Rentrée coûteuse : quelles réponses pour les jeunes en situation de précarité ?
Avec l'inflation, la précarité des étudiants et des autres jeunes se renforce. Logement, expulsions locatives, coût de la rentrée étudiante… la fondation Abbé-Pierre, la Fage, l'Unhaj et d'autres acteurs ont interpelé le gouvernement. Si le RSA pour les moins de 25 ans n'est toujours pas au programme, un élargissement et une revalorisation des bourses sont prévus. Un objectif de 12.000 logements étudiants rénovés d'ici 2027 est également annoncé.
"Le logement des jeunes est une urgence absolue", alerte la fondation Abbé-Pierre en cette période de rentrée universitaire. Dans un communiqué du 7 septembre 2023, la fondation rappelle que beaucoup d'étudiants sont en situation de "précarité structurelle" : 20% sont sous le seuil de pauvreté, 46% travaillent pendant l'année universitaire et le logement correspond en moyenne à 60% de leur budget. Dans ce contexte, "l’offre totale de logements en résidences gérées par les Crous s’élève à environ 175.000 logements et ne permet de loger qu’environ 25% des 700.000 boursiers de l’État", constate la fondation Abbé-Pierre.
Expulsions locatives d'étudiants : un manque de prévention
Cette dernière dénonce en outre "un traitement sévère des situations par la justice" dans le cadre d'expulsions des chambres universitaires, sur la base d'une étude menée avec des étudiants de l'Université Paris 1. Des "délais très courts" (8 à 15 jours) seraient accordés aux jeunes ne payant plus leur loyer, ayant perdu leur statut étudiant ou n'ayant "pas renouvelé à temps leur contrat de résidence", selon la fondation Abbé-Pierre qui voit dans ce traitement "une rupture du principe d’égalité devant le service public". La fondation rappelle que ces jeunes "ont en commun d’être plutôt isolés socialement et éloignés géographiquement de leur famille" et estime que ces expulsions ont un impact sur la santé psychologique des jeunes et sur l'éventuelle poursuite du parcours universitaire. "Dans certaines académies, il faut attendre parfois plus d'un mois pour avoir un rendez-vous avec une assistante sociale", ajoute-t-elle.
La fondation Abbé-Pierre appelle notamment à "mieux prévenir les risques d’expulsion en assurant le suivi social des étudiants les plus précaires" et à "augmenter la capacité d’accueil insuffisante des résidences étudiantes Crous", en évaluant le besoin à 15.000 nouveaux logements étudiants.
Rentrée étudiante 2023 : une hausse de 9% des frais de vie courante
Cette alerte n'est pas isolée. Dès le 16 août 2023, la Fage avait sonné le signal d'alarme : pour les étudiants, "le coût de la rentrée atteindra en moyenne 3.024 euros en septembre 2023", avec une hausse de 9% des frais de vie courante dont 15% pour l'alimentation et 9% pour les loyers – "une véritable flambée" en province –, par rapport à 2022. Du fait de l'"inflation record", le coût moyen de la rentrée étudiante était même estimé à près de 3.600 euros en Île-de-France. "Cette réalité affecte particulièrement les jeunes issus de familles modestes, compromettant ainsi leur accès au diplôme et augmentant les risques de décrochage", observait la Fage.
La "galère" est pour tous les jeunes – étudiants mais aussi jeunes actifs, apprentis, jeunes en recherche d'emploi… –, avait embrayé le réseau Habitat jeunes par la voix de l’Union nationale pour l’habitat des jeunes (Unhaj), le 31 août. "Un jeune sur trois entre 18 à 24 ans qui a quitté le domicile familial est en situation de pauvreté, et ce taux monte à un sur deux pour les jeunes ni en étude ni en emploi", met en avant l'Unhaj. Cette dernière estime que la mise en œuvre du contrat d'engagement jeune (Cej) "est trop restrictive pour lutter efficacement contre la pauvreté des jeunes".
Pas de RSA jeunes mais bientôt un nouveau RSA qui ressemblera au contrat d'engagement jeune
Jugeant que "cette situation absurde et injuste n’a que trop duré", l'Unhaj rappelle qu'elle demande "de longue date" comme "de nombreuses associations" que "le RSA [revenu de solidarité active] soit élargi aux 18-25 ans".
Une nouvelle fin de non-recevoir a été formulée par Emmanuel Macron, dans son interview accordée le 4 septembre 2023 à la chaîne Youtube HugoDécrypte. "Le contrat d'engagement jeune est préférable au RSA (…), il est plus exigeant en termes d'heures et d'accompagnement", a exposé le chef d'État. Et, dans le cadre du projet de loi France travail, "on est en train de ramener le RSA à quelque chose qui ressemble au contrat d'engagement jeune", jugé meilleur car "plus contraignant et responsabilisant", a-t-il ajouté.
500 millions d'euros en plus pour les aides sociales aux étudiants
Concernant les aides sociales accordées aux étudiants, elles ont été détaillées ce 8 septembre 2023 par Sylvie Retailleau, ministre de l'Enseignement supérieur, lors de sa conférence de presse de rentrée. Plus de 500 millions d'euros seront consacrés à l'amélioration des bourses, du logement et de la restauration, a-t-elle indiqué. Un budget qui devrait être confirmé, dans un contexte où les universités se voient demander de participer au financement de certaines mesures gouvernementales.
Du fait de l'évolution des paramètres, "35.000 étudiants, issus des classes moyennes, deviennent boursiers cette année", peut-on lire dans le dossier de presse. Les bourses sont augmentées par ailleurs de 37 euros par mois pour tous les boursiers, avec un complément dans les collectivités ultramarines. La réforme des bourses, annoncée pour 2025, s'inscrira dans l'objectif de "solidarité à la source" affiché par ailleurs par le gouvernement sur les aides sociales, pour réduire les démarches et le non-recours.
La ministre a rappelé d'autres mesures de soutien : gel des frais d'inscription en université et des loyers en résidence universitaire, maintien de la tarification sociale du prix de repas en restaurant universitaire à 3,30 euros et de la tarification très sociale (repas à 1 euro). Enfin, Sylvie Retailleau a affirmé que 4.000 logements étudiants sont en cours de rénovation et que 8.000 autres logements devraient être rénovés d’ici à la fin du quinquennat. "Le travail se poursuit", notamment avec les collectivités, "pour développer l’accès à davantage d’offres de logement et trouver des solutions adaptées aux territoires, mais aussi mieux faire connaître les offres et les aides existantes et faciliter l’accès au logement pour les étudiants", est-il indiqué.