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Emploi - Relancer les maisons de l'emploi, mais à certaines conditions

Dans son rapport remis à Christine Lagarde, mardi 17 juin, Jean-Paul Anciaux demande la reprise du processus de labellisation des maisons de l'emploi mais sur la base d'un nouveau cahier des charges plus précis. Beaucoup vont devoir s'adapter.

 

Et de trois. Après le rapport Boulanger et le rapport Dalloz, les maisons de l'emploi font l'objet d'un nouveau plaidoyer : le rapport du député UMP de Saône-et-Loire Jean-Paul Anciaux remis à Christine Lagarde, mardi 17 juin. Un travail commandé à l'automne dernier par la ministre de l'Economie qui avait alors demandé de geler le dispositif afin de pouvoir l'évaluer dans le cadre de la fusion ANPE/Unedic. Après un rapport d'étape remis en février dernier, le député maintient le cap : il demande que les décisions politiques soient prises "pour assurer la pérennité des maisons de l'emploi et la reprise du processus de labellisation et de conventionnement, au-delà des 227 maisons de l'emploi actuellement labellisées". Sur ce total, "188 ont une convention de fonctionnement signée et 122 une convention d'investissement", a-t-il précisé. S'il est trop tôt pour préjuger de la décision du gouvernement, Christine Lagarde a tenu à souligner "le rôle tout à fait déterminant des maisons de l'emploi au niveau stratégique pour la création d'activités".
Mais avant d'aller plus loin, le rapport Anciaux propose de consolider les bases du dispositif mis en place par Jean-Louis Borloo en 2005.

 

Evaluations

"Dans le cadre de la réforme en cours du Service public de l'emploi, les maisons de l'emploi se caractérisent par trois missions : elles sont tout à la fois un lieu de définition d'un projet de territoire, d'élaboration d'une stratégie territoriale et de coordination de l'action territoriale", a précisé le député, également président de la commission de labellisation des maisons de l'emploi.
Le rapport propose un nouveau cahier des charges, comme le prévoit la loi du 13 février 2008 sur la fusion ANPE/Unedic. Jean-Paul Anciaux définit trois axes : l'élaboration d'une stratégie territoriale partagée, la gestion territorialisée des ressources humaines et la contribution à l'accueil et à l'information des personnes et des entreprises. Autre mesure introduite dans le cahier des charges : les partenaires sociaux (patronat et syndicats) sont reconnus comme membre de droit aux côtés des collectivités, de l'Etat et du nouvel opérateur issu de la fusion. Ce cahier des charges, s'il est retenu par la ministre, jouera un rôle primordial dans les évaluations, l'un des points faibles du dispositif actuel, a jugé le député. Le rapport propose de mettre sur pied une instance plurielle de suivi et d'évaluation chargée tous les trois ans du renouvellement du label "maison de l'emploi". Lors de leur prochaine évaluation, les maisons déjà labellisées devront donc se mettre en conformité pour voir leur label renouvelé. "Les maisons de l'emploi vont devoir s'adapter", a ainsi prévenu le député, reconnaissant toutefois que cela ne devrait pas poser de problème car "il n'y a pas de différences fondamentales entre elles ni de contradictions à gérer".

 

Des fusions à la carte

Le rapporteur s'interroge par ailleurs sur la procédure de conventionnement aujourd'hui assurée par l'administration centrale et "sur ses effets quant aux délais d'instruction des projets".
S'agissant du périmètre d'action aujourd'hui très hétérogène d'une maison de l'emploi à l'autre, le rapport se montre assez souple : la maison de l'emploi peut épouser un ou plusieurs bassins d'emploi pourvu qu'elle s'inscrive"dans une organisation territoriale existante". Autre question soulevée : celle de la coordination des maisons de l'emploi avec les autres dispositifs locaux (missions locales, plans locaux pour l'insertion et l'emploi, comités de bassin d'emploi, maisons de l'information sur la formation et l'emploi, etc.). Il rapport propose de les intégrer "sans préjudice de leur mission" dans les maisons de l'emploi (voir ci-dessous).  Mais cette intégration "ne doit pas de faire de façon coercitive", a tenu à préciser le député. "Il ne s'agit pas d'imposer une réglementation qui fasse obligation à quiconque d'intégrer le dispositif par la force ou par la loi." Autrement dit, les fusions se feront à la carte. "C'est le territoire et les hommes qui vont dicter l'action, a insisté le député. Il faut bien se fondre sur le territoire en restant ferme sur le cahier des charges."

 

Michel Tendil

 

Intégrer les missions locales dans les maisons de l'emploi : "une fausse bonne idée"

Le rapport de Jean-Paul Anciaux tout comme celui de Marie-Christine Dalloz, remis la semaine dernière, proposent de fusionner les missions locales avec les maisons de l'emploi. Les acteurs concernés ne sont néanmoins pas convaincus par cette solution. Annie Jeanne, présidente de l'Association nationale des directeurs de missions locales (ANDML), nous explique pourquoi.


Localtis : Que pensez-vous de la proposition de Jean-Paul Anciaux de fusionner les missions locales avec les maisons de l'emploi ?

Annie Jeanne, présidente de l'Association nationale des directeurs de missions locales (ANDML) :  C'est une fausse bonne idée pour plusieurs raisons. D'abord les missions locales existent depuis 1982 et couvrent la totalité du territoire français. Elles travaillent en étroite collaboration avec les collectivités locales, les communes, les communautés de communes, les conseils généraux et régionaux. Si vous regardez les maisons de l'emploi, on en est loin : elles ne sont pas présentes sur tout le territoire. D'autre part, les missions locales ont une spécificité : elles s'occupent des jeunes avec un travail de proximité. 1,2 million de jeunes sont en contact avec les missions locales, une proportion beaucoup plus modeste dans les maisons de l'emploi. Enfin, pour cette population, il est indispensable d'avoir une approche éducative et pédagogique qui n'est pas nécessaire pour les autres populations. Nous devons apporter à ces jeunes non seulement un emploi, mais l'accès à l'autonomie.


Comment envisagez-vous le positionnement des missions locales dans le service public de l'emploi réformé ?

A.J. : Les missions locales sont déjà intégrées dans le service public de l'emploi. Elles ont une convention de partenariat renforcé avec l'ANPE et se chargent d'une population, les jeunes, que l'ANPE ne sait pas traiter. On est dans une complémentarité harmonieuse. Nous pensons qu'il faut conserver les missions locales en tant qu'entités indépendantes car elles ont une approche globale des problématiques d'insertion des jeunes : le logement, les déplacements, etc. Une approche globale qui risque d'être abandonnée au profit d'objectifs à court terme. Nous considérons qu'il ne faut pas traiter ces questions de manière segmentée.


Comment allez-vous défendre cette position ?

A.J. : Le Conseil national des missions locales (CNML), qui conseille le gouvernement, l'Union nationale des missions locales (UNML), regroupant les présidents des missions, et notre association partageons la même vision. Le CNML est en train de lancer une consultation nationale basée sur cinq questions (le public, l'offre de service, l'accès à l'offre d'emploi, le pilotage et le financement) et des auditions pour étudier les stratégies envisageables de positionnement des missions locales au sein du service public de l'emploi réformé. Je dois prochainement rencontrer le CNML pour en discuter.


Propos recueillis par Emilie Zapalski