Retrait-gonflement des sols argileux : un décret précise les modalités d’indemnisation

Champ de la garantie, dommages couverts, dérogation à l’affectation de l’indemnité à la remise en état du bien… font partie des points abordés par un décret, paru ce 6 février, relatif aux conditions d’indemnisation des sinistrés victimes du phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA) dû à la sécheresse et assis sur le régime des catastrophes naturelles.

Un décret d’application des obligations fixées par l’ordonnance n°2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, phénomène dit de retrait-gonflement des argiles (RGA), est paru ce 6 février. La plupart des dispositions de cette ordonnance prise dans le cadre de la loi 3DS - et dont le projet de loi de ratification n’a d’ailleurs pas encore été adopté - devaient entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2024. La publication de ce décret - applicable à compter de cette date - accuse donc un léger retard. Et plusieurs autres décrets sont encore attendus…

Plus de la moitié du parc de maisons individuelles (soit 10,5 millions d’habitations) est potentiellement exposé au phénomène dit RGA qui concerne aujourd’hui toutes les régions métropolitaines et provoque des dégâts sur le bâti notamment sous forme de fissures. Les modalités de reconnaissance et d’indemnisation ont fait l’objet de plusieurs textes de réforme ces deux dernières années, dont l’ordonnance constitue la dernière en date. Elle complète la réforme relative à l’indemnisation des catastrophes naturelles, en vigueur depuis le 1er janvier 2023, et reprend certaines préconisations formulées par la Cour des comptes en février 2022 ciblant précisément les limites du dispositif d’indemnisation. L’ordonnance comporte en outre des règles spécifiques d'encadrement de l'expertise d'assurance en matière de sécheresse et de réhydratation des sols et définit un régime de contrôles et de sanctions des experts. 

Une indemnité fléchée vers les travaux de remise en état du bien

Il est entre autres prévu (art. L.125-2 du code des assurances) une obligation d’affectation de l’indemnité perçue au titre d’une sinistre reconnu "Cat Nat" à la mise en œuvre des travaux de réparation des dommages consécutifs aux mouvements de terrain différentiels. Le décret en précise - nouvel art. R.125-6-1- les modalités et cas de dérogation à cette obligation d’utilisation de l’indemnité, ainsi que les conséquences de sa méconnaissance par l’assuré. 

L’indemnité doit être utilisée "pour la remise en état effective du bien conformément aux recommandations issues du rapport d’expertise", rappelle le texte, sauf si le montant des travaux de réparation permettant la remise en état effective du bien est supérieur à la valeur vénale du bien, ajoute-t-il. Un devoir d’information incombe aux entreprises d'assurances à cet égard lors de la transmission de la proposition d’indemnisation, indique-t-il. 

La méconnaissance par le sinistré de son obligation d'affectation de l’indemnité et de transmission des factures justifiant la réalisation des travaux de réparation peut entraîner la caducité de l'indemnisation. Si, dans un délai de vingt-quatre mois après son accord sur la proposition d'indemnisation, l'assuré n'a pas engagé les travaux, l’assureur peut le mettre en demeure, et à défaut de réception des factures, peut lui demander "la restitution de l'acompte de l'indemnité déjà versé", détaille le décret. 

Il est également mentionné qu’en cas de vente du bien assuré, "le vendeur est tenu d’informer l’acquéreur des travaux permettant un arrêt des désordres existants non réalisés bien qu'ayant été indemnisés ou ouvrant droit à une indemnisation". Cette information doit le cas échéant être jointe à l'état des risques annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente d'un bien immobilier. 

Nature des dommages couverts

Par ailleurs, afin de mieux cibler l’indemnisation, celle-ci sera concentrée sur les sinistres susceptibles d’affecter la solidité du bâti ou d’entraver l’utilisation normale du bâtiment endommagé. Là encore l’ordonnance renvoie au décret le soin de définir la nature des dommages couverts. C’est l’objet d’un nouvel article R.125-7. Point important, le texte précise que "les dommages ne présentant pas ces caractéristiques au moment du constat des désordres sont également couverts par la garantie dès lors qu'ils sont de nature à évoluer défavorablement et à affecter la solidité du bâti ou à entraver l'usage normal des bâtiments". En revanche, le décret exclut du champ de la garantie les dommages survenus sur des "constructions constitutives d'éléments annexes aux parties à usage d'habitation ou professionnel", -tels que notamment les remises, les garages et parkings, les terrasses, les murs de clôture extérieurs, les serres, les terrains de jeux ou les piscines et leurs éléments architecturaux connexes - "sauf lorsque ces éléments font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert". 

Le sujet n’est pas fermé…Une proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts causés par le RGA - portée par la députée Sandrine Rousseau, co-auteur avec sa collègue Renaissance Sandra Marsaud d’un rapport sur le sujet - a été adoptée par l’Assemblée nationale début avril. Il y est notamment question d’instaurer une présomption simple de causalité entre le dommage constaté et le RGA. Dans plus d’un cas sur deux, les dossiers rejetés le sont en effet parce que l’expert n’a pas retenu la sécheresse comme "cause déterminante" du sinistre. Le texte propose également de revenir sur la disposition de l’ordonnance limitant l’utilisation de l’indemnité perçue par l’assuré à la réparation du seul bâti ayant subi des dommages. L'assuré pourrait alors également l’utiliser pour acquérir ou faire construire un nouveau logement. 

 
Référence : décret n° 2024-82 du 5 février 2024 relatif aux conditions d'indemnisation des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols, JO du 6 février 2024, texte n°1.