Décentralisation d'une partie du réseau routier national : les modalités de compensation se précisent

Au terme du processus de transfert prévu par la loi 3DS (article 38), seize collectivités territoriales (quatorze départements et deux métropoles) seront gestionnaires d’un total de 900 kilomètres supplémentaires du réseau routier national non concédé. Deux circulaires font toute la lumière sur les modalités du transfert définitif, aux métropoles ou départements concernés, des services ou parties de service des DIR et Dreal - fixé au 1er novembre 2024 -, et sur le versement des compensations financières afférentes.

La loi 3DS (art. 38) a ouvert la voie au transfert des autoroutes, des routes ou des portions de voies non concédées relevant du domaine routier national aux départements, à la métropole de Lyon et aux métropoles volontaires, sur leur demande. Au terme du processus, 16 collectivités territoriales (14 départements et 2 métropoles) seront ainsi gestionnaires d’un total de 900 kilomètres supplémentaires du réseau routier national non concédé. Il s’agit des métropoles de Lyon et de Dijon ainsi que des départements de l'Aveyron, de la Côte-d'Or, de la Haute-Garonne, du Gers, de l'Isère, du Lot, du Maine-et-Loire, de la Haute-Marne, de la Mayenne, de la Moselle, des Pyrénées-Orientales, du Rhône, de la Seine-et-Marne et du Vaucluse. 

Deux décrets d’application - n°2023-455 du 12 juin 2023 et n°2022-1709 du 29 décembre 2022 - ont d’ores et déjà précisé les modalités de calcul de la compensation financière dans la perspective de ces transferts. Et un troisième décret (n°2023-1091 du 24 novembre 2023) est venu approuver la convention-type signée localement entre les parties prenantes de mise à disposition des services. Un dernier décret (n°2024-544 du 13 juin 2024) arrête au 1er novembre 2024 la date et les modalités du transfert définitif de ces services ou parties de service, dont la mise à disposition est intervenue par conventions conclues entre les préfets compétents et les présidents des collectivités territoriales ou établissements publics concernés. 

Des interrogations et des incompréhensions - rappelées par le président de Départements de France dans un courrier adressé au ministre de la Transition écologique - subsistaient toutefois s’agissant en particulier du versement des compensations relatives auxdits transferts. Pour y répondre, deux circulaires - publiées respectivement les 6 et 15 août au Bulletin officiel du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires - sont venues détailler à l’adresse des préfets les modalités de mise en oeuvre du décret n°2024-544. 

Préparation des arrêtés préfectoraux de transfert

Pour chacun des départements ou métropoles concernés, un arrêté préfectoral doit déterminer la consistance des services ou parties de services des directions interdépartementales des routes (DIR) et des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) faisant l'objet du transfert. L’objet de la première circulaire est donc d’accompagner les préfets dans la rédaction (d’ici au 1er novembre 2024) de ces arrêtés et des courriers d’information prévus dans le décret n°2024-544. Un modèle d’arrêté est notamment joint à cet effet en annexe 1. L’arrêté préfectoral doit entre autres comporter le nombre d’emplois ou de fractions d'emplois à transférer et l’état des charges de personnel et de fonctionnement notamment servant de base de calcul des compensations financières induites. Pour chacun de ces transferts, le préfet compétent communique par courriers (modèle des tableaux en annexe 2) au président du conseil départemental ou du conseil de la métropole la liste nominative des agents et des emplois devenus vacants, l’état des comptes épargne-temps ainsi que les services actifs des agents. Il est précisé que ces données "seront arrêtées à la date du 31 août 2024". Notons qu’un second courrier "reprenant les mêmes éléments, actualisés au 31 octobre 2024" leur sera transmis "avant le 30 novembre 2024". 

Clarification sur les compensations

C’est l’objet d’une seconde circulaire. Le ministère y revient plus en détail sur les modalités de calcul des compensations du transfert des services et en précise le calendrier de versement en fonction de l’inscription des crédits dans les différentes lois de finances initiales. Concrètement, à compter du 1er novembre 2024 (date du transfert définitif des services) seront dues à la collectivité les compensations financières relatives aux charges de fonctionnement des services (dites "sac à dos") et à certaines charges de personnel. "Ces compensations seront inscrites en loi de finances pour 2025 à titre pérenne, pour l’avenir, et non pérenne, pour les mois de novembre et décembre 2024. D’autres compensations financières seront intégrées par les lois de finances suivantes, à titre pérenne et non pérenne, du fait de l’usage du droit d’option par les agents mis à disposition ou d’un départ donnant lieu à un poste vacant", indique la circulaire. 

Pour rappel, la date du 15 juin 2024, date de publication du décret n°2024-544 de transfert définitif des services, ouvre la période transitoire de deux ans, au cours de laquelle les agents mis à disposition pourront faire usage de leur droit d’option, à savoir choisir entre l’intégration dans la fonction publique territoriale ou le maintien dans la fonction publique d’État en étant détachés sans limitation de durée. La masse salariale de ces agents sera compensée aux collectivités au fur et à mesure que ces agents exerceront ce droit d’option. 

"Les compensations financières 2025, 2026 et 2027 porteront sur la masse salariale des agents ayant exercé leur droit d'option au fil de l'eau. Une compensation venant solder les derniers ajustements financiers pourra intervenir en loi de finances pour 2028", précise la circulaire. 

Sous l’angle budgétaire, le ministère insiste sur la distinction à faire entre les modalités de compensation du transfert de services de celles du transfert de charges de personnel. Il est précisé que le calendrier de mise en place des compensations s’échelonne sur trois ans "à compter du transfert de compétences (1er janvier 2024), du fait de la date de publication du décret de transfert définitif du service antérieure au 31 août 2024". "L’État ne compense pas les postes de dépenses tant qu’il les prend en charge de façon directe dans le cadre de la mise à disposition des services pour exercer la compétence pour le compte de la collectivité", souligne la circulaire. La période prise en compte pour le calcul de la compensation des charges de fonctionnement liées au transfert des services correspond à la moyenne des dépenses actualisées au cours des trois années précédant le transfert de compétences (soit les années 2021, 2022 et 2023). La composition des charges courantes faisant l’objet d’une compensation au titre du "sac à dos" est présentée en annexe. Pour ce qui est des dépenses de personnel, il est renvoyé aux principes de compensation décrits dans la circulaire n°2006-58 du 27 juillet 2006 relative aux transferts et compensations financières liés aux dépenses de personnel pour les compétences transférées introduites par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, et depuis lors appliqués à chaque transfert de services.

Une nouvelle proposition de loi pour "faciliter les mises à disposition de portions du réseau routier aux régions"

La mise à disposition aux régions de portions du réseau routier national non concédé, permise sous forme d’expérimentation par la loi 3DS (voir notre dossier), n’est décidément pas une sinécure. Alors qu’une loi visant déjà à fluidifier ce dispositif a été publiée au Journal officiel il y a moins d’un semestre (voir notre article du 25 mars 2024), une nouvelle proposition de loi visant à faciliter sa mise en œuvre vient d’être déposée le 26 juillet dernier. Son auteur, le sénateur Olivier Jacquin (SER, Meurthe-et-Moselle), entend cette fois remplacer la durée initiale de l’expérimentation – huit ans à compter de la promulgation de la loi 3DS – par une durée ad hoc, négociée avec chacune des régions concernées. Pour le sénateur, cette modification permettrait non seulement de tenir compte "des réalités économiques différentes" des projets, mais aussi de "rouvrir des cycles de concertation en vue d’autres transferts expérimentaux avec des régions qui ne se sont pas saisies de cette faculté en partie à cause des délais de négociations et de la durée trop brève des expérimentations". Il estime en effet que "dès lors qu’elles n’ont été que trois à se lancer (Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est et Occitanie), la loi 3DS est partiellement en échec".
Frédéric Fortin/Epique Communication pour Localtis

Références : circulaire du 31 juillet 2024 relative à la mise en œuvre du transfert définitif des services de l’État aux départements et métropoles bénéficiaires du transfert d’une partie du réseau routier national en application du décret n° 2024-544 relatif à la date et aux modalités de transfert définitif à certains départements et métropoles des services ou parties de service de l'État exerçant les compétences de l'État en matière routière qui leur sont transférées ; circulaire du 12 août 2024 relative aux modalités et au calendrier de versement des compensations financières relatives aux transferts de services consécutifs au transfert des routes nationales à certains départements et métropoles dans le cadre de la loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale ; proposition de loi présentée par Olivier Jacquin visant à faciliter les mises à disposition expérimentales de portions du réseau routier non concédé aux régions, déposée au Sénat le 26 juillet 2024.
 

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