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TIC - Arcep : une "revue stratégique" pour mieux accompagner la révolution numérique

C'est dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne que l'Arcep a présenté ses vœux le 19 janvier à l'ensemble des acteurs des télécoms. Pour l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, la soirée a surtout été l'occasion de dévoiler les conclusions de sa revue stratégique, menée depuis juin 2015.
Considérant la concurrence sur le marché français comme un acquis, construit avec patience depuis 1997, le Régulateur a cherché à "identifier les nouveaux défis et réorienter ses priorités" dans le cadre des missions qui lui ont été confiées. Afin d'accompagner la "révolution numérique" en cours et de participer au "succès de la transformation numérique du pays", l'Arcep veut adapter la régulation et moderniser son action ainsi que ses modes d'intervention. Une entrée dans une nouvelle ère qui méritait bien, par ailleurs, un nouveau logo.

Un monde en transformation

Lors de son discours, le ministre de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique, Emmanuel Macron, est revenu sur les transformations induites par le numérique qui "touche à nos façons d'innover, de produire, de consommer, de nous organiser" tout en produisant "une accélération formidable" et une internalisation des phénomènes.
Prenant la suite d'Emmanuel Macron à la tribune, le président de la commission des affaires économiques du Sénat, Jean-Claude Lenoir (LR - Orne), a également tenu à saluer le travail mené par le Régulateur dans un monde qui change. Tout en faisant état des liens qui unissent l'autorité administrative indépendante et le Parlement, le sénateur a rappelé leur objectif commun d'aménagement numérique des territoires et de lutte contre une fracture numérique plus que jamais d'actualité. Il a félicité l'Arcep pour "sa démarche proactive" et "son ouverture à la société et à ses acteurs" qui, alliées à son pouvoir de contrôle, composent les fondements de sa légitimité et lui permettent d'agir de manière "efficaces et déterminée".
Voulue par le politique, accélérée par une pénétration chaque jour plus importante du numérique dans la société, attendue par les acteurs de l'écosystème, la revue stratégique de l'Arcep a été le fruit d'une "d'une démarche ouverte, reposant sur l'échange et la collaboration". Ateliers, consultation publique, entretiens, colloques… ont été les outils de cette refonte. Face à ce qu'il a qualifié de "dépendance au numérique", Sébastien Soriano, le président de l'Arcep, estime qu'il est désormais impératif de penser le numérique en amont de tout projet, afin de ne pas "aller au-devant de nouvelles désillusions". Tout en rappelant que le numérique reste un sujet fortement politique, il a insisté sur le fait que "l'Arcep prendra sa part de responsabilité" pour "améliorer la connectivité des territoires". Des besoins de connectivité toujours plus pressants pour les entreprises, les individus (en intérieur et en mobilité) et les territoires (intelligents).

Faire preuve de "vigilance" et d'"impertinence"

Pour accompagner "cette grande transformation", Emmanuel Macron a appelé "le gouvernement, comme l'Arcep, à réinventer leurs missions" afin d'être en mesure de préserver "l'intérêt général et nos préférences collectives" et de pouvoir penser "le cadre et les règles" d'un "monde qui requiert plus de libertés". Selon lui, le numérique peut devenir un "outil de l'égalité entre les citoyens et les territoires", à condition que l'Arcep se montre à la fois "vigilante et impertinente". Vigilante pour maintenir les équilibres sectoriels et la concurrence "au profit de l'investissement". Mais également pour que l'accès au numérique "devienne rapidement une égalité en acte, concrète". Résorption des zones blanches, Plan France très haut débit … "2016 doit être une année d'exécution" pour "l'infrastructure de base que nous devons à notre pays" (voir l'article ci-contre du 21 janvier). Son insolence, l'Arcep devra la montrer dans "sa capacité à innover, à repenser son propre cadre". Pour le ministre, "la modernisation de l'économie passera par la modernisation de ses acteurs", et il appelle le Régulateur à "faire bouger les lignes sur le fond". Il devra "réguler non pas pour freiner mais pour donner de la sécurité et de la visibilité, de la transparence à tous les acteurs de cette 'terra incognita' qu'est la révolution numérique". Au cours de cette "année décisive" (2016), le ministre espère que "le volontarisme de toutes et tous" conduira à des "actions fortes", à un "réformisme radical" dont l'Arcep fera partie en tant que régulateur et "réformateur".
Cet "esprit de conquête", comme l'a qualifié le ministre, devra être porté au niveau européen. La nomination de Sébastien Soriano à la présidence du Berec (Body of European Regulators for Electronic Communications) en 2017 est "de bon augure".

Usages et réseaux au cœur de la revue stratégique

Afin de guider son action dans un écosystème fortement remodelé, l'Arcep a identifié quatre "piliers" et douze chantiers prioritaires. Selon Sébastien Soriano, la première priorité est l'investissement dans les infrastructures, qui améliore aussi bien la qualité des services que la compétitivité des acteurs du numérique. Il s'agit par exemple de passer d'un "marché de luxe à un marché de masse" en fibre optique, notamment pour les PME, et d'inciter la migration vers la fibre. Le deuxième pilier : "des territoires connectés". Objets connectés, suivi du plan FTHD, déploiements mobile feront l'objet d'une attention particulière, tout comme le service universel postal, marqueur de la présence des services publics sur tout le territoire. La troisième priorité est un "internet ouvert", dont le principe de neutralité et l'ouverture des terminaux constituent les principaux enjeux. Enjeux par ailleurs au cœur du projet de loi numérique actuellement débattu à l'Assemblée nationale. Un travail d'explicitation des normes auprès des acteurs économiques ainsi qu'une plateforme de signalement des problèmes devraient suivre. Enfin, l'Arcep souhaite adopter un "prisme pro-innovation", qui favorisera l'intelligence collective, l'expérimentation ou encore le crowdsourcing.
Le Régulateur ne s'est pas contenté de faire évoluer son action mais a également cherché à moderniser ses modes d'intervention. En ce sens, il a mené un "exercice sur les leviers de la régulation" afin de la "repenser à l'heure du numérique". Pour son président, l'Arcep doit s'adapter à la transversalité du numérique (réseaux, usages…) et jouer un "rôle d'expert neutre", en plus de celui d'arbitre. Face à la complexité des sujets, il devient nécessaire de co-construire la régulation en "désîlotant" les politiques publiques. A l'image de ce qui a été fait pour la revue stratégique.
Enfin, Sébastien Soriano a appelé de ses vœux une "régulation par la data", qui permettra d'"encapaciter" les acteurs grâce à la donnée (comme les cartes de couverture par exemple), grâce "au pouvoir de l'information". Son rôle d'"architecte et de gardien des réseaux d'échanges", l'Arcep entend le jouer pleinement au cours des années à venir. L'émergence d'une nouvelle force, celle de la "multitude", comme l'a qualifié Sébastien Soriano, qui peut faire pression sur le marché. A travers un "chantier de dégroupage des données" pour les mettre à disposition du public, une plus grande proximité avec le terrain, en stimulant l'intelligence collective (par l'Etat-plateforme), Sébastien Soriano espère évoluer "vers une régulation intime, personnalisée, au service de nos concitoyens".

 

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