Résiliation du contrat Autolib' : les communes franciliennes condamnées à indemniser le groupe Bolloré
Par un arrêt du 21 février 2025, la cour administrative d’appel de Paris a condamné le syndicat mixte Autolib’ et Vélib’ métropole (SMAVM) à verser à la société Autolib’ (groupe Bolloré) une somme d’un peu plus de 66 millions d’euros, assortie des intérêts, pour l’indemniser de la résiliation en 2018 de la convention conclue pour un service d’automobiles électriques en libre-service.
Le syndicat mixte Autolib’, qui regroupe plusieurs communes franciliennes, dont la ville de Paris, a conclu le 25 février 2011, avec la société Autolib’, une convention de délégation de service public d’une durée de douze ans pour la mise en place du service et d’une infrastructure de recharge des véhicules. Autolib' devait au départ dégager un bénéfice d'au moins 56 millions d'euros par an avec des milliers de petites "Bluecars" électriques réparties dans l'Île-de-France. Mais le groupe Bolloré avait rapidement annoncé un léger, puis un lourd déficit, malgré 150.000 abonnés. En 2018, Autolib' avait notifié au syndicat mixte le défaut d'intérêt économique de la concession et lui avait demandé le versement d'une compensation financière de 233,7 millions d'euros. Le syndicat mixte a refusé et a résilié le contrat au 25 juin 2018. Le groupe Bolloré l'a alors attaqué en justice et a perdu en 2023 en première instance, où il réclamait 235 millions d'euros.
La société Autolib’ a ensuite saisi la cour administrative d’appel de Paris pour être indemnisée. Dans son arrêt du 21 février 2025, la Cour se prononce d’abord sur les clauses du contrat prévoyant la prise en charge par le SMAVM des pertes d’exploitation de la concession supérieures à 60 millions d’euros. Contrairement au tribunal, elle a jugé que ces clauses, laissant 60 millions d’euros de perte à la charge d’Autolib’, ne sont pas une libéralité et sont donc bien applicables, selon la convention de délégation qui avait été conclue.
La cour a ensuite calculé l’indemnisation à laquelle la société Autolib’ a droit, et qui est constituée de l’addition de trois sommes. La première (près 13 millions d’euros) correspond au coût des biens (tels que les bornes de charge et de recharge des véhicules) dont la propriété est revenue au SMAVM sans que la société Autolib’ ait pu les exploiter pendant la durée prévue. La deuxième somme (8,2 millions d’euros) correspond aux coûts de résiliation des contrats (baux, contrats passés avec des fournisseurs...) que la société Autolib’ avait conclus pour l’exécution du contrat, la cour ayant retenu les coûts qu’elle estime "raisonnables". La troisième somme (44,9 millions d’euros) correspond à la compensation du dépassement du seuil de 60 millions d’euros de perte. "À cet égard, la cour relève que les manquements de la société Autolib’ ne sont pas à l’origine du défaut d’intérêt économique de la concession, lequel est essentiellement dû à une prévision de chiffre d’affaires excessivement optimiste lors de son lancement", souligne-t-elle dans un communiqué. Toutefois, elle constate que tant la société Autolib’ que le SMAVM ont tardé à réagir aux difficultés de la concession. Au total, elle a estimé que la société Autolib’ aurait dû notifier au plus tard le 30 novembre 2013 le défaut d’intérêt économique, ce qui aurait permis de résilier la concession – et, ainsi, d’arrêter les frais – dès le 31 décembre 2013. Elle en déduit que la société peut prétendre à l’indemnisation du déficit cumulé de la concession excédant 60 millions d’euros jusqu’à fin 2013 seulement.