Congrès des maires – Le retrait gonflement des argiles, nouveau cauchemar des élus

Avec le réchauffement climatique et la multiplication des épisodes de sécheresse, de plus en plus de bâtiments publics et d'habitations sont exposés au retrait gonflement des argiles (RGA), responsable de graves fissures. Ce 22 novembre, dans le cadre du Congrès des maires, un point info était consacré à ce phénomène qui laisse souvent élus et habitants sinistrés dans le désarroi.

RGA : c'est le nouvel acronyme qui donne des sueurs froides aux maires des communes frappées par ce phénomène qui ne cesse de s'amplifier avec la multiplication des sécheresses et des épisodes de pluies extrêmes dues au réchauffement climatique. Le retrait gonflement des argiles, donc, qui a fait l'objet d'un point info ce 22 novembre au Congrès des maires, est devenu "un fléau national", n'hésite pas à dire Sébastien Leroy, maire de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes), co-président de la mission risques et crises de l'Association des maires de France (AMF).

Première source de sinistralité au titre du régime cat'nat'

Devenu la première source de sinistralité au titre du régime des catastrophes naturelles (25% des dossiers contre 15% au cours de la période 1975-1989), a rappelé Franck Le Vallois, directeur général de France Assureurs, le RGA, qui provoque de graves fissures sur les bâtiments, pouvant aller jusqu'à l'incapacité de les occuper, touche au moins 50% du territoire national. Plus de la moitié des maisons individuelles en France métropolitaine sont en zone d'exposition moyenne ou forte et 44% de ces maisons ont été construites après 1975. En moyenne, depuis 1989, 1.639 communes font chaque année l'objet d'un arrêté de reconnaissance en catastrophe naturelle au titre du RGA. Depuis 2015, le nombre de demandes de reconnaissance ne cesse d'augmenter et 50% de ces demandes n'aboutissent pas, laissant élus et sinistrés en plein désarroi, alors que les montants de travaux nécessaires par habitation peuvent se situer dans une fourchette de 200.000 à 300.000 euros, a rappelé Sébastien Leroy.

"Citoyens désemparés"

"Les maires sont confrontés à des citoyens désemparés, démunis, on est le premier réceptacle dans ce cas, tant la maison est quelque chose de sacré", souligne Eric Ménassi, maire de Trèbes (Aude), co-président de la mission risques et crises de l'AMF. "Les habitants qui déposent des dossiers d'indemnisation se heurtent à des procédures trop longues, qui peuvent prendre 10 à 12 mois, témoigne Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou (Maine-et-Loire). Nous sommes en outre dans l'incapacité de donner une réponse claire aux sinistrés si leur commune n'est pas retenue au titre du régime cat' nat' alors que la commune limitrophe l'est. Et lorsqu'on est éligible, c'est sur une période déterminée. Si la fissure est apparue avant, le sinistre n'est pas retenu. Tout cela est incompréhensible. Pour ces dossiers, il faudrait davantage s'appuyer sur le couple maire-préfet et recourir à des experts spécialisés."

Gwendoline Chaudoir, maire de Portiragnes (Hérault), a témoigné des mêmes difficultés. Depuis 2012, sa commune a été reconnue quatre fois en catastrophe naturelle. La moitié des dossiers sont pris en compte par les assurances et l'autre non. Une situation "difficilement compréhensible", souligne-t-elle. Ecole, cantine et ancienne mairie sont touchées, de même que le cœur du village avec des bâtiments anciens qui se mettent à bouger. "Mais leurs habitants ne peuvent obtenir de prise en charge," déplore-t-elle. "Nous avons de nouveaux projets de construction de bâtiments publics pour lesquels nous avons mis en œuvre des études géologiques mais cela n'est pas le cas pour l'habitat individuel", signale-t-elle.

L'espoir d'évolutions législatives

Face à une situation "qui n'est plus tenable", les élus en appellent à des évolutions législatives. Elaborée à la suite d'un rapport corédigé par Sandrine Rousseau (EELV, Paris), une proposition de loi adoptée à la quasi-unanimité à l'Assemblée nationale en première lecture en avril dernier, apporte déjà de nombreuses réponses. La députée, qui a indiqué que son texte sera examiné en janvier prochain au Sénat, a rappelé qu'il prévoyait de faciliter l'information des maires et qu'en cas de non-reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la motivation de l'avis était requise. Il prévoit aussi des mesures très concrètes comme l'obligation d'analyses de terrain, de mesures sur le sol. En outre, le temps de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle sera étalé sur 12 mois. L'article 2 de la proposition de loi prévoit également des mesures plus favorables aux assurés (possibilités de contester les refus, création d'un label pour des experts spécialisés en RGA, expertises financées par les assureurs, possibilité de construire une maison neuve si les travaux sont trop importants…). "Si la commune est reconnue en état de catastrophe naturelle, il y a une présomption favorable aux assurés, c'est à l'assureur d'apporter que la fissure n'est pas due au RGA, a poursuivi la députée, ajoutant que "vu l'ampleur du problème, l'Etat est assureur en dernier ressort".

Renforcer la prévention

Vincent Ledoux, député Renaissance du Nord et auteur d'un récent rapport, plaidant pour un plan massif d'adaptation au RGA, a exposé ses principales préconisations aux élus. Il a notamment insisté sur la nécessité de faire de la prévention "le sujet essentiel". "Il faut compléter notre information car le taux de récidive est important – on a plus de 20% des dommages de 2-3 générations", a-t-il souligné. "On doit continuer à améliorer la recherche pour mieux connaître le phénomène à la parcelle ou au niveau collectif", a-t-il poursuivi et les maires doivent être remis "au cœur du système", comme il le détaille dans son rapport.

Franck Le Vallois estime lui aussi qu'"on ne progresse pas assez sur la prévention". Les assureurs ont donc lancé en septembre dernier le projet "Initiative sécheresse". D’une durée de cinq ans, il sera déployé sur plus de 300 maisons sélectionnées en raison de leur situation comparable (composition des sols, structure de la construction…)  - 200 maisons sinistrées, pour analyser l'évolution dans le temps de solutions de réparation et 100 maisons exposées au RGA pour lesquelles on suit des approches de prévention.

Quatre familles de solutions de prévention et de protection additionnelle vont ainsi être testées : réhydratation des sols (injection d’eau à proximité des fondations en période de sécheresse) ; protection des sols (installation de dispositifs de confinement des fondations de type géomembrane, écran anti-racine, drainage…) ; traitement des sols (injection d’une solution à proximité des fondations) ; reprise en sous-œuvre (installation de micropieux ou de longrines au niveau des fondations). Au terme de cette initiative, un bilan complet sera réalisé avec des points d’étape annuels pour identifier les mesures les plus pertinentes dans le temps. "Nous verrons ainsi quelles sont celles qui apportent le maximum de résilience", conclut Franck Le Vallois.

 

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