, le Sénat avait voté en faveur de la création – proposée par la commission des affaires sociales – d'un CDI "de fin de carrière" réservé aux salariés âgés d’au moins 60 ans, dans le but de "favoriser l’emploi des seniors". L'entreprise qui signera le contrat sera exonérée de cotisations familiales. Il avait aussi supprimé la disposition du projet de loi qui prévoyait le dépôt par le gouvernement d'un rapport "sur la possibilité, les conditions et le calendrier de mise en œuvre d’un système universel de retraite faisant converger les différents régimes" (voir un des amendements).
Les débats sur la réforme des retraites se poursuivaient ce jeudi dans l'hémicycle du Sénat. Avec le vote de nouvelles mesures. Ainsi, avec l'aval du gouvernement, la Haute Assemblée unanime a voté en faveur d'une pension améliorée pour les mères de famille choisissant de partir à l'âge légal de la retraite, mais ayant cumulé les annuités requises dès un an avant. Proposée par la droite et les centristes, la "surcote" de pension ira jusqu'à 5% pour les femmes qui dépasseront les 43 annuités requises, sous l'effet des trimestres maternité et éducation des enfants.
Retraite progressive : à partir de quel âge ?
Le déploiement de la retraite progressive - mesure qui, en fin de carrière, permet de bénéficier d'un temps partiel sans perte de rémunération - et son extension à la fonction publique sont au programme de la discussion de ces prochaines heures. Les sénateurs veulent ouvrir le dispositif dès l'âge de 60 ans, contre un minimum de 62 ans prévu par le projet de loi. Invité de Public Sénat, ce jeudi, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini, s'est dit "favorable sur le principe" d'avancer de deux ans l'éligibilité à la retraite progressive. Mais, "à une condition, a-t-il ajouté : c'est qu'il faut qu'on puisse savoir financer l'ensemble". Selon le ministre, la mesure voulue par le Sénat, c'est entre 100 et 150 millions d'euros supplémentaires, ce n'est pas rien". Il a dit vouloir que la retraite progressive ne reste pas "un droit de papier", mais devienne "une réalité". Ces derniers jours, des syndicats comme la FSU avaient exprimé leur crainte que de nombreuses demandes au titre du dispositif soient rejetées en raison des "nécessités de service".
Les débats au Sénat sur le projet de loi de réforme des retraites ne pourront durer au-delà du 12 mars, date-butoir liée à la nature du texte (un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale).