Reprise en gestion des routes nationales par les régions : Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes tentent l'expérimentation
Depuis ce 1er janvier, deux régions volontaires (Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est) se sont vu mettre à disposition, à titre expérimental et pour une durée de 5 ans, 1.280 kilomètres de réseau routier national dans des conditions prévues par convention avec l'État.
Dans le cadre de la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) du 21 février 2022, deux régions, Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes, ont pris la main depuis ce 1er janvier sur 1.280 kilomètres du réseau routier national non concédé, à titre expérimental et pour une durée de 5 ans (2025-2029).
La première va gérer 525 kilomètres de routes "stratégiques". La convention État-région prévoit qu'une partie des services de la DIR Est et de la Dreal Grand Est soit mise à disposition de la collectivité pour accompagner l'expérimentation. Les portions de route et d'autoroute, engorgées ou mal entretenues par l'État, qui sont mises à disposition comprennent la stratégique autoroute A31, qui va vers le Luxembourg, ou la route nationale 4. On trouve aussi dans le lot l'A33, la RN44, l'A313, la RN431, l'A30 et la portion de la RN52 traversant la Meurthe-et-Moselle. "Ces axes concentrent des flux de poids lourds importants, avec un taux de camions étrangers ou hors Grand Est variant de 60 à plus de 90%", indique la région.
Gros investissements à prévoir dans le Grand Est
"Il y a une saturation forte de ces axes" qui "n'ont pas fait l'objet de suffisamment d'investissements notamment en matière de régénération" par l'État lorsqu'il en était le gestionnaire, estime auprès de l'AFP Thibaud Philipps, vice-président à la région en charge des transports. "Nombre de points noirs sont identifiés et font bien souvent l'objet de projets qui sont dans les cartons depuis parfois une trentaine d'années", déplore-t-il. Aujourd'hui, plus de 50% des chaussées nécessitent un entretien de surface et 12% des ouvrages d'art requièrent des travaux lourds, estime la région. Celle-ci prévoit notamment un million d'euros pour "réaliser des études" sur l'A31, "point névralgique" en Lorraine qui permet la jonction avec le Luxembourg, où vont travailler chaque jour plus de 100.000 frontaliers français, un chiffre qui devrait fortement augmenter, selon Franck Leroy, président de la région.
Outre la réfection des chaussées, des équipements attendus parfois depuis des décennies doivent être mis en place par la région, comme des protections acoustiques en bord d'A31 en Meurthe-et-Moselle. "On reprend en main le destin" des routes, assure Thibaud Philipps. D'une manière générale, les chaussées seront refaites "un peu partout" selon lui, avec un budget de 92 millions d'euros en investissement pour 2025, soit près de "trois fois plus" que ce qui était prévu par l'État. Concrètement, 75 km de routes seront régénérés pour 34 millions d'euros cette année.
Un budget annexe a été voté, de manière à ce que cela n'influe pas sur le financement d'autres projets. Une écoredevance poids lourds, qui sera mise en place en 2027, permettra de financer les travaux et l'entretien des routes, selon la région, qui a en attendant recours à des emprunts d'équilibre, en plus des quelque 32 millions d'euros fournis par l'État au titre du droit à compenser.
756 kilomètres de routes nationales concernées en Auvergne-Rhône-Alpes
Auvergne-Rhône-Alpes reprend pour sa part la gestion de 756 km de routes nationales non concédées en Auvergne et dans le couloir rhodanien. Une "expérimentation extrêmement importante" pour la collectivité, avait souligné en décembre dernier le vice-président de la région en charge des transports, Frédéric Aguilera.
"On est convaincu que dans un territoire qui mêle à la fois des grandes métropoles et des territoires très ruraux, ne pas opposer les mobilités, s'occuper des routes nationales, c'est un enjeu majeur d'aménagement du territoire, de développement économique et de décarbonation pour l'ensemble de notre région", avait-il résumé.
L'écoredevance poids lourds, un sujet toujours clivant
Dans le Grand Est, l'expérimentation a été votée à la majorité lors d'un conseil régional en décembre. La plupart des oppositions, et notamment les Écologistes, ont voté pour. Mais le groupe "RN et apparentés" s'est dit contre. Pour le président du groupe, Laurent Jacobelli, le Grand Est n'a pas "les moyens d'entretenir les routes". Il est aussi farouchement opposé à l'écoredevance poids lourds, qui "risque de favoriser les grandes entreprises, souvent étrangères, au détriment de nos structures familiales ou nationales". Cette forme d'écotaxe existe pourtant déjà dans les pays frontaliers - Belgique, Luxembourg et Allemagne. Le groupe Les Écologistes a lui jugé "prometteuse pour la transition écologique et la justice territoriale" la mise en place de l'écocontribution des poids-lourds.
La collectivité européenne d'Alsace prévoit elle aussi d'instaurer une taxe (appelée R-pass) sur les poids lourds de plus de 3,5 tonnes à partir de début 2027 sur l'autoroute A35, qui traverse la région du nord au sud. En effet, en raison d'une fiscalité onéreuse sur les autoroutes allemandes, un flux important de camions effectue le détour par l'Alsace.