Archives

Aménagement numérique - Régulation des marchés HD et THD : l'Arcep fait le bilan et prépare son nouveau cadre

L'Arcep met en consultation un document "bilan et perspectives" et engage la révision de son cadre de régulation des marchés du haut et très haut débit fixe ; qui portera sur la période 2017-2020.

L'Arcep a engagé la procédure de révision de son cadre de régulation des marchés du haut et très haut débit fixe (3a, 3b et 4) et publie une première version de son "bilan et perspective". Mis en consultation jusqu'au 16 septembre prochain, ce document vise à faire valider de nouvelles décisions d'"analyse de marché", en vue de les adopter d'ici mi-2017. Et ainsi remplacer celles adoptées en juin 2014. Les "analyses de marchés" sont des décisions de l'Arcep qui permettent au Régulateur d'imposer certaines obligations à un opérateur qui serait jugé "trop puissant sur un marché donné" - obligations qui permettent de remédier aux déséquilibres concurrentiels existants. Dans ce document, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes propose un état des lieux "bilan" des deux années écoulées et projette son action pour les années à venir en accord avec sa revue stratégique.

Un marché de détail de plus en plus tourné vers la fibre

Le marché de détail se divise entre le marché de détail dit "généraliste" et les produits spécifiques aux entreprises. Sur le marché généraliste, à destination des particuliers donc, les opérateurs "ont initié une démarche proactive" en faveur du très haut débit selon l'Arcep, qui se traduit aujourd'hui par 2,8 millions d'accès très haut débit (100 Mo/s), et une croissance du parc d'abonnés. Les opérateurs accompagnent une transformation plus large des usages, marquée par une "augmentation de la consommation de données" notamment sous l'impulsion de la vidéo.
Malgré tout, la dynamique concurrentielle reste quelque peu entravée, tant par le nouvel ensemble constitué de Numericable-SFR, que par Orange, qui maintient ses parts de marché à 45% (en forte progression sur le THD). De plus, la convergence entre les offres "triple-play" (téléphone, internet, télévision) et mobile réduit la fluidité, et in fine la mobilité des clients. Quant au marché entreprises, il reste dominé par ces deux mêmes opérateurs, qui concentrent 60% de parts de marché ; les autres 40% étant partagés par une multitude d'opérateurs ne dépassant pas les 5%. Les besoins spécifiques des entreprises, et notamment des PME, n'ont pas trouvé de réponse adaptée dans les offres sur fibre dédiée, trop coûteuses. Sans pour autant que se développent des offres sur fibre optique mutualisée.

Les marchés de gros toujours dominés par Orange

Derrière les marchés de gros, c'est l'accès aux différents réseaux haut et très haut débit (cuivre, câble, FttH) qui est en jeu, ainsi que l'accès aux infrastructures de génie civil d'Orange, indispensable aux déploiements.
En matière de déploiements, on observe qu'ils ont presque doublé au cours du cycle d'analyse : de 3,1 millions de prises au T1 2014 à 6 millions au T1 2016. Même constat à la hausse sur les taux de mutualisation, à 68% en zones très denses (contre 58% en mars 2013) et à 46% en zones moins denses (contre 11% en mars 2013).
Sur les marchés de gros par contre, la situation concurrentielle a relativement peu évolué et Orange reste dominant. Soit parce qu'il a creusé l'écart grâce à ses investissements, comme sur le marché de gros des boucles locales THD. Ce qui lui permet de proposer une offre de détail sur plus de 90% du parc de logements éligibles au FttH. Soit parce que rien n'a réellement bougé, comme sur le marché de gros à destination des entreprises.
La poussée des collectivités et des opérateurs alternatifs sur la boucle locale cuivre a par ailleurs permis de dégrouper des NRA (nœud de raccordement d'abonnés) de plus en plus en petits (2.100 entre 2014 et 2016). Croisé au développement des offres "PRM" (points de raccordement mutualisés), cela a notamment permis de rendre plus efficaces les opérations de montée en débit.

2017-2020 : investir dans les réseaux ; de la fibre pour les PME

En définissant ses perspectives pour la période 2017-2020, l'Arcep a fait de l'investissement dans les infrastructures sa priorité. L'Autorité entend notamment "assurer une dynamique concurrentielle d'investissement dans le très haut débit". L'objectif : assurer un déploiement massif des réseaux THD, sans pour autant limiter la concurrence sur le territoire. Dans les zones d'initiative publique, l'Arcep sera par exemple vigilante aux risques concurrentiels induits par les opérateurs intégrés. Il s'agit également pour le Régulateur de "favoriser l'investissement efficace dans les infrastructures, les synergies et l'innovation". Autrement dit, faciliter l'accès aux infrastructures de génie civil et permettre une "polyvalence d'emploi" de certaines ressources comme la fibre noire d'Orange.
Enfin, l'Arcep entend s'attaquer au marché entreprises, et "faire émerger un marché de masse de la fibre optique pour les PME". Tout en favorisant l'apparition d'un troisième opérateur de gros pour concurrencer Orange et Numericable-SFR. Derrière, c'est la "fluidité du marché entreprises" qui pourrait être améliorée. En réduisant par exemple les risques de coupure en cas de changement d'opérateurs par une entreprise ou encore en adoptant une régulation tarifaire adaptée au déploiement massif d'offres de gros sur fibre optique mutualisée.
En creux, l'Arcep espère "faire progresser les débits et les services sur l'ensemble du territoire" au cours des prochaines années. Pour cela, elle entend par exemple réévaluer et mettre à disposition des collectivités une "boîte à outils" des solutions mobilisables dans les zones RIP (4G fixe, boucle locale radio, montée en débit, satellite). Ces solutions sont pour le Régulateur un compromis intéressant pour des territoires qui ne verront pas la fibre à court ou moyen terme.

Ivan Eve / EVS

Accès au génie civil, Orange mis en demeure
Suite au non-respect de ses obligations en matière de mise à disposition des infrastructures de génie civil sur le marché entreprises, Orange a été mis en demeure par l'Arcep le 20 juillet dernier. En cause, le non-respect du principe de l'"équivalence des intrants", qui stipule que l'opérateur historique doit mettre à disposition des opérateurs alternatifs son génie civil dans les mêmes conditions (opérationnelles, techniques et tarifaires) qu'à ses propres services. Le tout de manière transparente et non discriminatoire. L'Arcep reproche notamment à la branche de détail d'Orange de ne pas avoir recouru aux mêmes processus et interfaces de commande que les opérateurs alternatifs. Sous peine de sanctions, Orange est contraint de fournir un accès à son génie civil dans des conditions identiques à tout le monde d'ici le 30 septembre prochain. L'opérateur historique devra également transmettre au Régulateur et publier sur son site internet des informations relatives aux commandes et à l'accès à son génie civil ; là encore pour le marché entreprises. Du côté de l'Arcep, on réaffirme du même coup l'importance de ce principe bafoué par Orange dans la bonne marche des déploiements très haut débit sur tout le territoire.