Mobilité, logement, orientation... Une "feuille de route pour la jeunesse"
Il y a six mois, la Première ministre lançait le Conseil national de la refondation (CNR) consacré à la jeunesse, baptisé "Rencontres jeunesse de Matignon". Après cinq cycles de rencontres, Élisabeth Borne a présenté ce mercredi 21 juin la feuille de route du gouvernement, annonçant un panel de mesures, de la conduite dès 17 ans à la rénovation de résidences étudiantes en passant par la mise en place d'un pass train réservé aux jeunes "engagés". D'autres mesures suivront à l'automne dans le cadre d'un comité interministériel de la jeunesse.
La Première ministre a présenté ce mercredi 21 juin plusieurs mesures en faveur des jeunes, mesures issues des travaux du Conseil national de la refondation (CNR) dédié à la jeunesse, qui a été décliné en cinq rencontres depuis décembre 2022 (lire nos articles ici et là). Élisabeth Borne a réuni pour l'occasion à Matignon quelque 400 jeunes et 15 ministres. Quatre groupes de travail constitués chacun d'une quarantaine de jeunes ont livré leurs principales propositions concernant la vie quotidienne, l'avenir professionnel, la transition écologique, l'égalité des chances et l'engagement citoyen.
"Vous pouvez compter sur nous pour aller au bout de vos propositions", a affirmé la cheffe du gouvernement. "On aura un comité interministériel de la jeunesse à la rentrée. Donc on va continuer à travailler sur ces propositions, sur tous les thèmes qui sont derrière nous et sur lesquels vous avez travaillé", a-t-elle ajouté.
Des jeunes ont par exemple proposé de revaloriser le service civique "de 100 euros de plus par mois". D'autres ont suggéré que les jeunes puissent voter dès 16 ans aux élections municipales, "porte d'entrée vers la citoyenneté" quand un jeune sur quatre ne va pas voter. "Le combat de l'abstention est le premier à mener", a abondé la secrétaire d'État à la Jeunesse et au SNU, Sarah El Haïry. Une jeune a proposé que chaque classe puisse "restaurer une parcelle de nature", un autre a demandé que l'écologie soit portée par les quartiers populaires qui vont davantage "subir" ces changements que les autres.
Conduite à 17 ans
Pour l'heure, les premières annonces du gouvernement restent relativement peu nombreuses. Invitée la veille du média en ligne Brut, la Première ministre avait levé le voile sur certaines d'entre elles, notamment au sujet de la mobilité des jeunes. Elle a indiqué que l'aide financière de 500 euros que touchent actuellement les apprentis pour passer leur permis de conduire sera étendue aux élèves des lycées professionnels "qui sont amenés à se déplacer plus que les autres", compte tenu des stages en entreprise. Une mesure supplémentaire, donc, touchant les lycées professionnels dont la réforme a été érigée début mai en "cause nationale" par le chef de l'État (lire notre article du 4 mai).
En outre, dès janvier 2024, les jeunes pourront passer le permis de conduire et conduire à partir de 17 ans, au lieu de 18 ans. Cette mesure sera "un vrai plus" notamment pour les jeunes en apprentissage, a souligné Matignon. Actuellement, un jeune en conduite accompagnée peut déjà passer le permis B à 17 ans, mais n'a le droit de prendre le volant par lui-même que le jour de ses 18 ans. Ce seuil sera donc abaissé d'un an.
Dans le même temps, le gouvernement entend également "renforcer les attestations de sécurité routière pour en faire des sortes de pré-codes" plus exigeants qu'aujourd'hui. Le code de la route sera lui amélioré dès juillet 2023 pour en clarifier le contenu mais sans revoir son niveau d'exigence, selon Matignon.
On rappellera que le Parlement a pour sa part définitivement adopté le 12 juin une proposition de loi pour mieux informer les jeunes sur le financement du permis de conduire et pour réduire les délais avant l'examen. Alors que les accidents de la route sont la première cause de mortalité chez les jeunes de 18 à 24 ans, Élisabeth Borne a promis d'être "très attentive sur le niveau demandé" pour obtenir le permis. Plusieurs associations telles que la Ligue contre la violence routière et la Prévention routière ont fait part de leur hostilité à l'abaissement en raison des risques d'accidents.
Pass Train
Le train sera également plus accessible pour les jeunes de 18 à 20 ans engagés en service civique, dans un service national universel ou dans un contrat d’engagement jeune, a détaillé la Première ministre. Ils bénéficieront, à la date de leur choix, d’un passe pour les trains, gratuit, d’une durée d’un mois. Ce passe concernera "les trains qui ne relèvent pas des régions, donc les Intercités et TGV".
Quant à l'idée de tarifs réduits sur le train pour les jeunes comme il en existe en Allemagne, la Première ministre a souhaité "avancer dans ce sens-là avec le ministre des Transports" à condition "qu'on embarque les conseils régionaux".
12.000 logements de résidences étudiantes sur trois ans
Le gouvernement va rénover 12.000 logements de résidences étudiantes "qui ne sont pas aux normes" sur trois ans, ce qui représentera environ 4.000 rénovations par an. Quelque 4.000 rénovations sont déjà engagées. Les étudiants concernés seront relogés par le Crous dont ils dépendent. Une mission confiée par la ministre de l’Enseignement supérieur à Richard Lioger doit prochainement rendre ses conclusions en vue de relancer le plan de construction de 60.000 places en logement à tarif social (voir notre article du 9 février 2023).
La précarité étudiante partiellement abordée
Le problème de la précarité étudiante n'a pas véritablement été abordée, l'annonce une réforme structurelle de l'allocation des bourses sur critères sociaux revenant à la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau.
La seule annonce en la matière concerne des étudiants dans les outre-mer. Le gouvernement va augmenter de 30 euros par mois leurs bourses dans la mesure où la vie y est plus chère qu'en métropole. "Cette aide viendra en complément de la revalorisation mensuelle de 37 euros par mois déjà annoncée en mars dernier, soit des mensualités de bourses s’échelonnant de 175 à 663 euros par mois pour les boursiers en outre-mer", précise le dossier diffusé suite à la rencontre.
La Première ministre a assuré "prendre très au sérieux" le sujet du harcèlement scolaire, qui touche un jeune sur dix. Elle a rappelé que le programme de prévention Phare, généralisé à tous les collèges depuis la rentrée 2022, sera étendu à tous les lycées à la rentrée 2023. Le ministre de l'Éducation, Pap Ndiaye, avait récemment multiplié des annonces après le suicide le 12 mai d'une collégienne de 13 ans, le 12 mai, qui avait subi du harcèlement dans son établissement et en ligne (voir notre article du 6 juin 2023).
La question de la santé mentale de la jeunesse a enfin été évoquée par Sylvie Retailleau ce 21 juin à Matignon. Plusieurs études alertent sur les séquelles entre autres liées à la crise Covid (voir notre article du 19 juin 2023). Elle a rappelé la mise en oeuvre de la réforme qui transforme les services de santé universitaires en services universitaires de santé étudiante (SSE) et qui bénéficie d'une enveloppe de 8,2 millions d'euros (voir notre article du 19 octobre 2022).
"Mieux comprendre les institutions"
Le gouvernement souhaite aussi refondre les cours d'enseignement moral et civique (EMC) qui, selon Matignon, ne sont pas "adaptés à aujourd’hui" et vont être redéfinis "main dans la main avec les jeunes". L'EMC intégrera principalement l'éducation aux médias qui devrait être "mise au centre", "la compréhension des institutions", et devra encourager "les formes d’engagement" possibles. Une carte de réduction est d'ailleurs annoncée pour les jeunes engagés qui ne sont plus étudiants (par exemple les jeunes en service civique, en contrat d'engagement jeune...). Une refonte de l'EMC sera réalisée pour la rentrée 2024 sans que Matignon précise les niveaux ciblés. Cette refonte envisagée s’inspire du rapport de la Cour des comptes de novembre 2021.
Passer à 300.000 étudiants "mentorés" d'ici 2027
La Première ministre a aussi annoncé vouloir renforcer l’orientation. Elle confirme la généralisation des temps de découverte des métiers dans tous les collèges dès la 5e. Cet enseignement sera porté par des référents dans le cadre du "Pacte". Elle a également indiqué vouloir développer le mentorat afin de le faire doubler d'ici 2027. Le nombre de jeunes qui bénéficient d'un mentor, dans le cadre de l'initiative "1 jeune, 1 mentor" est actuellement de 150.000. Le dispositif mis en place le 1er mars 2021, réservé au moins de trente ans et d’une durée minimum de six mois, s’inscrit dans l’opération "1 jeune/1 solution"(voir notre article du 21 janvier 2022).
"Savoirs verts"
Pour renforcer l'enseignement de l'écologie, le gouvernement annonce mettre en place une évaluation obligatoire des "savoirs verts" en fin de collège, avec création d'une certification, soit un socle commun de connaissances à maîtriser sur "bien s'alimenter, trier les déchets, comprendre le changement climatique, savoir protéger la planète", à partir de 2024. Une convention a notamment été signée le 7 juin 2023 entre le ministère de l'Enseignement supérieur et l'association "Banlieue Climat". Cette convention va permettre de cibler des profils postbac en décrochage et en quartiers politique de la ville pour bénéficier de cette formation.
À ce sujet, un référentiel de "compétences vertes" est en cours d'élaboration au ministère de l'Éducation nationale. Matignon renvoie aussi au "B.A.- BA" du climat et de la biodiversité que vient de publier le Cned.
À l'issue de l'entretien de la Première ministre sur Brut et des premières annonces dévoilées le 20 juin, huit organisations de jeunesse, dont les syndicats étudiants Fage et Unef, ont critiqué "un empilement de dispositifs plutôt qu'une politique cohérente sur la jeunesse".