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Commande publique - Résiliation d'un contrat : un important revirement de jurisprudence permet un recours en annulation

L'arrêt Commune de Béziers n°2 du 21 mars 2011 est l'occasion pour le Conseil d'Etat (CE) d'effectuer un important revirement de jurisprudence concernant les décisions de résiliation d'un contrat. Ces décisions peuvent désormais faire l'objet d'un recours en annulation de la part du cocontractant de l'administration. De plus, le juge peut ordonner la reprise des relations contractuelles entre les parties.
Dans cette affaire, deux communes ont, dans le cadre d'un syndicat intercommunal à vocation multiple, mené une opération d'extension d'une zone industrielle intégralement située sur le territoire de la commune de Villeneuve-lès-Béziers. Il a été convenu que cette dernière verserait à la commune de Béziers une fraction des sommes qu'elle percevrait au titre de la taxe professionnelle. Par une délibération du conseil municipal, la commune de Villeneuve-lès-Béziers a décidé de résilier le contrat. Le tribunal administratif de Montpellier et la cour administrative d'appel de Marseille, saisis par la commune de Béziers, ont considéré que les conditions de résiliation du contrat n'ouvraient droit qu'à indemnité.
Selon une jurisprudence datant de 1868, le cocontractant ne pouvait exercer à l'encontre des mesures de résiliation d'un contrat qu'un recours indemnitaire. Le juge n'avait pas le pouvoir de les annuler, sauf une exception prévue en matière de concession. Cette interdiction reposait sur l'idée que l'administration devait être en mesure de se défaire d'un cocontractant dont elle ne voulait plus.
Désormais, la voie du recours en annulation lui est ouverte. Le CE précise en effet dans l'arrêt Commune de Béziers n°2 "qu'une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles". Ce recours peut être exercé dans un délai de deux mois à compter de la date où le cocontractant a été informé de la mesure de résiliation. Ce recours peut également être assorti du référé suspension prévu à l'article L521-1 du Code de justice administrative afin de permettre une reprise provisoire des relations contractuelles.
Lorsque le juge constate l'irrégularité de la mesure de résiliation, il dispose alors de deux solutions. Tout d'abord, il peut ordonner la reprise des relations contractuelles, assortie éventuellement d'une indemnisation pour le préjudice occasionné, si une demande est faite en ce sens, mais il peut également rejeter le recours et inviter le requérant à exercer une action indemnitaire.
Cet arrêt montre la volonté du juge de renforcer la sécurité juridique des contrats, ainsi que son contrôle sur l'action administrative, illustrée notamment par les jurisprudences Tropic Travaux Signalisation du 16 juillet 2007 et Commune de Béziers n°1 du 28 décembre 2009 conduisant à renforcer le contrôle du juge sur l'action administrative. Il est à noter que cette jurisprudence ne s'applique que si la résiliation est irrégulière. En effet, le juge peut désormais contraindre l'administration à poursuivre des relations contractuelles avec son cocontractant. Cette jurisprudence est transposable à tous les contrats de la commande publique.

Références : CE, 21 mars 2011, Commune de Béziers n°2, n° 304806 ; CE, 28 décembre 2009, Commune de Béziers n°1, n° 304802 ; CE, 16 juillet 2007, Société Tropic Travaux Signalisation, n° 291545

Et "l'objectif de stabilité des relations contractuelles" ?
La décision d'assemblée du CE du 28 décembre 2009, Commune de Béziers n°1 a marqué un tournant important en matière de sécurité juridique des contrats publics. Le CE confirme en effet qu'une irrégularité ne doit plus être systématiquement sanctionnée par l'annulation du contrat (voir les arrêts "Tropic Travaux" et " SMIRGEOMES") et cite pour la première fois dans l'une de ses décisions "l'objectif de stabilité des relations contractuelles". Les juges de la Haute Juridiction administrative considèrent ainsi qu'"il appartient au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation".