Rénovation urbaine : des projets menacés faute de financements de l'État, alerte Patrice Vergriete

Le niveau des financements incombant à l'État pour financer le deuxième programme de rénovation urbaine pourrait entraîner la mise à l'arrêt de certains projets, a averti ce 9 avril le président de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), Patrice Vergriete, qui a par ailleurs appelé à préparer dès maintenant le troisième programme, l'Anru 3.

L'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) est en pleine réalisation de son deuxième programme de rénovation, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) ou "Anru 2", d'un budget de 12 milliards d'euros. "Il a été souhaité à un moment donné par le gouvernement une accélération des projets de manière à ce qu'ils puissent rapidement se concrétiser", a rappelé mercredi 9 avril le président de l'agence, Patrice Vergriete, devant la commission des affaires économiques du Sénat. Une accélération réussie puisqu'aujourd'hui, "nous sommes au summum des réalisations des projets, donc des décaissements financiers. 100% des actions sont fléchées, 85% sont engagées (...) et ainsi, aux alentours de 2030, tout sera terminé", a-t-il indiqué.

Résultat : il faut aujourd'hui "sortir les financements", on est "au sommet des besoins de trésorerie". Et le président de l'Anru de poursuivre : "Or je le dis très clairement, cela fait partie de mon rapport d'étonnement, à la fin de l'année, l'Anru arrivera à une trésorerie nulle et même si l'État est très très minoritaire dans le financement (...), l'acteur qui n'a pas apporté sa quote-part à l'Anru, c'est l'État." "S'il n'y a pas de somme suffisante dans la loi de finances 2026, nous serons dans l'obligation d'arrêter les projets du NPNRU dans un certain nombre d'endroits", a-t-il prévenu, sachant que la loi de finances pour 2025 prévoit 50 millions d'euros pour l'Anru.

"L'Anru a déjà signifié aux préfets que dès 2025, il fallait être vigilants à ne pas décaisser trop", a-t-il fait savoir aux sénateurs. "Est-ce que les 50 millions que vous avez votés sont suffisants ? À peine. Est-ce que l'an prochain ils seront suffisants ? Non", a-t-il estimé, jugeant que l'État avait la capacité de prévoir "250 à 300 millions d'euros" pour 2026.

Le nouveau patron de l'agence et ancien ministre du Logement était auditionné sur l'avenir de la politique de renouvellement urbain, alors que le deuxième et dernier programme porté par l'agence doit s'achever en 2030. Lancé en 2014, le NPNRU prévoit la transformation profonde de plus de 450 quartiers prioritaires, où vivent trois millions d'habitants. Majoritairement financé par Action logement (8,4 milliards), le deuxième programme Anru l'est aussi par les bailleurs sociaux (2,4 milliards d'euros) et l'État (1,2 milliard).

"Dans la politique de la ville, on peut peut-être débattre du volet social, mais il y a unanimité pour reconnaître que la rénovation urbaine est un grand succès de la politique de la ville au regard de la façon dont elle a profondément changé la vie des habitants, je pense que vous aurez du mal à trouver des maires qui vous diront le contraire aujourd’hui", a-t-il déclaré, plaidant pour un troisième programme. Un Anru 3 donc. "Faut-il un troisième programme de rénovation urbaine dans les quartiers ? À titre personnel, on n'arrête pas quelque chose qui transforme le quotidien de millions de Français", dit Patrice Vergriete, identifiant "trois grandes questions".

Anru 3, c'est maintenant

La première : "Quels quartiers ? Y a-t-il encore des quartiers concernés ?" "Il y a d'abord évidemment les QPV", avec la nécessité de poursuivre le travail de transformation sur un certain nombre de sites. Et cela "reste la priorité". "D'autres quartiers mériteraient-ils de rentrer ?", s'est-il interrogé, songeant notamment à des quartiers de centre-ville de villes moyennes touchés par des taux de vacance très élevés du fait d'un bâti devenu obsolète. Se pose alors la question de l'intérêt d'une intervention de l'Anru, en plus de celle de l'Anah. Elle reste selon lui ouverte au débat.

Deuxième question, le financement : "Est-ce qu'Action logement pourra demain mettre autant que ce qu'il a mis par le passé, ça n'est pas certain. La solidarité interbailleurs pourra sans doute rester ce qu'elle est aujourd'hui". Dans tous les cas, entre Action logement, les bailleurs et l'État, "on pense que ce ne sera pas à la hauteur, d'où la recherche d'autres solutions de financement". Le président de l'Anru s'est référé au rapport "Ensemble refaire la ville" remis au gouvernement en février dernier (voir notre article) et a évoqué "une piste, sur laquelle Valérie Létard est en train de travailler fortement" : "les crédits européens". Autrement dit l'éventuelle possibilité de "mobiliser à nouveau des crédits du Pic Urban" pour contribuer aux 15 milliards nécessaires à la réalisation d'un Anru 3 ("15 milliards, c'est sur dix ans, sur 2030-2040"). À titre personnel, Patrice Vergriete n'exclut pas non plus "la possibilité d'une taxe affectée".

Dernière "grande question" : "le rapport social urbain". En résumé : "à quoi bon rénover un quartier si on n'a pas traité les questions de sécurité, d'emploi… donc tout le volet social de la politique de la ville". Ou comment "mieux articuler le volet social et le volet urbain" plutôt que de "les séparer en un contrat de ville d'un côté et un programme Anru de l'autre".

Dans tous les cas, "si on engage un programme Anru 3, c'est maintenant" : "On sait qu'il faut quatre à cinq ans pour préparer les projets et c'est dans quatre à cinq ans que les derniers projets de l'Anru 2 se termineront, donc si on veut éviter un trou d'air aux alentours de 2030, cela suppose d'engager aujourd'hui un programme Anru 3", a précisé Patrice Vergriete.

 

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