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Politique de la ville - Renaud Gauquelin : "Il faut faire vite ! Les banlieues ont chaud"

L'association des maires Ville & Banlieue de France fête ses 30 ans ce 19 septembre 2013, à Rezé, ville de la proche banlieue de Nantes accueillant une des cités radieuses de Le Corbusier. Deux cents personnes, dont une soixantaine de maires, ont participé à un colloque où intervenait le ministre François Lamy en "guest star", suivi d'une très belle brochette de ce qui se fait de mieux aujourd'hui en matière de recherche sur la ville : l'économiste Laurent Davezies, le sociologue Renaud Epstein, les urbanistes Eric Charmes et Marie-Hélène Bacqué…
Quelques questions à Renaud Gauquelin, président de Ville & Banlieue, maire de Rillieux-la-Pape, commune située dans la banlieue lyonnaise.

Localtis – Pourquoi avoir choisi de mettre des chercheurs à l'honneur pour fêter les 30 ans d'une association d'élus ?
Renaud Gauquelin -
Nous voulions élargir notre sujet à plusieurs approches disciplinaires : la sociologie, l'économie… Avec l'idée que, depuis la salle, les élus réagissent de manière très interactive.

Les raisons pour lesquelles Ville & Banlieue a vu le jour en 1983 sont-elles les mêmes qui animent votre action aujourd'hui ?
Il y a trente ans, les banlieues étaient sous-traitées. L'enjeu était alors de faire venir des services publics dans les quartiers, et notamment les transports publics. Aujourd'hui, l'enjeu c'est le maintien des services publics ! Il faut se battre en permanence pour maintenir les services publics, et parfois encore pour les faire venir. Quand on pense que Clichy-sous-Bois n'a toujours pas d'agence pour l'emploi…

Quelles sont les grandes étapes qui ont marqué, selon vous, la politique de la ville ?
La montée en puissance de l'Anru ! Jean-Louis Borloo a été un grand ministre de la Ville, il a fait du très bon travail. J'ajouterai aussi la montée en puissance de l'Acsé, car l'aspect citoyen avait été jusque-là sous-traité. Fadela Amara avait bien essayé, mais elle a rencontré des difficultés à se faire entendre des autres ministres. Cela change avec le ministre actuel : François Lamy semble y parvenir.
Vous le voyez, notre association est multi partis : tous les partis sont présents sauf le FN. Aucun maire FN n'a souhaité adhérer à Ville & Banlieue mais si cela arrivait cela poserait un problème… moral. Nous sommes opposés aux positions du FN : nous sommes pour le vivre-ensemble, l'égalité, le partage de l'information… et pas l'exclusion des autres. Il faut lutter contre le populisme, il faut d'arrache-pied faire revenir les services publics, contraindre la montée du chômage, convaincre de l'intérêt de travailler tous ensemble… La crise économique a frappé d'abord les quartiers populaires. J'ai l'habitude de dire que ce sont des quartiers comme les autres, sauf qu'ils cumulent plus de difficultés (et aussi davantage d'abstentionnisme). Il faut faire vite, les banlieues ont chaud.

Que pensez-vous de la réforme de la géographie prioritaire engagée par François Lamy ?
La clarification des 751 dispositifs (Ndlr : ZUS) nécessitait d'être faite. Le critère de la pauvreté est le bon. Le ministre François Lamy a raison de mettre le paquet, tout en gardant une dégressivité avec une sortie en sifflet pour les villes qui n'auront plus de "quartiers prioritaires". Nous gagnerons en lisibilité avec des contrats signés pour une longue période : 6 ans, 2014-2020, un mandat municipal... Cela nous permettra de construire des politiques publiques dans la durée. Et n'oublions pas que, cette année, nous avons obtenu la montée en puissance de la DSU et de la DDU. Pour autant, nous avons quelques inquiétudes. Je pense aux 3 milliards d'euros que l'Etat va pomper aux collectivités. Les villes de banlieue vont perdre, comme les autres, 1,5% de dotation. C'est un vrai souci.
La réforme des rythmes scolaires est un autre sujet d'inquiétude. Pour une ville comme la mienne (Ndlr : Rillieux-la-Pape compte 30.000 habitants), le passage à la semaine de quatre jours et demi représente 500.000 euros.

Les villes de banlieue ont-elles plutôt débuté la mise en place de la réforme des rythmes scolaires en cette rentrée ou attendent-elles l'année prochaine ?
A Ville & Banlieue, nous sommes favorables à une meilleure répartition du temps de l'enfant sur la semaine - et sur l'année aussi d'ailleurs - mais nous attendons tous la prochaine rentrée scolaire pour mettre en place la réforme. Nous n'étions pas prêts pour cette rentrée.
Nos villes, qui sont en général plutôt petites (entre 10.000 et 30.000 habitants), ont rencontré des difficultés de recrutement et d'organisation avec les associations locales. Pour ma part, dans ma commune, j'ai aussi entendu la parole des enseignants (qui y étaient opposés) et celle des parents qui, d'après un sondage que nous avons réalisé, étaient 77% à souhaiter attendre un an de plus.

Par quel bout faut-il prendre, selon vous, la future réforme de l'éducation prioritaire ?
La carte scolaire est le premier problème. Il faut que Vincent Peillon resserre les boulons car il y a aujourd'hui tant de dérogations que l'on est en train de fabriquer des écoles sans mixité. Il faut revoir les critères de dérogation pour ne pas pousser les gosses dans le privé.

Que répondez-vous à votre collègue François Pupponi, député-maire (PS) de Sarcelles, lorsqu'il dit qu'il approuve la présence d'écoles privées dans les quartiers populaires, pour pouvoir conserver dans ces quartiers des familles de la classe moyenne ?
Dans nos quartiers populaires, il y a aussi beaucoup d'enfants issus de familles populaires qui vont à l'école privée (pas uniquement des enfants de la classe moyenne !). Pour moi, la priorité, c'est l'école laïque, l'école de la République.