Politique de la ville : les deux tiers du programme de rénovation urbaine engagés fin 2024 mais risque de trésorerie déficitaire dès 2026
Les deux tiers du deuxième programme national de rénovation urbaine (PNRU), qui prévoit 14 milliards d'euros pour transformer les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), ont été engagés fin 2024, a annoncé ce mercredi 11 décembre l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Mais le risque de trésorerie déficitaire plane : dans un rapport de fin novembre, le Sénat relevait que l'État n'avait versé que "107 millions d'euros, soit à peine 9% du montant prévu d'ici 2033".
En 2023, la totalité des 14 milliards d'euros de concours financiers dédiés au Nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU), dont 10,7 milliards d'euros de subventions, a été allouée à des projets, et les deux tiers ont été engagés dans des opérations fin 2024, a fait savoir ce 11 décembre l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru). Lancé en 2014, le NPNRU a pris le relais du premier programme national PNRU (2004-2021) et doit s'achever en 2030. Il prévoit de transformer 448 quartiers situés en QPV, c'est-à-dire de rénover ou démolir de grandes barres d'immeubles, de reconstruire des immeubles plus petits, d'aménager des espaces publics ou de fournir de nouveaux équipements.
3 millions d'habitants dans 400 communes concernés
"Ces 14 milliards d'euros vont générer 43 milliards d'euros d'investissements directs, auxquels s'ajoutent au moins 13 milliards d'euros d'investissement indirects", a précisé l'Anru dans un communiqué au lendemain d'un conseil d'administration.
Quelque 3 millions d'habitants dans 400 communes sont concernés par ces projets qui touchent essentiellement des quartiers de grands ensembles composés en majorité de logements sociaux mais aussi de copropriétés privées. Plus de 260.000 logements sociaux sont ainsi réhabilités ou font l'objet de démolitions-reconstructions.
La moitié des villes concernées sont des villes petites ou moyennes comme Vierzon (Cher).
Améliorer la mixité sociale des quartiers populaires
Outre l'amélioration du cadre de vie et l'adaptation des bâtiments au changement climatique, les opérations de l'Anru ambitionnent d'améliorer la mixité sociale des quartiers populaires. Selon l'Anru, 82% des logements sociaux reconstitués l'ont été hors des QPV et près de 90.000 logements ont été construits en "diversification" dans les quartiers, c'est-à-dire dans le cadre de programmes d'accession sociale à la propriété. Le NPNRU permet également la création de plus de 1.000 équipements publics, dont 320 écoles. Il vise également à préparer les quartiers aux impacts du changement climatique ; ainsi, 75% des requalifications atteignent le niveau BBC-rénovation et 25% le niveau HPE-rénovation, ce qui permet une réelle décarbonation du parc de logements sociaux dans les QPV.
Pour Jean-Baptiste Dolci, président du conseil d'administration de l'Anru par intérim, "ces chiffres sont la preuve tangible de la montée en puissance du NPNRU. Avec les partenaires Action Logement, USH, Banque des Territoires et l'État, nous sommes très attentifs à ce que les programmes engagés se traduisent rapidement dans les quartiers de métropole et dans les outre-mer. Nous le devons aux habitants", a t-il précisé dans le communiqué.
"La carence de l'État risque de mettre l'Anru en difficulté financière"
Le NPNRU est en effet financé par l'organisme paritaire Action Logement (10,1 milliards d'euros), les bailleurs sociaux (2,7 milliards) et l'État (1,2 milliard).
Dans son rapport fin novembre sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2025, le Sénat relevait "l'absence de crédits alloués par l'État à l'Anru" à hauteur de 50 millions d'euros. "À ce jour, l'État n'a versé que 107 millions d'euros à l'Anru, soit à peine 9% du montant prévu d'ici 2033", soulignait la rapporteure Viviane Artigalas (PS). "La carence de l'État risque de mettre l'Anru en difficulté financière en plein coeur de la phase opérationnelle du NPNRU", soulignait-elle en alertant sur un risque de trésorerie déficitaire dès 2026. Plusieurs amendements sénatoriaux avaient d'ailleurs été déposés afin de garantir à l'Anru "un niveau soutenable de trésorerie".
Mi-novembre à l'occasion du Congrès des maires, avant que le gouvernement Barnier n'ait été censuré, l'association Ville & Banlieue s'inquiétait pour sa part du niveau élevé des contributions demandées aux collectivités dans le PLF qui menaçait "la stabilité des projets de leurs communes, leurs investissements, y compris ceux liés au nouveau programme national de renouvellement urbain" (voir notre article du 21 novembre 2024). Si ce PLF n'est plus d'actualité pour le moment, l'enjeu reste de mise pour l'année à venir.