Réforme des retraites : la discussion débute dans l'hémicycle du Sénat
C'est ce jeudi que la Haute Assemblée entame l'examen en séance publique du projet de loi sur les retraites. Dès mardi, la commission des Affaires sociales a voté une série d'amendements, dont certains concernent directement les collectivités et leurs agents. Les sénateurs entendent notamment fixer à 60 ans l’âge d’éligibilité à la retraite progressive, alors que le gouvernement veut le reculer à 62 ans.
Fidèle à la ligne qu'elle tient "depuis quatre ans", la majorité sénatoriale défendra, lors de l'examen du projet de réforme des retraites, le recul de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, a confirmé mardi 28 février à la presse la présidente (Les Républicains) de la commission des Affaires sociales du Sénat, Catherine Deroche. "Nous voulons assurer la pérennité du système" de retraite par répartition, qui si rien n'est fait, accusera un déficit de 13,5 milliards d'euros en 2030, a renchéri la rapporteure générale (Union centriste), Elisabeth Doineau.
La commission venait d'examiner au cours d'une réunion de deux heures une première salve d'amendements à la réforme des retraites. Près de 80 amendements signés par Elisabeth Doineau et le rapporteur de la branche Vieillesse, René-Paul Savary (Les Républicains). Beaucoup d'entre eux sont seulement rédactionnels, mais certains ont aussi été présentés comme des "marqueurs".
Surcote parentale
L’un d'eux concerne les parents et reprend une idée proposée par Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat. Il s'agit de corriger certains effets du projet de loi et, selon l’exposé des motifs, de ''témoigner aux mères de famille la reconnaissance que leur porte la Nation'', dans un contexte de baisse de la natalité. L’objet de la mesure est de compenser en partie les effets du report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans pour les parents qui auraient pu partir avant cette date, grâce aux trimestres acquis au titre de la maternité, ou de l’éducation des enfants. Pour les parents ayant rassemblé à 63 ans tous les trimestres de cotisation nécessaires pour une retraite à taux plein, et avec au moins un trimestre acquis au titre de la maternité ou de l'éducation des enfants, un mécanisme spécifique de surcote de la pension est mis en place. Celui-ci permet de majorer l’effet des trimestres cotisés durant la dernière année avant l’âge légal d’ouverture des droits. Cette surcote dont bénéficieront les femmes permettra de "gommer en partie" l'écart des niveaux de pensions entre les femmes et les hommes, s'est réjouie Elisabeth Doineau devant la presse. La mesure concernerait aussi bien les agents publics que les salariés du privé.
Autre nouveauté défendue par la chambre haute : la création d'un CDI "de fin de carrière" réservé aux salariés âgés d’au moins 60 ans. Selon l'exposé des motifs de la disposition, le but est de "favoriser l’emploi des seniors". L'entreprise qui signera le contrat, sera exonérée de cotisations famille. Elle pourra mettre un terme au contrat en procédant à la mise à la retraite du salarié, s’il remplit les conditions pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
La commission souhaite également la suppression de la disposition du projet de loi qui prévoit le dépôt par le gouvernement d'un rapport sur l'établissement d'un système universel de retraites (voir l'amendement).
Retraite progressive dès 60 ans ?
Sur la retraite progressive, dispositif auquel ils accordent un réel intérêt, les rapporteurs divergent du gouvernement sur l'âge auquel les travailleurs y auront droit. Le projet de loi prévoit de porter le minimum requis de 60 à 62 ans. Un recul d'âge que refusent les sénateurs. Ceux-ci veulent maintenir l'éligibilité au dispositif dès 60 ans, y compris pour les futurs bénéficiaires, dont les agents publics. Cependant, les sénateurs envisagent qu'entre 60 et 62 ans, la quotité de travail ne pourrait être réduite de plus de 20% par rapport à un temps plein. À compter de 62 ans, la réduction pourrait être plus forte (jusqu'à 60% de la durée de travail à temps complet). Pour pouvoir être retenu, l'amendement doit cependant encore être considéré comme recevable financièrement.
Une mesure spécifique à la fonction publique, mise en avant par la commission des Affaires sociales, est d'importance. Il s'agit d'inscrire dans la loi le principe selon lequel l'Etat "compensera intégralement" le surcoût que les employeurs territoriaux et hospitaliers supporteront "dès 2023" en raison de la hausse d'un point des cotisations à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), le régime de retraite conjoint des agents territoriaux et hospitaliers. De 600 millions d'euros à partir de l'an prochain, la dépense supplémentaire des employeurs passera à 700 millions d'euros en 2029. Avec cet amendement, la majorité sénatoriale prend au mot la promesse faite par l'exécutif de compenser entièrement la hausse des cotisations retraites. Cet engagement serait gravé dans le marbre de la loi.
Plus de 2.700 amendements
La commission a émis un avis favorable sur les amendements déposés par les rapporteurs. En revanche, elle n'a pas eu à se prononcer sur le projet de loi.
La discussion dans l'hémicycle doit démarrer ce 2 mars, dans l'après-midi. Etant donné la nature du texte (un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale), les sénateurs examineront la réforme telle qu'elle a été présentée par le gouvernement – et non le texte établi par la commission. Les amendements présentés mardi par les rapporteurs devront donc être de nouveau votés en séance.
Les débats seront clos le 12 mars, et ce même si l'examen du projet de loi n'est pas terminé. Pas moins de 2.751 amendements et 2 motions sont au programme des sénateurs. Un nombre certes élevé, mais nettement inférieur à celui que les députés avaient à examiner (20.477).
"La majorité sénatoriale souhaite aller jusqu'au bout du texte et s'en donnera les moyens", a prévenu mardi la rapporteure. Qui, avec ses pairs, aura sans doute l'oreille d'un exécutif qui tient à aboutir au vote de sa réforme. "On va écouter les propositions du Sénat et on va trouver un chemin ensemble", a ainsi déclaré lundi Elisabeth Borne.